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05/08/2004 | FRANCE | N°04-82957

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 août 2004, 04-82957


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq août deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me SPINOSI et de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Olivier,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruct

ion de la cour d'appel de COLMAR, en date du 25 mars 2004, qui, dans l'information suivie ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq août deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me SPINOSI et de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Olivier,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de COLMAR, en date du 25 mars 2004, qui, dans l'information suivie contre lui du chef, notamment, d'importations sans déclaration de marchandises prohibées, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 7 juin 2004, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 28 janvier 2003, à 7h05, les agents des douanes ont procédé, sur l'autoroute Beaune-Mulhouse, au contrôle d'un ensemble routier immatriculé au Portugal, qui transportait des articles de sport en matière textile ; que l'un des deux chauffeurs ayant indiqué que les marchandises devaient être livrées à l'usine portant l'enseigne "Le Coq sportif", à Sausheim, alors que le document d'accompagnement mentionnait la société Beauregard, à Mulhouse, un contrôle a été effectué dans les locaux des douanes, qui a permis de constater que les articles portaient les marques Adidas et Nike ; que les représentants de celles-ci, présents sur les lieux, ayant déclaré que ces produits n'étaient pas authentiques, les agents des douanes, invoquant l'état de flagrant délit, ont procédé, à 9h05, à une visite domiciliaire dans les locaux de la société Aytex, situés dans ceux de la société Le Coq sportif ; que, dans le cadre de cette visite, Jérôme Y..., directeur commercial de la société Aytex, a été entendu ; que, par ailleurs, les représentants des marques Adidas et Nike, auxquels des échantillons prélevés dans l'entrepôt avaient été présentés, ont indiqué qu'il s'agissait de produits contrefaisants ; qu'une information a alors été ouverte à l'encontre d'Olivier X..., président de la société Aytex, du fait d'importation en contrebande de marchandises prohibées ; que le juge d'instruction a délivré des commissions rogatoires au magistrat délégué aux missions judiciaires de la Douane ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 60 et 64 du Code des douanes, 53, 173 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a refusé d'annuler les opérations de visite domiciliaire et de saisies douanières effectuées par les agents des douanes dans les locaux et entrepôts de la société Aytex ;

"aux motifs que, sur la question d'une prétendue absence de lien entre le camion et la société Aytex et le grief de détournement de procédure, certes il est probable qu'aucun des membres de l'équipage de l'ensemble routier intercepté ne connaissait le nom de la société Aytex, l'enseigne du Coq sportif à Sausheim étant un point de ralliement plus simple à décrire pour renseigner un chauffeur routier et plus facile à retenir par lui ; que, cependant, dès lors qu'il était question, de la part du chauffeur et de son assistant, du Coq sportif à Sausheim, il ne fallait pas être grand clerc pour relier le camion à la société Aytex, la surveillance de l'activité du groupe Le Coq sportif, soupçonné d'être au centre d'un trafic portant sur des contrefaçons de marchandises, ayant nécessairement conduit à la découverte que la société Le Coq sportif était une holding, et que, parmi les filiales de la société Le Coq sportif, la seule d'entre elles à se trouver implantée au même endroit de Sausheim et dont la fonction et l'organisation étaient susceptibles de la rendre effectivement destinataire de marchandises était la société Aytex ;

"alors qu'en cas de présomption de délits douaniers les agents de l'administration des Douanes peuvent avoir accès à tous les lieux, même privés, où sont détenus les marchandises et documents se rapportant à ces infractions ; que toutefois, hormis le cas d'un délit flagrant, la visite ne peut avoir lieu qu'avec l'autorisation préalable du président du tribunal de grande instance, en présence d'un officier de police judiciaire, et dans les conditions posées par l'article 64-2 du Code des douanes ; que, pour pouvoir effectuer une visite domiciliaire en flagrance, les agents des douanes doivent avoir connaissance, au préalable, d'indices apparents d'un comportement révélant l'existence d'une infraction douanière en train ou venant de se commettre ; qu'en l'espèce, pour justifier la visite en flagrance et sans autorisation préalable des locaux et entrepôts de la société Aytex ainsi que les saisies, les agents des douanes ont indiqué que le chauffeur de l'ensemble routier transportant des marchandises contrefaites "a déclaré que les marchandises qu'il transportait étaient destinées à être livrées dans les locaux de la société "Le Coq sportif" et plus précisément à la société "Aytex SA", 57 bis rue des Romains à 68390 Sausheim" (PV n 2, du 29 janvier 2003) ; que cette affirmation était cependant démentie par les autres pièces, les chauffeurs ayant au contraire expressément indiqué l'un et l'autre ne pas connaître la société Aytex (PV du 28 janvier 2003, n° 4 et 5), et le document de transport mentionnant la société Beauregard comme destinataire ; que la chambre de l'Instruction, qui a elle-même relevé qu' "il est

