AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au Conseil national des barreaux et à l'Ordre des avocats au barreau d'Annecy du désistement de leur pourvoi ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu les articles 17.1 , 5 et 10 , et 19, alinéa 1er, de la loi modifiée du 31 décembre 1971, ensemble l'article 53 de la même loi ;
Attendu que dans un document dénommé "décision à caractère normatif n° 1999-001 des 26-27 mars 1999", le Conseil national des barreaux (le CNB) a institué "le règlement intérieur harmonisé des barreaux de France" (RIH) et a enjoint à chaque barreau de l'insérer dans son propre règlement intérieur ; que le conseil de l'Ordre des avocats au barreau d'Annecy ayant procédé à cette intégration par délibération du 6 décembre 1999, la société FIDAL et M. X..., avocat à ce barreau, ont demandé l'annulation des articles 16-3, 16-4 et 16-5 dudit règlement à la cour d'appel de Chambéry ; que le CNB est intervenu volontairement à l'instance ;
Attendu que la fixation des règles de déontologie revêtant un caractère impératif pour la profession d'avocat, relève de la compétence du gouvernement agissant dans le respect des principes posés par l'article 53 de la loi susvisée ;
Attendu que pour rejeter la demande tendant à l'annulation de l'article 16-5 du règlement intérieur, l'arrêt retient que ce texte est justifié en premier lieu par le secret professionnel absolu que l'avocat doit en permanence respecter et par le souci d'éviter tout conflit d'intérêt entre des professionnels appartenant à un même réseau, mais obéissant à des contraintes légales différentes, voire divergentes, obligation de confidentialité pour l'avocat, obligation de dénoncer certains faits au parquet pour le commissaire aux comptes, et en second lieu par la volonté qu'aucune suspicion de connivence entre les professionnels d'un même réseau ne puisse s'insinuer dans l'esprit de quiconque, de sorte que la disposition en cause, qui exige seulement de l'avocat une attitude conforme aux principes déontologiques qui régissent le conflit d'intérêt, l'indépendance et le secret professionnel, ne créant aucune incompatibilité, n'est contraire ni à la loi ni aux textes communautaires ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que les dispositions de l'article 16-5 du règlement intérieur, quel qu'en soit le mérite, font interdiction à un avocat membre d'un réseau de prêter son concours à son client, même avec l'accord de celui-ci, si un autre membre du réseau contrôle ou certifie les comptes dudit client, notamment en qualité de commissaire aux comptes, la cour d'appel, qui a ainsi reconnu à un conseil de l'Ordre le pouvoir de créer une incompatibilité non prévue par une disposition légale ou réglementaire, a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition rejetant la demande d'annulation de l'article 16-5 du règlement intérieur du barreau d'Annecy, l'arrêt rendu le 25 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Et statuant de nouveau ;
Annule l'article 16-5 du règlement intérieur précité ;
Condamne le Conseil national des barreaux et l'Ordre des avocats au barreau d'Annecy aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile par M. Bouscharain, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement de M. le président Lemontey, en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille quatre.