AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit septembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de Me ROUVIERE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Zsolt,
contre l'arrêt n° 83 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 17 Juin 2004, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du Gouvernement hongrois a donné un avis favorable ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 14 et 15 de la loi du 10 mars 1927, 5, alinéa 1 C, alinéas 4 et 5, de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a été prononcé à l'audience du 17 juin 2004, hors la présence de Zsolt X... ;
"alors qu'en matière d'extradition, la procédure devant la chambre de l'instruction est essentiellement contradictoire et doit être suspendue en cas d'absence de l'intéressé et ce, y compris au seul prononcé de l'arrêt ; qu'en l'espèce, les mentions de l'arrêt attaqué font apparaître que la chambre de l'instruction a donné son avis sur la demande d'extradition qui lui était soumise à l'audience du 17 juin 2004 hors la présence de Zsolt X..., détenu et pourtant présent le même jour devant la chambre de l'instruction statuant sur sa demande de mise en liberté présentée dans le cadre de la procédure d'extradition ; qu'ainsi, l'arrêt ne répond pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale, ce qui, à la fois, rend le pourvoi recevable et fondé" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Zsolt X..., placé sous écrou extraditionnel a comparu le 3 Juin 2004 à l'audience de la chambre de l'instruction au cours de laquelle la demande d'extradition a été examinée ; que l'arrêt a été rendu le 17 Juin ;
Attendu qu'en cet état, le fait que cet arrêt ne mentionne pas que l'intéressé fût présent lors du prononcé ne saurait donner ouverture à cassation ;
Qu'en effet, si en matière d'extradition la procédure est contradictoire, la présence de l'étranger n'est requise à peine de nullité qu'à l'audience des débats ; que son absence, lors du prononcé de l'arrêt, a pour seul effet de reporter le point de départ du délai de pourvoi en cassation au jour où ledit arrêt lui est régulièrement signifié ;
D'ou il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 14, alinéa 1er, de la loi du 10 mars 1927, 5, alinéa 1 F, 6, alinéa 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que Zsolt X... n'a comparu devant la chambre de l'instruction saisie, à son encontre, d'une demande d'extradition présentée par le gouvernement hongrois, que le 3 juin 2004, la notification des pièces par le procureur général étant en date du 24 mai précédent ;
"alors que l'audience devant la chambre de l'instruction devait intervenir dans un délai très bref, d'un maximum de 8 jours à compter de la notification des pièces ; qu'en l'espèce, ce délai n'a pas été respecté, l'audience des débats ayant eu lieu 11 jours après cette notification, sans que les mentions de l'arrêt fassent apparaître que le ministère public ou Zsolt X... aient sollicité un délai supplémentaire pour compléter leur dossier ; qu'ainsi, l'arrêt est entaché d'une violation des textes visés au moyen" ;
Attendu que faute d'avoir été proposé devant la chambre de l'instruction, le moyen est nouveau et comme tel irrecevable ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 C-4, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14 et 16 de la loi du 10 mars 1927, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué n'a été prononcé qu'à l'audience du 17 juin 2004 après que les débats aient eu lieu à l'audience du 3 juin précédent ;
"alors que la procédure d'extradition est d'ordre public et pose le principe que la personne réclamée doit être informée dans les plus brefs délais ; que tel n'est pas le cas lorsqu'après les débats, l'avis est rendu quinze jours plus tard ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a méconnu et violé les droits de la défense en statuant en méconnaissance des règles du procès équitable et du délai raisonnable" ;
Attendu que, si l'article 14 de la loi du 10 Mars 1927 fixe un délai de comparution à l'audience de la chambre de l'instruction, ce texte ne soumet le prononcé de l'arrêt à aucun délai ;
D'ou il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 16 de la loi du 10 mars 1927, 198, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusion, manque de base légale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a donné un avis favorable à la demande d'extradition présentée par le Gouvernement hongrois à l'encontre de Zsolt X... ;
"aux motifs que le mandat d'arrêt du 5 février 2004 vise à la mise en exécution d'une peine de 2 ans d'emprisonnement prononcée le 23 septembre 1999 pour des faits correctionnels d'extorsion et de dénonciation calomnieuse ; que le délai de prescription ici applicable est celui de la peine, et non de l'action publique, soit 5 ans en droit français, délai non encore écoulé ; que les faits objet du mandat d'arrêt du 16 février 2004, commis le 15 novembre 1999, sont susceptibles de la qualification criminelle d'extorsion avec arme, prescrits en droit français à l'expiration d'un délai de 10 ans, non acquis ; que, par ailleurs, si les faits sont de même nature, ils sont distincts, commis à des dates, lieux différents, avec d'autres coauteurs, au préjudice de diverses victimes ; que les remarques émises par la défense sur le "doute" qui pourrait exister quant à la participation ou au rôle exact de Zsolt X..., sont relatives à son éventuelle culpabilité ou à son degré d'implication, et sont donc étrangères au débat actuel, en l'absence de doute quant à l'identité de la personne réclamée ; qu'enfin, accorder sa remise à l'Etat requérant, qui est le lot commun de toutes les personnes visées par des procédures d'extradition, ne saurait être considéré comme entraînant des conséquences d'une gravité exceptionnelle pour Zsolt X..., sauf à estimer que les pères de famille ou concubins bénéficient d'un privilège leur permettant d'échapper aux poursuites pénales qu'ils encourent du fait de leurs agissements délictuels ou criminels, qu'un avis favorable à l'extradition sera donc émis ;
"alors que la chambre de l'instruction ne pouvait estimer que les infractions visées par la demande d'extradition avaient leur équivalent en droit français, sans répondre au moyen formulé dans le mémoire régulièrement déposé par Zsolt X..., selon lequel les faits du 15 novembre 1999 qu'il aurait prétendument commis en Hongrie, objet du mandat d'arrêt du 16 février 2004, ne pouvaient être retenus, dès lors qu'il résultait des pièces du dossier qu'à cette date, il avait déjà quitté son pays et se trouvait en France depuis plusieurs mois ; qu'ainsi, l'arrêt qui ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale, viole les textes visés au moyen" ;
Attendu que le moyen sous le couvert d'un défaut de réponse à conclusions, se borne à critiquer les motifs de l'arrêt qui se rattachent directement et servent de support à l'avis de la chambre de l'instruction sur la suite à donner à la demande d'extradition ;
D'ou il suit que le moyen est irrecevable en application de l'article 16 de la loi du 10 Mars 1927 ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;