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07/07/2004 | FRANCE | N°02-11335

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 07 juillet 2004, 02-11335


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 décembre 2001), que, le 19 avril 1995, la ville de Paris a vendu un terrain à l'Etat français en vue de la construction du Stade de France ; que sur ce terrain, la société Total solvants avait exploité, jusqu'en 1992, un dépôt de stockage d'hydrocarbures et une unité de fabrication d'essences spéciales ; que la présence d'hydrocarbures sous l'emprise du stade, ayant, lors de sa construction, entraîné des travaux supplém

entaires de dépollution, l'agent judiciaire du trésor a fait assigner la soc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 décembre 2001), que, le 19 avril 1995, la ville de Paris a vendu un terrain à l'Etat français en vue de la construction du Stade de France ; que sur ce terrain, la société Total solvants avait exploité, jusqu'en 1992, un dépôt de stockage d'hydrocarbures et une unité de fabrication d'essences spéciales ; que la présence d'hydrocarbures sous l'emprise du stade, ayant, lors de sa construction, entraîné des travaux supplémentaires de dépollution, l'agent judiciaire du trésor a fait assigner la société Total solvants en réparation du préjudice résultant du surcoût des travaux de dépollution ; que cette dernière a soulevé l'irrecevabilité de l'action ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor fait grief à l'arrêt de déclarer l'Etat irrecevable à agir à l'encontre de la société, alors, selon le moyen, que l'action est ouverte à ceux qui ont un intérêt légitime au succès d'une prétention tandis que l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès ; qu'en déclarant l'agent judiciaire irrecevable à agir à l'encontre de la société Total solvants faute de bénéficier d'une cession des droits de la ville ou d'une subrogation, la cour d'appel a violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que la vente d'un immeuble n'emporte pas de plein droit cession au profit de l'acquéreur des droits et actions à fin de dommages-intérêts qui ont pu naître au profit du vendeur en raison des dégradations causées à l'immeuble antérieurement à la vente, la cour d'appel ayant constaté que l'Etat avait acquis en connaissance de cause le terrain dont la nappe phréatique était polluée et relevé que l'acte de vente ne comportait aucune clause expresse de cession par le vendeur à l'acquéreur de droits et actions à l'égard de tiers, a déclaré, à bon droit que l'Etat n' était pas recevable à agir contre la société Total solvants ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'agent judiciaire du trésor fait grief à l'arrêt de déclarer l'Etat irrecevable à agir à l'encontre de la société Total solvants en réparation du préjudice causé par l'obligation qui lui a été faite par l'autorité administrative de lutte contre les effets de la pollution des parcelles acquises de la ville de Paris pour l'implantation du stade de France, alors, selon le moyen :

1 ) que la cour d'appel qui retient ensemble que la pollution est la cause du dommage, que pour être recevable à agir contre un tiers, l'acquéreur doit démontrer que le dommage dont il demande réparation est apparu postérieurement à la vente, que le préjudice dont l'Etat demande réparation est constitué par le surcoût des travaux rendus nécessaires par la pollution de la nappe phréatique sur le site du stade de France, et qui, pour rejeter l'action relève que l'immeuble vendu avait subi un dommage antérieurement à la vente, de sorte que l'Etat acquéreur, qui était informé de la présence d'hydrocarbures dans la nappe phréatique, n'avait pas d'action contre la société Total solvants, à laquelle il imputait la pollution faute de cession ou de subrogation consentie, n'a pas tiré de ses propres énonciations les conséquences légales qui en découlent en violation de l'article 1615 du Code civil ;

2 ) que l'action en réparation du dommage naît de sa manifestation ; que la cour d'appel qui constate que le préjudice dont l'Etat demande réparation est constitué par le surcoût des travaux rendus nécessaires par la pollution de la nappe phréatique sur le site du stade de France et qui, pour rejeter l'action retient que l'immeuble vendu avait subi un dommage antérieurement à la vente, de sorte que l'Etat acquéreur, qui était informé de la présence d'hydrocarbures dans la nappe phréatique, n'avait pas d'action contre la société Total solvants, à laquelle il imputait la pollution, faute de cession ou de subrogation consentie par la ville, sans rechercher la date à laquelle le dommage s'était manifesté, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1384, alinéa 1, du Code civil ;

3 ) que l'obligation imposée par l'administration au propriétaire d'un sol pollué de se soumettre, pour exercer son droit de construire à des contraintes rendues nécessaires par la pollution constitue une obligation réelle transmise avec la propriété du sol dont elle constitue l'accessoire ; qu'en décidant que la créance liée à l'obligation de procéder à des travaux pour lutter contre les effets de la pollution et éviter sa propagation n'avait pas été transmise par la ville à l'Etat, dans le silence de l'acte de vente, la cour d'appel a violé les articles 649 et 1615 du Code civil ;

4 ) que les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ; que la cour d'appel qui constate, d'une part, qu'un arrêté du 7 juillet 1995 du préfet de la Seine-Saint-Denis prescrit à l'Etat, propriétaire du site, la réalisation de travaux de dépollution, d'autre part, que le préjudice dont l'Etat demande réparation est constitué par le surcoût des travaux rendus nécessaires par la pollution de la nappe phréatique sur le site du stade de France et déclare l'Etat irrecevable à agir contre la société Total solvants, à laquelle il imputait la pollution par les hydrocarbures de la nappe phréatique faute de transmission des droits du précédent propriétaire du terrain pollué, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient en violation du principe pollueur-payeur énoncé à l'article L. 110-1 du Code de l'environnement et de l'article 1384, alinéa 1, du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que le préjudice dont l'Etat demandait réparation était constitué par le surcoût des travaux rendus nécessaires par la pollution de la nappe phréatique sur le site du stade de France qui était la cause du dommage, et constaté, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, que l'Etat avait connaissance de la pollution de la nappe phréatique avant la vente et avait acquis le terrain en parfaite connaissance de cause et à un prix inférieur à sa valeur primitive pour tenir compte de l'état de la chose, avec renonciation de toute action éventuelle contre le vendeur en raison de l'état du sol ou du sous-sol, la cour d'appel en a déduit exactement, qu'en l'absence de la preuve de l'existence d'une subrogation ou d'une cession de droits consentie au profit de l'Etat par le vendeur, l'action en réparation formée par l'agent judiciaire du trésor était irrecevable ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne ressort ni des conclusions ni de l'arrêt que l'agent judiciaire du trésor ait soulevé devant la cour d'appel le moyen tiré d'une violation des dispositions de l'article L. 110-1 du Code de l'environnement ; que le moyen mélangé de fait et de droit est, de ce chef, nouveau ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'agent judiciaire du Trésor aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'agent judiciaire du Trésor à payer la somme de 1 900 euros à la société Total solvants ; rejette la demande formée par l'agent judiciaire du Trésor ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 02-11335
Date de la décision : 07/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (14e chambre civile), 05 décembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 07 jui. 2004, pourvoi n°02-11335


Composition du Tribunal
Président : Président : M. WEBER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.11335
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