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15/09/2004 | FRANCE | N°04-84012

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 septembre 2004, 04-84012


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze septembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON et les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Kent,

contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, qui, dans l'information su

ivie contre lui pour vols avec arme, tentative de vol avec arme, et vols aggravés :

- ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze septembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON et les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Kent,

contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, qui, dans l'information suivie contre lui pour vols avec arme, tentative de vol avec arme, et vols aggravés :

- le premier, en date du 18 septembre 2003, a rejeté sa requête en annulation d'actes de la procédure ;

- le second, en date du 10 juin 2004, l'a renvoyé devant la cour d'assises du Finistère sous l'accusation de vols avec arme, tentative de vol avec arme, et vols aggravés ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit ;

I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 18 septembre 2003 :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 63, 63-1 à 63-4, 154, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué du 18 septembre 2003 a refusé de prononcer l'annulation de la garde à vue de Kent X... en date du 29 novembre 2002 pour notification tardive de ses droits et de la procédure subséquente ;

"aux motifs, d'une part, que les gendarmes de la section des recherches de Rennes et de la brigade des recherches de Brest se présentaient le 29 novembre 2002 à 7 heures au domicile de Kent X..., constitué par une caravane stationnée sur la zone portuaire de Brest, et en la présence constante de celui-ci, ils procédaient à une perquisition dans son habitation et dans plusieurs véhicules lui appartenant ou utilisés par lui où ils découvraient et saisissaient divers objets et documents ; que ces opérations se terminaient à 8 heures 50 (D. 232) ; que le même jour à 9 heures, les officiers de police judiciaire plaçaient Kent X... en garde à vue en fixant le point de départ de cette mesure à 7 heures, heure à laquelle avait débuté la perquisition, et lui notifiaient les droits afférents (D. 233 pages 8 et 9) ; que Kent X... demandait à faire prévenir un tiers, sollicitait la présence d'un avocat qui était contacté en la personne d'un associé de l'avocat désigné, lequel se présentait à 10 heures 35 ; qu'il était mentionné au procès-verbal par l'officier de police judiciaire que le juge d'instruction avait été informé du placement en garde à vue à 7 heures 15 et l'avocat à 8 heures 40 (D. 233 page 11) ; que l'audition de Kent X... débutait le 29 novembre à 11 heures 40 après son entretien avec son avocat ;

"aux motifs, d'autre part, qu'il ressort du dossier que les gendarmes se sont présentés le 29 novembre 2002 à 7 heures au domicile de Kent X... et qu'après avoir décliné leur qualité et l'avoir avisé du motif de leur visite, ils l'ont informé qu'ils allaient procéder à une perquisition ; que l'intéressé a été invité à les accompagner durant ces opérations qui se sont déroulées en sa présence constante ; que ce n'est qu'à l'issue de ces opérations qui se sont terminées à 8 heures 50 que Kent X... a été placé en garde à vue à 9 heures et que ses droits lui ont été notifiés par procès-verbal qu'il a régulièrement signé ; qu'en effet, une perquisition ne nécessite pas le placement en garde à vue de la personne au domicile de laquelle elle est effectuée et qui accepte d'y assister pour garantir ses droits, conformément aux dispositions de l'article 57 du Code de procédure pénale ; qu'il importe peu à cet égard que, dans l'intérêt même de Kent X..., les enquêteurs aient fait remonter le point de départ de cette mesure à 7 heures, heure à laquelle la perquisition a débuté, dès lors qu'il ne résulte nullement du dossier que l'intéressé ait fait l'objet à ce moment là d'une quelconque mesure de contrainte et que sa présence au côté des enquêteurs ressortait du simple exercice d'un droit ; qu'il est également sans conséquence sur la situation de l'intéressé que les gendarmes aient informé dès 7 heures 15 le juge d'instruction de la mesure de garde à vue qu'ils envisageaient de prendre à l'issue de leurs opérations ; que la mention portée en fin de procès-verbal de l'avis donné à l'avocat à 8 heures 40 (D. 233 feuillet 11) est manifestement erronée et au demeurant superfétatoire puisque le placement en garde à vue avec notification immédiate des droits a été fait à 9 heures et qu'il résulte de ce même procès-verbal (feuillet 10) que Me Gourves, avocat désigné par l'intéressé, ayant été immédiatement contacté par téléphone, son associé Me Launay-Mace

a répondu qu'il dépêchait sur place Me Basile Crenn ; que cet avocat a pu s'entretenir avec son client le 29 novembre 2002 de 10 heures 35 à 11 heures 05 ; que ce n'est que postérieurement que les officiers de police judiciaire ont procédé à l'audition de Kent X... ;

