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05/10/2004 | FRANCE | N°01-12435

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 octobre 2004, 01-12435


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la SNC Elysées Franklin, la société Financière 14 Matignon et M. Max X... que sur le pourvoi incident relevé par le CDR Créances ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que pour engager deux opérations d'acquisition hôtelière à la Guadeloupe dans le cadre de la loi du 11 juillet 1986, dite "loi Pons", la SNC Elysées Franklin, dont le capital est détenu par la société Financière 14

Matignon, société holding des frères X..., marchands de biens, ainsi que par la soci...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la SNC Elysées Franklin, la société Financière 14 Matignon et M. Max X... que sur le pourvoi incident relevé par le CDR Créances ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que pour engager deux opérations d'acquisition hôtelière à la Guadeloupe dans le cadre de la loi du 11 juillet 1986, dite "loi Pons", la SNC Elysées Franklin, dont le capital est détenu par la société Financière 14 Matignon, société holding des frères X..., marchands de biens, ainsi que par la société Ibis participation, a constitué les SNC Saint-Barth's hôtel et Saint-François résidence et obtenu de la Société internationale bankers SA (la banque IBSA), aux droits de laquelle se sont successivement trouvés la banque Colbert puis aujourd'hui le CDR Créances, qu'elle lui consente, les 21 juillet 1988 et 13 septembre 1989, des ouvertures de crédit garanties par le cautionnement de M. Max X... ; que les créances qui en ont résulté n'ayant pas été remboursées, le CDR Créances, après avoir saisi les immeubles, a fait assigner en paiement la SNC Elysées Franklin, ses associées, les sociétés Ibis participation et Financière 14 Matignon ainsi que M. Max X... ; que, rejetant les divers moyens opposés par ces derniers pour échapper à leurs obligations, la cour d'appel a accueilli les réclamations du CDR Créances à l'exception de celles relative à la capitalisation des intérêts du crédit accordé pour l'opération Saint-Barth's hôtel au-delà du 31 décembre 1992 ainsi qu'à l'application des intérêts au taux conventionnel après cette date pour les deux concours ;

Sur les quatre moyens du pourvoi principal :

Attendu que les SNC Elysées Franklin, société Financière 14 Matignon et M. Max X... développent quatre moyens de cassation à l'appui de leur pourvoi, reprochant à la cour d'appel d'avoir violé les articles 1134, 1907, alinéa 2, 2015, 2037, 1315, 1135, 1147, 1353 du Code civil, 455 du nouveau Code de procédure civile, 4 de la loi du 28 décembre 1966, 2 du décret du 4 septembre 1985, L. 236-22 du Code de commerce ou privé sa décision de base légale au regard de ces mêmes textes ;

Mais attendu que ces moyens, annexés à la présente décision et invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen pourvoi incident :

Attendu que le CDR Créances fait grief à l'arrêt de l'avoir déchu, pour les deux crédits, du droit aux intérêts conventionnels à compter du 1er janvier 1993, alors, selon le moyen :

1 / que l'indication du TEG dans la convention d'ouverture de crédit suffit à fournir à l'emprunteur l'information prévue par la loi, qui n'exige pas que cette information soit réitérée ultérieurement dans chaque relevé de compte ; qu'en le déclarant déchu du droit aux intérêts conventionnels pour la période postérieure au 1er janvier 1993, faute pour la banque d'avoir, après cette date, fait figurer le TEG sur les relevés de compte, tout en constatant que les ouvertures de crédit mentionnaient le TEG, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, et a violé l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966, ensemble l'article 1907 du Code civil ;

2 / qu'exigerait-on de l'établissement prêteur qu'il appose sur chaque relevé la mention du TEG, cette obligation formelle ne peut être imposée qu'en vertu d'une loi en vigueur au jour où lesdits relevés sont émis ; de sorte que viole les articles 2 du Code civil, ensemble l'article 4 de la loi du 26 juillet 1993, la cour d'appel qui reproche à l'établissement prêteur d'avoir omis d'indiquer le TEG sur des relevés postérieurs au 26 juillet 1993, date à laquelle la loi du 28 décembre 1966 était abrogée pour les prêts entre professionnels ;

3 / que les règles de forme qui conditionnent la validité de la perception d'intérêts s'appliquent immédiatement aux intérêts à échoir postérieurement à l'entrée en vigueur de ces règles ; que viole donc derechef l'article 2 du Code civil, ensemble l'article 4 de la loi du 26 juillet 1993, la cour d'appel qui refuse de faire immédiatement application de cet article en ce qu'il abroge l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966 et met, par là-même fin, pour les prêts entre professionnels, à l'obligation d'indication du TEG ;

Mais attendu, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient le CDR Créances, il ne résulte pas de l'article L. 313-2 du Code de la consommation, qui s'est borné à reprendre, dans le cadre de la codification à droit constant réalisée par la loi du 26 juillet 1993, les règles générales, applicables à tous les prêts, figurant jusque-là dans les articles 1 à 7 de la loi du 28 décembre 1966 qu'elle abrogeait, que les prêts à finalité professionnelle soient exclus du champ d'application de ce texte ;

