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05/10/2004 | FRANCE | N°03-17757

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 octobre 2004, 03-17757


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par jugement du 27 juillet 2001, le plan de cession des actifs des sociétés du groupe AOM Air liberté, dont la procédure de redressement judiciaire avait été ouverte le 19 juin 2001, a été arrêté au profit de la société Holco en précisant qu'un protocole d'accord devait être conclu avec le groupe Swissair, alors actionnaire direct ou indirect du groupe Air liberté ; que ce protocole a été conclu les 31 j

uillet et 1er août 2001 entre, d'une part, la société Holco et les organes de la ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par jugement du 27 juillet 2001, le plan de cession des actifs des sociétés du groupe AOM Air liberté, dont la procédure de redressement judiciaire avait été ouverte le 19 juin 2001, a été arrêté au profit de la société Holco en précisant qu'un protocole d'accord devait être conclu avec le groupe Swissair, alors actionnaire direct ou indirect du groupe Air liberté ; que ce protocole a été conclu les 31 juillet et 1er août 2001 entre, d'une part, la société Holco et les organes de la procédure collective du groupe AOM Air liberté, et, d'autre part, les sociétés Sairgroup et Sairlines, déclarant agir "tant pour elles-mêmes que pour le compte des personnes morales appartenant au groupe Swissair et des personnes physiques préposées ou ayant été préposées de ce groupe ou des sociétés qui le composent, et plus particulièrement la société Fleathlease dont les sociétés Sairgroup et Sairlines se portent fort", qui se sont engagées à consentir à la société Holco, en sa qualité de repreneur, une contribution financière spontanée de 1 300 000 000 francs versée à la procédure collective, ainsi qu'à reprendre le traitement des billets émis non utilisés par la société AOM Minerve à la date du 19 juin 2001 à concurrence d'un montant de 200 000 000 francs outre une contribution forfaitaire complémentaire de 50 000 000 francs ; qu'en contrepartie, les organes de la procédure collective et le repreneur ont notamment renoncé à toutes actions à l'encontre de Swissair, de toutes les personnes morales qui composent ce groupe, de toutes les personnes physiques qui en sont ou en ont été les préposées ou qui sont ou ont été des mandataires sociaux des sociétés admises au bénéfice du redressement judiciaire ; que ce protocole a été homologué par le tribunal le 1er août 2001 ; qu'une somme de 1 050 000 000 francs seulement ayant été payée à la société Holco, cette société et la société AOM Air liberté ont assigné les sociétés Sairgroup et Sairlines ainsi que neuf sociétés du groupe Swissair, dont la société Swissport international LTD (société Swissport), en paiement du solde de la contribution ainsi que des billets émis et non utilisés ; que les défenderesses ont soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Paris ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Swissport reproche à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les observations écrites de la société Holco et de la société AOM Air liberté en date du 23 avril 2003, alors, selon le moyen :

1 / que l'article 85 du nouveau Code de procédure civile autorisant les parties à déposer toutes observations utiles pour être versées au dossier dans le cadre du contredit ne déroge pas à l'obligation qu'ont les parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions et les moyens de droit qu'elles invoquent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ; qu'en déclarant néanmoins recevables les conclusions déposées par les sociétés Holco et AOM Air liberté à vingt-deux heures dix pour l'audience fixée au lendemain à neuf heures trente, la cour d'appel a violé l'article 85 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en ne recherchant pas, comme il le lui était demandé, si les écritures de la société Holco et de la société AOM Air liberté ne contenaient pas des moyens entièrement nouveaux auxquels la société Swissport n'avait pas été en mesure de répondre dans les conditions normales d'un débat contradictoire, la cour d'appel a violé les articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile et 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales par refus d'application ;

3 / qu'aucun texte n'obligeant la partie qui n'a pu disposer d'un temps suffisant pour assurer pleinement sa défense à demander le renvoi de l'audience, la cour d'appel ne pouvait refuser de sanctionner le dépôt des conclusions après 22 heures pour l'audience du lendemain matin sans violer les articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile et 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que l'arrêt mentionne que les sociétés Holco et AOM Air liberté ayant fait le 23 avril 2003 des observations écrites en réponse au contredit formé par les sociétés du groupe Swissair, celles-ci ont à leur tour fait le même jour des observations écrites ; qu'il retient encore qu'aucune des parties n'a formulé une demande de renvoi pour préparer sa défense ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, desquelles il résulte que les parties ont été en mesure d'assurer leur défense et que le principe de la contradiction a été respecté, la cour d'appel, qui a fait la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Swissport reproche encore à l'arrêt d'avoir déclaré mal fondé le contredit formé par elle à l'encontre du jugement du 20 novembre 2002 par lequel le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré compétent pour statuer sur l'action en paiement dirigée contre la société de droit suisse Swissport dépendant du groupe Swissair, alors, selon le moyen, qu'il appartenait à la cour d'appel, si elle entendait trancher la question relative à la prétendue représentation par les sociétés Sairgroup et Sairlines de la société Swissport, d'inviter celle-ci à conclure sur cette question de fond ; qu'en s'abstenant de procéder ainsi, la cour d'appel a violé les articles 76 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que certaines sociétés du groupe Swissair ayant fait valoir qu'elles n'avaient pas signé le protocole tandis que les demanderesses prétendaient que ces sociétés y étaient représentées par les sociétés Sairgroup et Sairlines, le moyen pris de la représentation des parties était dans le débat et la cour d'appel n'était pas tenue d'inviter les parties à conclure avant de statuer sur cette question ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer mal fondé le contredit formé par elle à l'encontre du jugement du 20 novembre 2002 par lequel le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré compétent pour statuer sur l'action en paiement dirigée contre la société de droit suisse Swissport dépendant du groupe Swissair, l'arrêt retient qu'il importe peu que les sociétés du groupe Swissair n'aient pas signé le protocole transactionnel puisque les sociétés Sairgroup et Sairlines se sont engagées pour elles dans ledit protocole et que la compétence doit donc être recherchée en tenant compte du fait que le protocole est intervenu entre des sociétés françaises domiciliées à Paris et un groupe Swissair représenté par deux sociétés de droit suisse domiciliées en Suisse ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans préciser sur quel fondement se trouvait engagée la société Swissport, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1247, alinéa 3, du Code civil, ensemble l'article 5-1 de la Convention de Lugano ;