"alors qu'une mesure de contrainte exercée par des officiers de police judiciaire sur une personne destinée à maintenir celle-ci à leur disposition oblige ces officiers de police judiciaire à placer celle-ci en garde à vue et à lui notifier immédiatement les droits attachés à cette mesure ; qu'il résulte des énonciations du procès-verbal en date du 29 novembre 2002 à sept heures (coté D. 212) que l'adjudant chef, officier de police judiciaire agissant en exécution d'une commission rogatoire, a procédé à l'interpellation de plusieurs individus se trouvant sur le campement des gens du voyage sur le parking public en bordure de la rue Alain Colas, zone portuaire de Brest, parmi lesquels figurait Kent X..., "que la force a été employée pour maîtriser sans risque pour eux-mêmes et pour les tiers les individus de sexe masculin", "que les portes des caravanes ont été forcées pour permettre une pénétration rapide du groupe d'intervention" ; que le procès-verbal constate, en outre, que Kent X... "présentait de légères égratignures au visage dues à l'action de neutralisation", l'officier de police judiciaire observant "qu'aucune violence autre que strictement nécessaire n'a été utilisée" ; qu'il s'ensuit que la perquisition au domicile de Kent X... ne pouvait avoir lieu le même jour à la même heure sans que celui-ci soit préalablement mis en garde à vue et que lui soient notifiés les droits attachés à cette mesure et que la chambre de l'instruction, qui constatait elle-même que la notification des droits n'avait eu lieu qu'à 9 heures, c'est-à-dire avec deux heures de retard, ne pouvait, sans contredire les pièces de la procédure, affirmer que, lorsque la perquisition a débuté à 7 heures, il ne résulte nullement du dossier que l'intéressé ait fait l'objet d'une quelconque mesure de contrainte et refuser, en conséquence de ce motif erroné, d'annuler la garde à vue et la procédure subséquente pour violation du principe susvisé qui est essentiel aux droits de la défense ;

2 ) "alors qu'il n'a été ni allégué ni même constaté que le retard apporté à la notification des droits attachés à la mesure de garde à vue ait été justifié par des circonstances insurmontables ;

3 ) "alors qu'une perquisition au domicile du gardé à vue ne peut avoir lieu tandis que le gardé à vue, à l'encontre duquel ont été exercées des violences lors de son interpellation au point que les officiers de police judiciaire ont eux-mêmes constaté qu'il présentait des égratignures au visage, n'a pas été en mesure de solliciter d'être examiné par un médecin, faute par lui de s'être vu notifier les droits attachés à la mesure de contrainte à laquelle il a été soumis et qu'en cet état, la perquisition opérée entre 7 heures et 9 heures du matin par les officiers de police judiciaire le 29 novembre 2002 aurait dû être annulée ;

4 ) "alors que, dans la mesure où il résulte de la cote D. 232 que Kent X... a fait des déclarations lors de la perquisition qui a eu lieu à son domicile entre 7 heures et 9 heures du matin relativement à l'utilisation de deux téléphones portables, tandis que, s'il avait été informé de ses droits dès 7 heures du matin, il aurait su qu'il avait le droit de se taire, il en résulte que la perquisition et les saisies concomitantes auraient dû, pour cette raison encore, être annulées par la chambre de l'instruction ainsi que la procédure subséquente" ;

Attendu qu'en prononçant par les motifs reproduits au moyen, qui établissent qu'une fois la sécurité de leur intervention assurée, les officiers de police judiciaire ont effectué leurs opérations de perquisition au domicile de Kent X... sans avoir besoin de recourir à la contrainte pour tenir ce dernier à leur disposition, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 105, 154, 171 et 802 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que la chambre de l'instruction (Rennes, 18 septembre 2003) a refusé de prononcer l'annulation des quatre auditions de Kent X... réalisées dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire par les militaires de la gendarmerie de la section des recherches de Rennes le 29 novembre 2002 de 11 heures 40 à 12 heures 30, de 16 heures 30 à 16 heures 50, de 17 heures à 18 heures 30 puis le 30 novembre 2002 de 14 heures 30 à 16 heures ainsi que les trois auditions auxquelles il a été procédé dans le même cadre juridique par les officiers de police judiciaire en fonction au SRPJ de Brest le 30 novembre 2002 de 11 heures à 11 heures 10, de 11 heures 10 à 11 heures 30 et de 11 heures 30 à 11 heures 40 et de prononcer l'annulation des actes de la procédure qui en découle ;

