AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que le préfet de Saône-et-Loire ayant par décision du 3 août 1998 rejeté la requête de l'association ornithologique et mammalogique de ce département tendant à ce que la date de fermeture de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux de passage soit fixée, pour la campagne 1998-1999, au 31 janvier 1999, le tribunal administratif de Dijon a, par jugement du 22 janvier 1999, annulé cette décision et enjoint sous astreinte au préfet de prendre, avant le 31 janvier suivant, un arrêté fixant à cette date la fermeture de la chasse de l'ensemble des espèces de gibiers d'eau et oiseaux de passage ; que le préfet a pris cet arrêté le 27 janvier 1999, publié le 1er février suivant ; que reprochant à M. X..., président de l'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs et de la Fédération départementale des chasseurs de Saône-et-Loire, d'avoir incité par voie de presse les chasseurs à ne pas respecter cette date de fermeture et d'avoir participé le 15 février 1999 à une action de chasse de ces espèces, l'association Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) l'a assigné en réparation ; qu'un jugement a retenu la responsabilité délictuelle de M. X... et l'a condamné à payer une indemnité d'un certain montant à la LPO ;
Attendu que pour débouter la LPO de sa demande, l'arrêt énonce que M. X... conteste avoir incité les chasseurs à braconner, reconnaît avoir participé à une action de chasse le 15 février mais soutient que celle-ci n'était pas illégale au motif que, même dans l'hypothèse où la légalité de cet arrêté serait admise, le délai de 20 jours prévu par l'article R. 224-3 du Code rural n'était pas expiré ; que la question essentielle est donc de déterminer si ce texte était applicable à l'arrêté du 27 janvier ; que le tribunal administratif a considéré, dans sa décision du 22 janvier que le préfet était tenu, pour assurer la primauté du droit communautaire, d'écarter l'application des dispositions nationales contraires à une norme communautaire et de prendre un acte administratif fixant la fermeture de la chasse pour les espèces concernées, au 31 janvier 1999 ; que l'obligation pour le préfet d'écarter la norme nationale à partir de cette date lui rendait d'ailleurs compétence, sur le fondement des dispositions combinées du premier alinéa de l'article L. 224-2 et de l'article R. 224-3 du Code rural, pour fixer les dates de fermeture de la chasse au gibier d'eau et aux oiseaux de passage ;
que l'arrêté du préfet a donc été pris par application de cette décision, qui faisait expressément référence à l'article R. 224-3 ; que les dispositions de ce texte devaient dès lors être respectées ; que cet article prévoit que, pour la chasse à tir et la chasse au vol, les périodes d'ouverture sont fixées chaque année par le préfet, sur proposition du directeur départemental de l'Agriculture et de la Forêt, après avis du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs, et publié au moins vingt jours avant la date de sa prise d'effet ; que l'arrêté du 27 janvier 1999, pris sans les avis mentionnés ci-dessus, a fait l'objet d'une publication le 1er février ; qu'il résulte de cette seule constatation qu'il ne pouvait recevoir application avant le 21 février, aucune conséquence ne pouvant être tirée de la contradiction résultant de la comparaison de la date du jugement du tribunal administratif, de la date imposée pour la fermeture et de la durée de ce délai ; que la cour d'appel peut seulement constater que les faits reprochés à M. X... ont été réalisés pendant une période pendant laquelle l'arrêté, dont la violation est alléguée, n'était pas encore applicable ; que la demande de la LPO, à qui il appartenait de saisir le tribunal administratif à une date permettant de statuer dans des conditions telles que le délai de 20 jours puisse s'accomplir avant la date de fermeture de la chasse réclamée, ne peut dès lors qu'être rejetée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations et des énonciations du jugement du tribunal administratif du 22 janvier 1999 soumis au débat que l'annulation pour excès de pouvoir de la décision préfectorale du 3 août 1998, était fondée sur la primauté, au regard de l'article L. 224-2 du Code rural tel qu'issu de la loi du 3 juillet 1998, de l'article 7 de la directive du 2 avril 1979 telle qu'interprétée par la Cour de justice des communautés européennes dans sa décision n° C 435-92 du 19 janvier 1994, interdisant tout échelonnement des dates de fermeture de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux de passage au-delà du 31 janvier, ce dont il résultait que, ce jugement emportant nécessairement interdiction de chasser ces espèces après le 31 janvier 1999, M. X..., en incitant les chasseurs à enfreindre cette prohibition et en réalisant une action de chasse prohibée, avait, en dépit du report d'exécution de l'arrêté préfectoral du 28 janvier 1999 commandé par les dispositions de l'article R. 224-3 du Code rural, commis des fautes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., le condamne à payer à l'association Ligue pour la protection des oiseaux, la somme de 2800 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Guerder, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatre.