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29/09/2004 | FRANCE | N°02-18335

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 septembre 2004, 02-18335


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2002), que, par décision du 10 décembre 1996, le Conseil de la concurrence a infligé à Electricité de France (EDF) une sanction pécuniaire de 30 MF pour exploitation abusive de sa position dominante à l'encontre des producteurs autonomes d'électricité ; que la cour d'appel de Paris, par arrêt du 27 janvier 1998, a rejeté le recours formé contre cette décision par EDF ; qu'un certain nombre de producteurs autonomes ont

alors saisi le tribunal de commerce de Paris d'une action en réparation de ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2002), que, par décision du 10 décembre 1996, le Conseil de la concurrence a infligé à Electricité de France (EDF) une sanction pécuniaire de 30 MF pour exploitation abusive de sa position dominante à l'encontre des producteurs autonomes d'électricité ; que la cour d'appel de Paris, par arrêt du 27 janvier 1998, a rejeté le recours formé contre cette décision par EDF ; qu'un certain nombre de producteurs autonomes ont alors saisi le tribunal de commerce de Paris d'une action en réparation de leur préjudice né du comportement d'EDF sanctionné par les décisions précitées ; que l'arrêt attaqué a fait droit à l'exception d'incompétence de la juridiction judiciaire soulevée par EDF ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois branches :

Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / que prive sa décision de toute base légale au regard de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire et du décret du 16 fructidor An III, ensemble le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, la cour d'appel qui, pour nier la compétence judiciaire pour connaître de la responsabilité, envers des personnes physiques ou morales privées, d'un établissement public à caractère industriel et commercial à raison des conséquences dommageables d'actes juridiques et/ou matériels définitivement qualifiés par le Conseil de la concurrence et la cour d'appel de Paris comme constitutifs d'un abus de position dominante envers ces personnes privées, statue par les motifs critiqués au moyen, sans constater : ni que ces actes juridiques et/ou matériels auraient été pris ou faits à l'occasion de l'exercice d'une quelconque mission de service public mais constate au contraire que ces personnes n'étaient pas les usagers d'un service public géré par cet établissement public à caractère industriel et commercial, ni que ces actes juridiques ou matériels procéderaient de l'exercice d'une prérogative de puissance publique, ni que ces actes juridiques ou matériel présenteraient les caractères d'actes administratifs, ni ne constate aucun des chefs qui, dans une telle hypothèse, pourrait justifier la compétence de la juridiction administrative pour en connaître ;

2 / que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel qui considère qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître de la responsabilité extracontractuelle d'un établissement public industriel et commercial à raison de faits préalablement et définitivement qualifiés d'abus de position dominante par le Conseil de la concurrence et la cour d'appel de Paris, au motif que ces faits ne sont pas détachables de contrats présentant un caractère administratif, tout en constatant qu'en l'occurrence de tels contrats administratifs n'existent pas, a entaché sa décision de contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'en l'absence d'acte ou de contrat administratif auquel les faits reprochés à EDF et définitivement qualifiés d'abus de position dominante par la juridiction compétente, pourraient se rattacher, la cour d'appel ne pouvait décliner la compétence de l'ordre judiciaire pour connaître de la responsabilité extracontractuelle de cet établissement public industriel et commercial sans violer l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires ;

Mais attendu que la cour d'appel a jugé à bon droit que, compte tenu tant du caractère obligatoire de la conclusion des contrats passés par EDF en application de l'article 1er du décret du 20 mai 1955 dont se prévalaient les producteurs que de la compétence donnée par les dispositions de l'article 27 du cahier des charges du 27 novembre 1958 à une autorité administrative, en l'occurrence le ministre chargé de l'électricité, pour statuer sur certains désaccords auxquels ils pouvaient donner lieu, ces contrats étaient soumis à un régime exorbitant du droit commun et présentaient le caractère de contrats administratifs ; qu'elle en a déduit sans contradiction que le refus de conclure de tels contrats relevait de la même compétence juridictionnelle que leur conclusion ou leur exécution ;