"aux motifs qu'il résulte des dispositions combinées des articles 105, 113-1, 153 et 154 du Code de procédure pénale non contraires à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qu'une personne placée en garde à vue par un officier de police judiciaire dans le cadre d'une commission rogatoire peut être entendue comme témoin après avoir prêté le serment prévu par la loi, dès lors qu'il n'existe pas à son encontre des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits objet de l'information et qu'elle n'est pas nommément visée par un réquisitoire du procureur de la République ; qu'en l'espèce, à l'issue des surveillances et des perquisitions qui avaient amené la saisie de téléphones portables, documents manuscrits et divers, vêtements, cartouches et canon de pistolet (D. 219, D. 220, D. 232), les enquêteurs, lorsqu'ils ont entendu Kent X... et Mickaël Y..., avaient des raisons plausibles de soupçonner leur implication dans les faits dont le juge d'instruction était saisi, mais ces divers éléments à charge n'étaient pas suffisants en eux-mêmes pour constituer à leur encontre des indices graves et concordants ; qu'il est donc sans conséquence sur la régularité de la procédure qu'ils aient été entendus après prestation de serment, dès lors que l'ensemble des droits afférents à la garde à vue leur avait été notifié avant toute audition par les enquêteurs et notamment le droit de se taire ou de ne pas répondre aux questions posées en sorte que, n'étant pas obligés de parler, ils n'étaient pas soumis à l'obligation de déposer, liée au statut de témoin, avec toutes conséquences de droit ;

1 ) "alors que l'article 105 du Code de procédure pénale, dont les dispositions sont essentielles aux droits de la défense, interdit d'entendre comme témoins les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction est saisi ; qu'en l'espèce, la commission rogatoire en date du 20 novembre 2002 (D. 166), dans le cadre de laquelle les officiers de police judiciaire ont entendu Kent X... sous serment, visait plusieurs vols suivis de destruction ou avec arme commis en Bretagne et que la chambre de l'instruction, qui constatait que parmi les différents éléments à charge dont disposaient les officiers de police judiciaire à l'encontre de Kent X... et Mickaël Y... figurait, outre les surveillances, la découverte de cartouches et d'un canon de pistolet, ne pouvait sans se contredire ou mieux s'expliquer faire état de ce que ces éléments n'étaient pas suffisants pour constituer à leur encontre des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction était saisi ;

2 ) "alors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que le 28 novembre 2002 à 23 heures, l'officier de police judiciaire agissant en exécution de la commission rogatoire susvisée, avait noté "ce jour, à 21 heures 30, les enquêteurs du groupe d'observation et de surveillance de la section de recherches de Rennes assistent à une rencontre entre Kent X... à bord du fourgon 1229 ZG 29 et Mickaël Y... à bord de la Peugeot 406 blanche 2419 YN 35 volée à Redon ; que cette rencontre lie définitivement ces deux individus à la série de vols à main armée, objet de nos investigations" (D. 210) et qu'il résulte, dès lors, sans ambiguïté que dès avant l'interpellation de Kent X... le 29 novembre 2002 à 7 heures, les officiers de police judiciaire considéraient irrévocablement qu'il existait des indices graves et concordants à l'encontre des deux hommes d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction était saisi, ce qui faisait obstacle à leur audition en qualité de témoins" ;

Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation proposé par Kent X... et pris de l'irrégularité de ses auditions en qualité de témoin par les policiers, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que le juge d'instruction a la faculté de ne mettre en examen une personne déterminée qu'après s'être éclairé, notamment en faisant procéder à son audition en qualité de témoin, sur sa participation aux agissements incriminés dans des conditions pouvant engager sa responsabilité pénale, la chambre de l'instruction, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 63-1, 80, 81, 154, 171, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué (Rennes 18 septembre 2003) a refusé de prononcer l'annulation de l'audition de Kent X... réalisée le 29 novembre 2002 de 21 heures à 24 heures (D. 162) dans le cadre de la procédure d'enquête de crime flagrant n° 1000/02 confiée à la compagnie de gendarmerie de Vannes ainsi que la procédure subséquente ;

