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08/07/2004 | FRANCE | N°04-82499

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 juillet 2004, 04-82499


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juillet deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...
Y... Layse,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 25 mars 2004,

qui, dans l'information suivie contre lui, notamment pour vol en bande organisée, a annul...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juillet deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...
Y... Layse,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 25 mars 2004, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment pour vol en bande organisée, a annulé les actes par lesquels le juge des libertés et de la détention, statuant sur la prolongation de la détention provisoire, a ordonné la mise en liberté sous contrôle judiciaire ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 197, 199, 591, 593, 716, D. 66 et suivants du Code de procédure pénale, ensemble l'article préliminaire dudit Code, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, constaté, en conséquence, que le mandat de dépôt criminel décerné le 27 novembre 2003 à l'encontre du demandeur, ne peut arriver à échéance que le 26 novembre 2004 à minuit, et prononcé, en conséquence, l'annulation de pièces de la procédure de prolongation de la détention du demandeur et, en particulier, de l'ordonnance de mise en liberté sous contrôle judiciaire du 19 mars 2004 ;

"aux motifs "qu'à titre liminaire, l'avocat de Layse X...
Y..., qui demande le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, a été convoqué le 22 mars 2004 pour l'audience du 25 mars ; qu'une telle convocation est régulière au regard des dispositions de l'article 197 du Code de procédure pénale, qui exige qu'un délai d'au moins 48 heures soit observé entre la date d'envoi de la lettre recommandée et celle de l'audience ; que ce court délai n'est en rien contraire aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, alors qu'il est acquis, par ailleurs, que l'avocat du mis en examen a bien reçu ladite convocation au moins le matin de la veille de l'audience et que, dès lors, aucun dysfonctionnement de la poste n'a empêché celui-ci de disposer du délai nécessaire à la préparation de la défense de son client et d'être mis en mesure d'adresser à la Cour un mémoire jusqu'à l'heure de fermeture du greffe ; que, si la loi prévoit que les avocats des parties qui en font la demande, présentent des observations sommaires devant la chambre de l'instruction, il n'en demeure pas moins que la procédure est écrite devant cette chambre, les mémoires pouvant être déposés par télécopies adressées au greffe de la chambre ; que l'impossibilité de se déplacer à l'audience du 25 mars 2004 alléguée par l'avocat du mis en examen, qui invoque son choix de se rendre à d'autres convocations le même jour devant une autre chambre de l'instruction, ne caractérise, en l'espèce, aucune atteinte aux droits de la défense ; qu'il n'y a donc pas lieu à renvoi de l'affaire à une audience ultérieure" (arrêt p. 2) ;

1 ) "alors, d'une part, que tout accusé a le droit de disposer du temps nécessaire à la préparation de sa défense ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'avocat de la personne mise en examen a disposé de quelque heures seulement, de la fin de la matinée du 24 mars 2004 à l'heure administrative de fermeture du greffe, pour répondre à des réquisitions du procureur fort étayées, tant en fait qu'en droit ; qu'en considérant, malgré tout, que ce "court délai n'est en rien contraire aux dispositions de l'article 6", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

2 ) "alors, de deuxième part, que méconnaît encore les droits de la défense et ne justifie pas légalement sa décision au regard des textes susvisés, la cour d'appel qui ne recherche pas, comme elle y était pourtant invitée, si le "court délai" de quelques heures laissé à l'avocat parisien avant l'audience, ne l'empêchait pas de rencontrer son client, détenu à Rennes, et de préparer ainsi efficacement sa défense ;

3 ) "alors, de troisième part, que la présentation d'observations orales par les avocats des parties qui en ont fait la demande, est de droit devant la chambre de l'instruction qui ne dispose pas du pouvoir de la refuser ; qu'au cas présent, l'avocat du demandeur qui réclamait le bénéfice de ce droit, faisait valoir qu'ayant reçu l'avis d'audience la veille seulement de celle-ci et devant être présent à d'autres audiences ou auditions le même jour, il était dans l'impossibilité matérielle de s'y rendre et de présenter ses observations ; qu'en estimant que cette impossibilité, qu'elle constatait elle-même (p. 2 in fine), "ne caractéris(ait), en l'espèce, aucune atteinte aux droits de la défense" et ne justifiait, dès lors, aucun renvoi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