Et attendu, en second lieu, que si, pour les découverts en compte, la mention du taux effectif global doit être portée, à titre indicatif, dans la convention d'ouverture de compte ou de crédit ou tout autre document, celle du taux effectif global appliqué doit aussi figurer sur les relevés périodiques du compte ; qu'ayant constaté, tant par motifs propres qu'adoptés, que si le taux effectif global avait bien été indiqué dans les actes d'ouverture de crédit consenti à la SNC Elysées Franklin, il avait cessé, à partir du 31 décembre 1992, d'être mentionné dans les extraits de compte adressés à celle-ci, la cour d'appel, qui en a déduit la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels à compter de cette date, loin d'avoir violé les textes visés au pourvoi, en a fait au contraire l'exacte application ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen incident :

Attendu que le CDR Créances fait encore grief à l'arrêt d'avoir jugé qu'il ne pouvait prétendre aux intérêts capitalisés du crédit accordé pour l'opération Saint-François, alors, selon le moyen :

1 / que l'intention des parties de "travailler en compte courant" peut être tacite et résulter du fonctionnement réel du compte ;

qu'en retenant que les parties n'avaient pas eu l'intention de travailler en compte courant tout en constatant l'existence d'une remise réciproque caractéristique du fonctionnement d'un compte courant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du Code civil ;

2 / que l'existence d'un compte courant suppose simplement, outre l'intention des parties de travailler en compte courant, la possibilité de remises réciproques, de sorte que l'absence de remises réciproques effectives n'est pas de nature à priver une convention de sa nature de compte courant ; qu'en se fondant néanmoins, pour dénier l'existence d'un prêt en compte courant entre la société IBSA et la SNC Elysées Franklin pour le financement de l'opération Saint-François, sur le fait qu'une seule remise réciproque avait été enregistrée sur ce compte, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que, selon la convention d'ouverture, le compte ouvert pour l'opération Saint-François était un simple compte de dépôt et qu'il n'avait jamais enregistré de remises réciproques, le seul virement d'une somme de 1 300 000 francs ne pouvant être qualifié comme tel ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les parties n'avaient pas eu la commune intention d'aménager leurs relations selon un mécanisme de compte courant et que cette absence d'intention était corroborée par la manière dont ce compte avait fonctionné, la cour d'appel a exactement décidé que le CDR Créances ne pouvait prétendre à la capitalisation d'intérêts qu'il sollicitait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi incident :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de capitalisation des intérêts du crédit accordé pour l'opération Saint-Barth's, au-delà du 31 décembre 1992, l'arrêt retient qu'à partir de cette date le compte n'avait plus enregistré d'opérations et en a déduit qu'il avait été tacitement clôturé ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser la clôture du compte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé à titre principal par la SNC Elysées Franklin, la société Financière 14 Matignon et M. X... ;

Statuant sur le pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts du prêt consenti pour l'opération Saint-Barth's au-delà du 31 décembre 1992, l'arrêt rendu le 7 mai 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la SNC Elysées Franklin, la société Financière 14 Matignon et M. Max X... aux dépens ;

Vu les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne au paiement d'une somme globale de 1 800 euros à la société CDR Créances ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 01-12435
Date de la décision : 05/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Intérêts - Taux - Taux effectif global - Validité - Conditions - Existence d'un écrit - Domaine d'application - Prêt à finalité professionnelle.

1° INTERETS - Intérêts conventionnels - Taux - Taux effectif global - Validité - Conditions - Existence d'un écrit - Domaine d'application - Prêt à finalité professionnelle.

1° L'article L. 313-2 du Code de la consommation s'étant borné à reprendre dans le cadre de la codification à droit constant réalisée par la loi du 26 juillet 1993, les règles générales applicables à tous les prêts, figurant jusque là dans les articles 1er à 7 de la loi du 28 décembre 1966 qu'elle abrogeait, les prêts à finalité professionnelle ne sont pas exclus du champ d'application de ce texte.

2° PRET - Prêt d'argent - Intérêts conventionnels - Stipulation - Validité - Conditions - Existence d'un écrit - Ecrit - Définition - Portée.

2° INTERETS - Intérêts conventionnels - Stipulation d'intérêts - Validité - Conditions - Existence d'un écrit - Ecrit - Définition - Portée 2° PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Intérêts - Taux - Taux effectif global - Taux appliqué aux découverts en compte bancaire - Mention sur les relevés bancaires - Necessité.

2° Si, pour les découverts en compte, la mention du taux effectif global doit être portée, à titre indicatif, dans la convention d'ouverture de compte ou de crédit ou tout autre document, celle du taux effectif global appliqué doit aussi figurer sur les relevés périodiques du compte.


Références :

1° :
1° :
Code de la consommation L312-2
Loi 66-1010 du 28 décembre 1966 art. 1er à 7
Loi 93-949 du 26 juillet 1993

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 mai 2001

Sur le n° 1 : Dans le même sens que : Chambre civile 1, 2002-01-22, Bulletin, I, n° 23, p. 18 (cassation partielle) et les arrêts cités. Sur le n° 2 : Sur la nécessité d'une mention sur les relevés bancaires du TEG appliqué, dans le même sens que : Chambre commerciale, 1996-07-09, Bulletin, IV, n° 205, p. 176 (cassation) ; Chambre commerciale, 1999-04-06, Bulletin, IV, n° 82, p. 67 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 oct. 2004, pourvoi n°01-12435, Bull. civ. 2004 IV N° 180 p. 207
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 IV N° 180 p. 207

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: Mme Collomp.
Avocat(s) : la SCP Boutet, la SCP Célice, Blancpain et Soltner.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.12435
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