"aux motifs que les enquêteurs ont entendu Kent X... et Mickaël Y... sur les vols à main armée commis à Malensac et Questembert dans le cadre d'une procédure de flagrance, à la suite notamment de la découverte, lors de la perquisition au domicile de Mickaël Y... à Quimper de cartouches identiques à celles retrouvées sur les lieux à Questembert et des déclarations succinctes faites par Kent X... lors de son audition sur commission rogatoire ; qu'il appartenait, dès lors, aux officiers de police judiciaire, dans le cadre de cette procédure distincte dont le juge d'instruction n'était pas encore saisi, de recueillir leurs explications afin de vérifier la réalité de leur participation au regard des renseignements déjà recueillis dans le cadre de l'enquête en cours ; que les mis en examen sont mal fondés à invoquer les dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale qui concerne les auditions effectuées dans le cadre d'une information ; que l'article 63 du Code de procédure pénale ne fait pas obligation aux officiers de police judiciaire de placer en garde à vue les personnes à l'audition desquelles ils procèdent, dès lors que, comme en l'espèce, ils n'ont pris dans cette procédure de flagrance aucune mesure coercitive à l'encontre de Kent X... et de Mickaël Y... et qu'ils les ont entendus alors qu'ils se trouvaient sous le régime de la garde à vue dans le cadre de l'enquête effectuée sur commission rogatoire du juge d'instruction de Brest ;

1 ) "alors que, si une personne a été placée en garde à vue pour l'exécution d'une commission rogatoire, les officiers de police judiciaire ne peuvent, fût-ce comme en l'espèce sur instructions verbales de représentants du ministère public, mettre à profit la mesure coercitive prise à son encontre dans un cadre juridique précis pour procéder à l'interrogatoire approfondi de celle- ci sur des faits dont le juge d'instruction n'était pas saisi sans lui avoir à nouveau notifié l'ensemble de ses droit dans le cadre de cette procédure distincte et que, dans la mesure où il résulte sans ambiguïté, ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, du procès-verbal (coté D. 162) que, si Kent X... a, préalablement à son audition, sur des faits dont le juge d'instruction n'était pas saisi, été à nouveau informé du droit à l'assistance d'un avocat et d'un médecin et d'un avis à sa famille, il ne s'est pas vu en revanche informé de son droit de se taire, la chambre de l'instruction ne pouvait refuser d'annuler le procès-verbal susvisé pour ce motif explicitement invoqué dans la requête régulièrement déposée par Kent X... ;

2 ) "alors que l'audition d'une personne gardée à vue et par conséquent privée de sa liberté, sur des faits distincts de ceux pour lesquels la mesure de garde à vue a été prise sans information préalable du droit de se taire, constitue en elle-même une mesure coercitive" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Kent X..., alors qu'il se trouvait placé en garde à vue en exécution d'une commission rogatoire du juge d'instruction de Brest, a été entendu par un officier de police judiciaire, sur instructions du procureur de la République de Vannes, dans le cadre d'une enquête de flagrance portant sur des faits similaires ;

Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation pris de l'irrégularité de cette audition, l'arrêt attaqué retient que l'article 63 du Code de procédure pénale ne fait pas obligation aux officiers de police judiciaire de placer en garde à vue les personnes à l'audition desquelles ils procèdent, dès lors que, comme en l'espèce, ils n'ont pris dans le cadre de la procédure de flagrance aucune mesure coercitive à l'encontre de la personne qui se trouvait déjà en garde à vue en exécution d'une commission rogatoire ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et, dès lors que l'officier de police judiciaire n'était pas tenu d'aviser à nouveau Kent X... de son droit de ne pas répondre aux questions, lequel lui avait été notifié lors de son placement en garde à vue, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 10 juin 2004 :

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 63-1, 214, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation du principe de la loyauté des preuves, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué, en date du 10 juin 2004, a fondé au moins pour partie sa décision de mise en accusation de Kent X... sur les résultats de la perquisition opérée à son domicile le 29 novembre 2002 faisant état de la saisie de deux téléphones portables et de l'exploitation de la mémoire de ces deux téléphones portables ;

"alors qu'ainsi que soutenu dans le premier moyen, cette perquisition, au cours de laquelle Kent X... s'est expliqué sur l'utilisation des téléphones portables découverts à son domicile est manifestement irrégulière comme ayant été effectuée alors que celui-ci avait été interpellé dans des conditions particulièrement musclées et qu'il n'avait pas reçu notification des droits attachés à la mesure de garde à vue, cette notification n'étant intervenue qu'à l'issue de la perquisition c'est-à-dire avec deux heures de retard et qu'il s'ensuit que la décision de mise en accusation repose sur des preuves obtenues de manière déloyale" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 311-1 et 311-8 du Code pénal, 181, 214, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, en date du 10 juin 2004, a prononcé la mise en accusation de Kent X... des chefs de vol et tentative de vols avec arme ;