4 ) "alors enfin, que met la personne mise en examen dans une situation de net désavantage par rapport au ministère public, en violation du principe de l'égalité des armes et de l'ensemble des textes susvisés, la cour d'appel qui statue après avoir entendu les réquisitions orales du ministère public mais hors la présence de l'avocat de la personne mise en examen, avocat qui avait pourtant demandé à présenter des observations orales" ;

Attendu qu'en refusant, par les motifs reproduits au moyen, le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, demandé par l'avocat de Layse X...
Y..., la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Que, d'une part, les dispositions de l'article 197 du Code de procédure pénale ne sauraient être contraires à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 5.4 de ladite Convention imposant qu'il soit statué à bref délai sur la détention d'une personne mise en examen ;

Que, d'autre part, l'opportunité d'accueillir une demande de renvoi est une mesure d'administration judiciaire qui échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 66 de la Constitution, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen de 1789, 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, ensemble les articles 122, 135, 137, 144, 145-2, 185, 207, 591 et 593 dudit Code, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a constaté que le mandat de dépôt criminel décerné le 27 novembre 2003, à l'encontre du demandeur, ne pouvait arriver à échéance que le 26 novembre 2004 à minuit, et prononcé en conséquence l'annulation de pièces de la procédure de prolongation de la détention du demandeur et, en particulier, de l'ordonnance de mise en liberté sous contrôle judiciaire du 19 mars 2004 ;

"aux motifs "qu'il résulte des dispositions de l'article 145-2 du Code de procédure pénale que la durée initiale de la détention résultant de la délivrance d'un mandat de dépôt criminel est d'un an ; que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Morlaix a placé en détention provisoire, le 27 novembre 2003, Layse X...
Y... mis en examen du chef de crime de vol commis en bande organisée avec effraction ; que, bien qu'il fût rappelé dans cette ordonnance que le mis en examen encourait une peine criminelle, celui-ci a été placé sous mandat de dépôt criminel pour une durée limitée à 4 mois ; mais que le juge des libertés, lorsqu'il délivre un mandat de dépôt ne dispose pas du pouvoir de fixer à l'avance une durée de détention inférieure à celle prévue par la loi ; que le mandat de dépôt criminel délivré le 27 novembre 2003, arrive à échéance le 27 novembre 2004 à 0 heure par l'effet de la loi et nonobstant les indications contraires portées dans l'ordonnance de placement en détention provisoire et dans le mandat de dépôt qui doivent être tenues pour inexistantes ; qu'ainsi, c'est inutilement que le juge des libertés et de la détention a été saisi aux fins de prolongation de la détention provisoire avant l'expiration de la durée légale de détention et à tort que ce magistrat s'est prononcé sur une telle demande en rendant le 19 mars une "ordonnance de mise en liberté sous contrôle judiciaire à compter du 27 mars 2004 à 0 heure", s'analysant selon la motivation même de cette ordonnance, comme une décision de refus de prolongation de la détention et de placement sous contrôle judiciaire à l'échéance du délai fixé dans l'ordonnance de placement en détention provisoire ; qu'en conséquence, les actes accomplis en vue de voir statuer irrégulièrement sur la prolongation de la détention provisoire de Layse X...
Y... au-delà du 27 mars 2004, doivent être annulés" (arrêt p. 4 et 5) ;