Attendu que pour déclarer mal fondé le contredit formé par la société Swissport, l'arrêt retient que les trois premiers paiements ont été faits au domicile du créancier, sur sollicitation de ce dernier, indiquant le modus operandi et fournissant les coordonnées bancaires du compte sur lequel le versement devait être effectué sans qu'il y ait eu besoin chaque fois de renouveler son souhait sur le mode de paiement et qu'un tel comportement qui n'est pas spontané mais répond à une demande expresse du cocontractant, démontre bien la volonté des débitrices de payer en France, au domicile du créancier, lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser la renonciation tacite non équivoque au caractère quérable de la dette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mai 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Holco et MM. X... et Y..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette leurs demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 03-17757
Date de la décision : 05/10/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° PROCEDURE CIVILE - Conclusions - Dépôt - Dépôt la veille de l'ordonnance de clôture - Recevabilité - Cas - Réponse à des conclusions également tardives.

1° PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Principe de la contradiction - Application - Preuve - Renonciation des parties à solliciter un renvoi.

1° Justifie légalement sa décision une cour d'appel, qui, pour déclarer recevables des observations écrites déposées le soir du jour précédant l'audience, constate que ces observations ont été faites en réponse aux observations de parties adverses faites le même jour, et relève qu'aucune des parties n'a formé une demande de renvoi pour préparer sa défense, ce dont il résulte que celles-ci ont été à même d'assurer leur défense et que le principe de contradiction a été respecté.

2° COMPETENCE - Compétence territoriale - Règles particulières - Contrats et obligations - Pluralité de parties - Effets - Etendue - Limites.

2° Méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, une cour d'appel, qui pour déclarer mal fondé le contredit formé à l'encontre d'un jugement retenant la compétence du tribunal de commerce de Paris pour statuer sur une action en paiement dirigée contre une société de droit suisse, retient qu'il importe peu que cette société n'ait pas signé le protocole litigieux puisque deux autres sociétés de droit suisse se sont engagées pour elle dans ce protocole, sans préciser sur quel fondement se trouvait engagée la première de ces sociétés.

3° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Lugano du 16 septembre 1988 - Compétence internationale - Article 5 - 1° - Matière contractuelle - Lieu d'exécution de l'obligation servant de base à la demande - Loi applicable au contrat - Défaut - Portée.

3° Une cour d'appel qui, pour rejeter un contredit formé par une société de droit suisse, relève que les trois premiers paiements effectués en exécution d'un protocole d'accord, intervenu entre des sociétés françaises et des sociétés de droit suisse, ont été faits au domicile du créancier sur sollicitation de celui-ci, qui avait indiqué le modus operandi et fourni les coordonnées bancaires du compte sur lequel le premier versement devait être effectué, sans qu'il ait eu besoin de renouveler son souhait ultérieurement, et retient qu'un tel comportement, qui n'est pas spontané mais répond à une demande expresse du cocontractant, démontre bien la volonté des sociétés suisse débitrices de payer en France au domicile du créancier, lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1247, alinéa 3, du Code civil et 5.1° de la Convention de Lugano, dès lors que de tels motifs sont impropres à caractériser la renonciation tacite non équivoque au caractère quérable de la dette.


Références :

2° :
3° :
3° :
Code civil 1247 al. 3
Convention de Lugano du 16 septembre 1988 art. 5.1°
Nouveau Code de procédure civile 455

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 mai 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 oct. 2004, pourvoi n°03-17757, Bull. civ. 2004 IV N° 179 p. 205
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 IV N° 179 p. 205

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: Mme Tric.
Avocat(s) : la SCP Delaporte, Briard et Trichet, Me Le Prado, la SCP Peignot et Garreau, Me Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.17757
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