probable qu'aucun des membres de l'équipage de l'ensemble routier intercepté ne connaissait le nom de la société Aytex", a ainsi fait ressortir qu'il ne résultait pas des constatations des agents des douanes des indices apparents désignant la société Aytex comme destinataire du camion intercepté ; que dès lors la chambre de l'Instruction ne pouvait justifier de l'existence de ces indices en substituant ses propres déductions aux constatations initiales des agents des douanes" ;

Attendu que, pour écarter le moyen pris de ce que les agents des douanes ne pouvaient, en l'absence de flagrant délit et sans autorisation préalable du président du tribunal de grande instance, procéder à une visite domiciliaire dans les locaux de la société Aytex, la chambre de l'instruction relève que la présentation et l'étiquetage des produits transportés dans le camion étaient de nature, par leurs différences avec la présentation et l'étiquetage des produits des marques originales, à faire présumer qu'il s'agissait de produits contrefaisant lesdites marques ; que la nature frauduleuse de l'opération avait d'autant plus lieu d'être présumée que, des propres dires du chauffeur, la livraison ne devait pas être effectuée à l'adresse figurant sur les documents d'accompagnement mais à une autre adresse que lui seul connaissait ;

Que les juges ajoutent que, même s'il est probable qu'aucun des membres de l'équipage de l'ensemble routier intercepté ne connaissait le nom de la société Aytex, il était aisé d'établir un lien entre le camion et cette société, dès lors que la surveillance de l'activité du groupe Le Coq sportif, soupçonné d'être au centre d'un trafic portant sur des contrefaçons de marchandises, avait nécessairement amené à découvrir que, ladite société étant une holding, elle ne pouvait avoir vocation à recevoir des livraisons de marchandises et que, parmi ses filiales, la seule d'entre elles à se trouver implantée au même endroit et dont la fonction et l'organisation étaient susceptibles de la rendre effectivement destinataire de marchandises, était la société Aytex ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, non contraires aux énonciations des procès-verbaux et établissant que les agents des douanes agissaient en flagrant délit, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 60 et 64 du Code des douanes, 53, 173 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a refusé d'annuler les opérations de visites domiciliaires et de saisies douanières effectuées par des agents des douanes dans les locaux et entrepôts de la société Aytex ;

"aux motifs qu'Olivier X... se plaint de ce que ne figurent pas au dossier les habilitations des agents des douanes ayant participé à la visite domiciliaire chez Aytex ; qu'il argue de ce qu'ainsi aucun contrôle de l'habilitation des agents concernés n'est possible ; qu'il est cependant établi, par les mentions appropriées apposées en tête de chacun des procès-verbaux litigieux dressés à l'occasion de l'opération querellée, que les agents des douanes, tous nommément désignés, ont, chaque fois, "décliné (leurs) qualités à l'aide de (leurs) commissions d'emploi" ; que, mis donc en mesure de contrôler, en temps réel, l'habilitation des agents en cause, Olivier X..., qui au demeurant n'a, à aucun moment depuis les faits, cru utile de demander le versement au dossier des habilitations litigieuses, ne saurait prospérer en son moyen de nullité, la validité des procès-verbaux de la douane et des opérations de visites domiciliaires auxquelles ils se rapportent ne dépendant pas de ce que leur seraient jointes, ou non, les commissions d'emploi de ceux de ses agents ayant participé aux actes décrits par ces procès-verbaux ou aux constatations qu'ils relatent, et qui auraient eu à dresser et à signer lesdits procès-verbaux ;

"alors qu'en vertu de l'article 64 du Code des douanes seuls des agents habilités à cet effet par le directeur général des douanes peuvent procéder à des visites domiciliaires ; que, faute d'avoir constaté que les vingt-six agents qui avaient effectué les visites et saisies étaient régulièrement habilités, la chambre de l'instruction ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle au regard du texte susvisé" ;