1 ) "alors, d'une part, qu'en posant en règle à l'article 145-2 du Code de procédure pénale "qu'en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un an", le législateur a entendu fixer une durée maximale à la détention provisoire initiale dont peut faire l'objet le prévenu et laisser ainsi au juge des libertés et de la détention la faculté de prévoir une durée initiale de détention moindre ; qu'en affirmant, au contraire, que la loi aurait fixé une durée forfaitaire de détention pour un type d'infraction donné, durée que le juge des libertés et de la détention n'aurait pas le pouvoir de moduler, la cour d'appel a méconnu la lettre du texte précité et violé l'ensemble des textes susvisés" ;

2 ) "alors, de deuxième part, que le juge des libertés et de la détention ayant le devoir de n'ordonner un placement en détention provisoire que dans la stricte mesure du nécessaire, en fonction des besoins de la procédure, de la gravité de l'infraction et de la personnalité du suspect, il doit pouvoir moduler d'emblée la durée de la détention dans la limite du maximum prévu par la loi pour la catégorie d'infraction en cause ; que méconnaît la portée de cette exigence de proportionnalité et consacre la faculté pour le juge des libertés et de la détention de procéder à des détentions arbitraires, sans rapport avec les impératifs concrets de l'enquête et en violation des textes susvisés, la cour d'appel qui affirme que tout crime devrait donner lieu à une mise en détention provisoire d'une durée d'un an ;

3 ) "alors, en tout état de cause que, lorsqu'elle statue en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction ne dispose pas d'un pouvoir d'évocation ; de sorte qu'excède ses pouvoirs en violation des textes susvisés, la cour d'appel qui, saisie d'un appel du ministère public à l'encontre d'une ordonnance ayant refusé de prolonger la détention provisoire d'une personne mise en examen, et après avoir "annulé" cette ordonnance, revient sur les termes de l'ordonnance de mise en détention initiale et sur ceux du mandat de dépôt correspondant pour "constater" que ceux-ci ne pourraient arriver à échéance qu'un an après leur délivrance, modifiant ainsi les termes d'actes dont elle n'était pas saisie ;

4 ) "alors, enfin, qu'aux termes de l'article 185 du Code de procédure pénale, le parquet a le droit de faire appel de toutes les ordonnances du juge des libertés et de la détention provisoire ; de sorte que ne justifie pas légalement sa décision au regard des textes susvisés, la chambre de l'instruction qui modifie la durée du mandat de dépôt initial du juge des libertés, dont les effets avaient été limités par son auteur à six mois, cependant que l'ordonnance, en application de laquelle ce mandat avait été délivré et qui s'est trouvée ainsi, indirectement modifiée dans ses effets, était devenue définitive, faute d'appel du parquet dans les délais impartis" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Layse X...
Y..., mis en examen le 27 novembre 2003, notamment pour vol en bande organisée, a été placé sous mandat de dépôt criminel le même jour par le juge des libertés et de la détention, précisant qu'il ordonnait cette mesure pour une période de 4 mois ;

Attendu que, saisi par le juge d'instruction aux fins de statuer sur la prolongation de cette détention, le juge des libertés et de la détention, par ordonnance du 19 mars 2004, a refusé de la prolonger et a ordonné la mise en liberté sous contrôle judiciaire de Layse X...
Y... à compter du 27 mars 2004 ; que l'arrêt attaqué, statuant sur l'appel du ministère public et constatant que le juge des libertés et de la détention s'était prononcé à tort sur la prolongation de la détention, dès lors que le mandat de dépôt criminel n'arriverait à échéance que le 26 novembre 2004 à minuit, a prononcé l'annulation de toutes les pièces de la procédure relatives à la prolongation de la détention, parmi lesquelles l'ordonnance de mise en liberté sous contrôle judiciaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, dès lors que le juge des libertés et de la détention ne tient d'aucune disposition légale le pouvoir de fixer à l'avance une durée de détention inférieure à celle prévue par la loi, qui est d'un an, s'agissant d'un mandat de dépôt criminel, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-82499
Date de la décision : 08/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, 25 mars 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 jui. 2004, pourvoi n°04-82499


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.82499
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