"aux motifs qu'il sera seulement rappelé que le 20 novembre 2002, le parquet de Brest ouvrait une information contre X à la suite d'un vol avec effraction commis au Conquet, de vols suivis de destruction commis à Guilers et Plougastel, de quatre vols à main armée commis au Crédit Agricole de Spézet le 7 novembre 2002, à la Poste de Ploumoguer et à l'entreprise REI du port de commerce de Brest le 13 novembre 2002 et à l'entreprise Fabien de Landerneau le 16 novembre 2002, et d'une tentative de vol avec arme commise au restaurant Mc Donald de Relecq Kerhuon le 18 novembre 2002 ; que les gendarmes, agissant sur commission rogatoire afin d'en identifier et interpeller les auteurs, se présentaient le 29 novembre 2002 au domicile de Kent X..., constitué par une caravane stationnée sur la zone portuaire de Brest, et procédaient à une perquisition, saisissant notamment deux téléphones portables ; que Kent X... nie ces faits mais reconnaît être l'auteur de deux vols à main armée commis au magasin Super U de Malensac et au magasin Champion de Questembert en compagnie d'un individu qu'il a fini par désigner comme étant Mickaël Y..., dont il a indiqué qu'il avait commis d'autres vols à main armée avec une autre personne à l'aide de deux armes, un 9 mm et un 11,43 mm ; que Mickaël Y... a été interpellé le 29 novembre 2002 au domicile de ses parents à Plouzane, où ont été découverts un véhicule Renault Clio et une Peugeot 406 signalés volés puis plus tard les deux armes utilisées par les deux mis en cause et provenant pour l'une d'elles du vol perpétré chez Lucien Z... au Conquet ; que la perquisition effectuée à son domicile à Quimper a permis de découvrir des cartouches en grand nombre et des journaux relatant les braquages commis à Spézet et Ploumoguer ; que des véhicules automobiles signalés volés et retrouvés calcinés ont permis de faire le rapprochement avec les vols à main armée objet des poursuites et détruits après coup au moyen d'un incendie ; que les divers faits retenus contre le demandeur et perpétrés sur un court laps de temps et dans une même région s'articulent autour d'un mode opératoire présentant d'importantes similitudes tenant notamment à la destruction par incendie des véhicules ayant servi aux vols à main armée, et aux tirs effectués intempestivement pendant le bref déroulement de chaque action ; que l'enquête au travers d'investigations techniques diverses a, de surcroît, permis de réunir un faisceau d'éléments convergents tendant vers une action conjuguée de Mickaël Y... et de Kent X... ;

qu'ainsi, le relevé d'empreintes génétiques dans un véhicule volé, les expertises balistiques concluant à une totale correspondance entre le type de munitions retrouvées sur les lieux et provenant des armes utilisées par les deux susnommés lors des faits de braquage et celles saisies, en l'occurrence le pistolet Beretta 9 mm, tenu par Kent X..., et le pistolet 11-43 porté par Mickaël Y..., ou encore l'exploitation des mémoires des téléphones portables des deux mis en cause lesquels ont pu être localisés à proximité des lieux des faits, ainsi que de celui utilisé par Sarah X... ont eu raison des dénégations partielles et non étayées opposées par Kent X... au fil de la procédure ;

qu'enfin, les témoins entendus dans le cadre de cette série de faits, donnent du tandem, porteur de cagoules, une description tant sur le plan physique que vestimentaire correspondant en de nombreux points aux deux susnommés ;

1 ) "alors qu'en présence de la contestation des faits retenus à l'encontre de Kent X... dans l'ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d'instruction, la chambre de l'instruction ne pouvait confirmer cette ordonnance sans s'être préalablement expliquée spécialement dans ses motifs sur chacun des crimes retenus dans le dispositif de sa décision et qu'en ayant omis d'y procéder, elle a exposé celle-ci à une cassation inévitable pour défaut de motifs ;

2 ) "alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; qu'à supposer que la chambre d'instruction ait entendu implicitement statuer par adoption des motifs de l'ordonnance déférée, la Cour de cassation est en tout état de cause en mesure de s'assurer qu'en ce qui concerne le vol avec arme prétendument commis à Spézet le 7 novembre 2002 au préjudice du Crédit Agricole, la motivation de cette ordonnance quant à l'identification de Kent X... a de toute évidence un caractère hypothétique" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre Kent X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de vols avec arme, tentative de vol avec arme et vols aggravés ;

Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;

Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-84012
Date de la décision : 15/09/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes 2003-09-18, 2004-06-10


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 sep. 2004, pourvoi n°04-84012


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.84012
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