Attendu que, pour écarter les conclusions par lesquelles Olivier X... soutenait qu'il n'était pas établi que les agents des douanes ayant procédé à la visite domiciliaire eussent été habilités à cet effet, la chambre de l'instruction prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'aucun des éléments du dossier n'est de nature à mettre en cause l'exactitude des énonciations du procès-verbal relatif à la visite, selon lesquelles tous les agents mentionnés dans ledit procès-verbal avaient été spécialement habilités par le directeur général des douanes à procéder à des visites domiciliaires dans le cadre des dispositions de l'article 64 du Code des douanes, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 64 du Code des douanes, des articles 56, 58, 60, 173 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a refusé d'annuler les opérations de visites domiciliaires et saisies douanières ;

"aux motifs que, ainsi que le prévoit expressément l'article 64 du Code des douanes, l'article 58 du Code de procédure pénale est applicable à la matière ; que, précisément, ce texte réserve à l'enquêteur la possibilité, lorsque "les nécessités de l'enquête" l'imposent, de communiquer ou de divulguer un élément provenant d'une perquisition à une personne non qualifiée par la loi pour en prendre connaissance ; qu'il résulte des termes mêmes des procès-verbaux que les échantillons ont été prélevés, après qu'il a été constaté qu'ils portaient soit la marque Adidas, soit la marque Nike, et ce, afin de permettre aux représentants des marques Adidas et Nike, et d'elles seules uniquement, d'indiquer s'il y avait matière à penser que les produits étaient des contrefaçons desdites marques ;

qu'il était effectivement absolument nécessaire de faire procéder à de telles vérifications avant de saisir les marchandises litigieuses et de placer celles-ci sous scellés, sans quoi les douanes auraient commis une faute en saisissant des marchandises authentiques et dont la détention, le transport et la commercialisation n'auraient pas été illicites ; que la manière la plus efficace, la plus rapide et la plus sûre de procéder à ces vérifications était de faire appel, à l'exclusion de représentants d'autres marques, à des représentants des marques concernées, seuls aptes à déceler les signes distinctifs et secrets employés par celles-ci précisément pour se protéger d'actes de contrefaçons qui, toujours plus perfectionnés, s'attachent à copier jusqu'au moindre détail les différents composants des produits des marques qu'il s'agit de contrefaire ;

"alors que, aux termes de l'article 64-2-b) du Code des douanes, les agents des douanes, l'occupant des lieux ou son représentant, et l'officier de police judiciaire "peuvent seuls prendre connaissance des pièces ou documents avant leur saisie" ; que ce texte interdit aux agents des douanes de présenter avant leur saisie des marchandises soupçonnées de contrefaçon à des tiers, en l'occurrence des représentants des marques prétendument contrefaites ; que les dispositions de l'article 58 du Code de procédure pénale, qui réservent les "nécessités des enquêtes" et ne visent que la communication des documents provenant d'une perquisition, ne dérogent pas à cette interdiction" ;

Attendu que le demandeur ne saurait soutenir que l'article 64.2.b, deuxième alinéa, du Code des douanes interdisait aux agents des douanes, lors de la visite domiciliaire, de faire examiner des échantillons des marchandises par les représentants des sociétés Nike et Adidas, dès lors que ce texte ne vise que les pièces et les documents ;

Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 334 et 338 du Code des douanes, 28 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité du procès-verbal d'audition de Jérôme Y... ;

"aux motifs qu'il est constant qu'avant d'être entendu par les agents des douanes le directeur commercial de la société Aytex, auquel l'on ne faisait pas prêter le serment de témoin, s'est vu notifier cet avertissement comme quoi "toute déclaration fausse ou inexacte donnée sciemment aux agents enquêteurs pour couvrir ses agissements ou ceux d'un tiers (serait) susceptible d'engager sa responsabilité pénale" ; qu'estimant devoir souligner qu'il n'existerait pas d'infraction pénale sanctionnant le fait pour quiconque de donner des renseignements faux ou inexacts au cours d'une audition pratiquée par des agents des douanes, Olivier X... affirme, tout d'abord, que la formule utilisée à l'égard de Jérôme Y... était directement contraire au droit de se taire prévu par l'article 6 de la Convention des droits de l'homme ; qu'il soutient qu'au surplus, en menaçant Jérôme Y... de cette façon de sanctions inexistantes s'il faisait des déclarations fausses ou inexactes, les agents des douanes ont excédé leurs pouvoirs ;