D'où il suit que le moyen manque en fait en ses deux premières branches et n'est pas fondé dans la troisième ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'EDF fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné aux dépenses de première instance et d'appel, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 696 du nouveau Code de procédure civile, la partie non perdante ne peut être condamnée aux dépens ou à une fraction de ceux-ci, que par "décision motivée" ; que ne peut être regardé comme spécialement motivé, l'arrêt qui met à la charge d'EDF, partie gagnante, qui voit reconnue fondée son exception d'incompétence de la juridiction, en se bornant à se référer aux seules : "circonstances à l'origine du présent litige, telles qu'elles ont été rappelées ci-dessus", soit celles relatives à la procédure devant le Conseil de la concurrence et l'arrêt rendu sur recours contre la décision de ce Conseil par la cour d'appel de Paris le 27 janvier 1998, qui ne pouvaient servir légalement de fondement pour la décision sur la charge des dépens dans l'instance nouvelle sur laquelle la Cour a statué, en sorte que la cassation s'impose de ce chef au regard des dispositions précitées ;

Mais attendu qu'en se référant aux circonstances à l'origine du litige, telles qu'elle étaient rappelées dans ses précédents développements, la cour d'appel, à laquelle il n'était pas interdit de prendre en considération l'ensemble des actions contentieuses constitutives du litige ayant opposé les parties, a motivé sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile par M. Renard-Payen, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. le président Lemontey, en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 02-18335
Date de la décision : 29/09/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° SEPARATION DES POUVOIRS - Contrat administratif - Définition - Contrat soumis à un régime exorbitant du droit commun - Applications diverses - Contrat entre Electricité de France et des producteurs autonomes.

1° SEPARATION DES POUVOIRS - Services et établissements publics à caractère industriel et commercial - Electricité de France - Contrat avec des producteurs autonomes - Qualification - Portée 1° SEPARATION DES POUVOIRS - Services et établissements publics à caractère industriel et commercial - Electricité de France - Contrat avec des producteurs autonomes - Refus de conclure - Contestation - Compétence - Détermination 1° ELECTRICITE - Electricité de France - Contrat avec les producteurs autonomes - Qualification - Portée.

1° C'est à bon droit qu'une cour d'appel juge que, compte tenu tant du caractère obligatoire de la conclusion des contrats passés par Electricité de France (EDF) en application de l'article 1er du décret du 20 mai 1955, que de la compétence donnée par les dispositions de l'article 27 du cahier des charges du 27 novembre 1958 à une autorité administrative, en l'occurrence le ministre chargé de l'Electricité, pour statuer sur certains désaccords auxquels ils pouvaient donner lieu, les contrats passés entre EDF et les producteurs autonomes étaient soumis à un régime exorbitant du droit commun et présentaient le caractère de contrats administratifs. Elle en a déduit sans contradiction que le refus de conclure de tels contrats relevait de la même compétence juridictionnelle que leur conclusion ou leur exécution.

2° FRAIS ET DEPENS - Condamnation - Partie ayant obtenu gain de cause - Décision spéciale et motivée - Contenu - Référence aux circonstances à l'origine du litige rappelées dans de précédents développements - Possibilité.

2° FRAIS ET DEPENS - Eléments - Dépens de première instance et d'appel - Inclusion - Possibilité 2° FRAIS ET DEPENS - Condamnation - Partie ayant obtenu gain de cause - Décision spéciale et motivée - Nécessité.

2° En se référant aux circonstances à l'origine du litige, telles qu'elles étaient rappelées dans ses précédents développements, une cour d'appel, à laquelle il n'était pas interdit de prendre en considération l'ensemble des actions contentieuses constitutives du litige, a motivé sa décision de condamner la partie non perdante aux dépens de première instance et d'appel.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 juillet 2002

Sur le n° 1 : Cf : Conseil d'Etat, Section, 1973-01-19, n° 82338, Société d'exploitation électrique de la rivière du Sant, Recueil Lebon, 1973, n° 143, p. 48 et l'arrêt cité. Sur le n° 2 : Sur l'obligation de motivation spéciale, dans le même sens que : Chambre civile 2, 1984-02-15, Bulletin, II, n° 28, p. 18 (cassation partielle), et les arrêts cités ; Chambre civile 2, 1993-02-10, Bulletin, II, n° 55, p. 30 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 sep. 2004, pourvoi n°02-18335, Bull. civ. 2004 I N° 219 p. 183
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 I N° 219 p. 183

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Renard-Payen, conseiller doyen faisant fonction et rapporteur.
Avocat général : Avocat général : Mme Petit.
Rapporteur ?: Président : M. Renard-Payen, conseiller doyen faisant fonction et rapporteur.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Coutard et Mayer.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.18335
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