que, pour l'ensemble de ces raisons, il y aurait matière à annulation du procès-verbal d'audition contesté ; que cependant, d'une part, étant relevé que Jérôme Y... n'était entendu ni en qualité de personne soupçonnée, ni sous la foi du serment, que l'avertissement en cause n'imposait nullement à l'intéressé de faire des déclarations ; qu'au contraire, il lui était loisible de n'en point faire, précisément pour ne pas risquer d'engager sa responsabilité ;

qu'il n'est donc pas exact d'affirmer que l'avertissement en cause était contraire au droit de se taire ; que, d'autre part, il n'est pas exact non plus de prétendre qu'il n'existerait pas d'infraction pénale sanctionnant le fait pour une personne de donner sciemment des renseignements faux ou inexacts au cours d'une audition pratiquée par des agents des douanes, un tel fait pouvant parfaitement être jugé, par exemple, comme constitutif d'un outrage; qu'en cela, en formulant à l'adresse de Jérôme Y... l'avertissement reproduit ci-dessus, les fonctionnaires de la douane qui ont procédé à l'audition de l'intéressé n'ont pas excédé leurs pouvoirs, ni exercé contre lui de quelconques pressions ;

"alors que les droits de la défense et le droit au procès équitable impliquent non seulement le droit de se taire, mais également le droit de mentir ; qu'en l'espèce les agents des douanes ont procédé à l'interrogatoire de Jérôme Y..., directeur de la société Aytex, en l'avertissant "que, bien que n'ayant pas été invité à témoigner sous la foi du serment, toute déclaration fausse ou inexacte, donnée sciemment aux agents enquêteurs pour couvrir ses agissements ou ceux d'un tiers, est susceptible d'engager sa responsabilité pénale" ; qu'un tel avertissement constitue pour la personne interrogée une menace de sanctions pénales, en réalité non légalement prévues, si elle donnait des renseignements faux, inexacts ou incomplets sur les faits qui pouvaient lui être reprochés ou être reprochés à un tiers, menace constitutive d'une pression contraire aux droits précités" ;

Attendu qu'Olivier X... a demandé à la chambre de l'instruction d'annuler le procès-verbal d'audition de Jérôme Y... au motif que celui-ci comportait, en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la mention selon laquelle toute déclaration fausse ou inexacte donnée sciemment aux agents enquêteurs pour couvrir les agissements de la personne interrogée serait de nature à engager sa responsabilité pénale ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, la chambre de l'instruction prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que l'avertissement critiqué ne contraignait pas la personne interrogée à fournir des renseignements susceptibles d'être utilisés contre elle mais la mettait seulement en garde contre les risques engendrés par de fausses déclarations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, des articles 28-1. R.15-33-12 et 151 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit régulières les commissions rogatoires confiées au magistrat délégué aux missions judiciaires de la douane ;

"aux motifs que les textes en vigueur (articles 28-1 et R.15-33-1 à R.15-33-23 du Code de procédure pénale) prévoient que la commission rogatoire est délivrée, comme cela a été le cas ici, au magistrat délégué aux missions judiciaires de la douane, à charge pour celui-ci de désigner le ou les agents des douanes habilités chargés d'assurer l'exécution de la commission rogatoire concernée ;

"alors que, l'article 28-1 du Code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction peut confier une commission rogatoire aux agents des douanes de catégorie A et B ; que l'article R.15-33-12 du même Code, texte réglementaire, ne peut valablement déroger au texte législatif en prévoyant que les commissions rogatoires visées par ce texte sont confiées au magistrat délégué aux missions judiciaires" ;

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, du principe d'équité de la procédure, du principe de l'égalité des armes, de l'article préliminaire du Code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a refusé d'annuler les commissions rogatoires exécutées par les agents des douanes ;

"aux motifs que, pour ce qui concerne la prétendue confusion des rôles de partie civile d'agent judiciaire et d'administration qui affecterait la position du service des douanes, lorsque l'administration des Douanes a transmis par courrier au procureur de la République les originaux des procès-verbaux de la procédure douanière en vue de l'engagement de l'action fiscale de l'Administration (voir cote D.28), elle s'est dessaisie de toutes actions au profit du Parquet ; qu'ainsi, dans la présente procédure, les douanes n'interviennent qu'en tant que service de police judiciaire conformément aux dispositions légales applicables ;

qu'elles n'exercent ni l'action publique pour l'application des peines, ni l'action pour l'application des sanctions fiscales ; que, certes, l'administration des Douanes s'est-elle vue qualifiée, dans telles cotes de procédure ou dans tels en-têtes de convocation, en première instance ou à hauteur de Cour, de partie poursuivante ;

qu'il s'agit là d'erreurs touchant de simples actes d'administration judiciaire, qui n'ont ni valeur juridique, ni portée procédurale ; qu'il n'existe, dans cette perspective, aucune confusion préjudiciable aux intérêts d'Olivier X... ; que, certes encore, l'administration des Douanes a-t-elle pris, par ailleurs, un certain nombre de mesures conservatoires ; que ces mesures ont été prises au profit du Trésor public, à l'égard duquel l'administration des Douanes n'est qu'un simple instrument ; que de tels procédés, n'étant pas le fait d'une partie civile et qui, destinés à la seule sauvegarde des droits d'un éventuel créancier, obéissant à des régimes juridique et contentieux spécifiques et mis en oeuvre, au demeurant, par des organes de la douane distincts de ceux agissant dans le cadre pénal, sont, par leur nature même, étrangers à la procédure pénale et sont, par voie de conséquence, sans interférence sur la validité de celle-ci, n'engendrent, au regard du principe de l'égalité des armes et du droit à un procès équitable, aucun déséquilibre, ni rupture au détriment du mis en examen ;

"alors que, sont contraires aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et aux principes d'équité de la procédure et d'égalité des armes les dispositions de l'article 28 du Code de procédure pénale en ce qu'elles autorisent les agents des douanes à effectuer des enquêtes judiciaires, même si, dans ce cas, l'action pour l'application des sanctions fiscales ne peut être exercée que par le ministère public ; qu'en effet les sanctions fiscales, confiscations et amendes fiscales, ont le double caractère de sanctions pénales et de réparations civiles ; qu'ainsi l'administration des Douanes ne saurait effectuer des enquêtes judiciaires pour rechercher et constater des infractions passibles de sanctions fiscales impliquant des mesures indemnitaires à l'égard de l'Administration des douanes elle-même" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'en l'état des motifs, repris aux moyens, écartant les conclusions d'Olivier X... tendant à l'annulation des commissions rogatoires exécutées par les agents des douanes, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des articles 28-1 et R. 15-33-1 à R. 15-33-23 du Code de procédure pénale, non contraires aux dispositions conventionnelles invoquées ;

Qu'ainsi les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pibouleau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Roger, Palisse, Mme Nocquet conseillers de la chambre, Mmes de la Lance, Agostini, M. Lemoine conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Chemithe ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-82957
Date de la décision : 05/08/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DOUANES - Agent des douanes - Pouvoirs - Droit de visite domiciliaire des marchandises se rapportant aux délits douaniers - Article 64 du Code des douanes - Examen des pièces et documents avant saisie - Domaine d'application.

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Equité - Douanes - Procédure - Magistrat délégué aux missions judiciaires de la douane - Rôle - Transmission des commissions rogatoires délivrées par le juge d'instruction - Compatibilité.

1° L'article 64.2.b, deuxième alinéa, du Code des douanes, qui, en cas de visite domiciliaire, réserve aux agents des douanes, à l'occupant des lieux et à l'officier de police judiciaire le droit de prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie ne s'applique pas aux marchandises. Dès lors, n'encourt pas la censure l'arrêt qui rejette l'exception de nullité de la procédure tirée de ce que, lors de la visite d'un entrepôt, les agents des douanes ont fait examiner, par des représentants de marques de vêtements, présents sur place, des marchandises susceptibles de constituer des contrefaçons.

2° DOUANES - Procédure - Magistrat délégué aux missions judiciaires de la douane - Rôle - Transmission des commissions rogatoires délivrées par le juge d'instruction - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - Compatibilité.

2° Il résulte des articles 28-1.III et R. 15-33-12 du Code de procédure pénale, non contraires à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, que le juge d'instruction peut délivrer des commissions rogatoires au magistrat délégué aux missions judiciaires de la douane, à charge pour ce dernier de désigner, aux fins de leur exécution, le ou les agents des douanes habilités.


Références :

2° :
1° :
2° :
Code de procédure pénale 28-1 III, R15-33-1 à R15-33-23
Code des douanes 64 2 b al. 2
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre de l'instruction), 25 mars 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 aoû. 2004, pourvoi n°04-82957, Bull. crim. criminel 2004 N° 185 p. 675
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 185 p. 675

Composition du Tribunal
Président : M. Pibouleau, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : M. Chemithe.
Rapporteur ?: M. Soulard.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Spinosi, la SCP Richard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.82957
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