AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du premier moyen, contestée par la défense :
Attendu que la société Compagnie financière et industrielle des autoroutes (société COFIROUTE) fait valoir que le moyen est irrecevable dès lors, d'une part, que le Groupement forestier du Moulin (le groupement) n'a invoqué, devant les juges du fond, ni la violation des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni une atteinte au principe de l'égalité des armes en raison de la présence du commissaire du Gouvernement à l'instance, d'autre part, que ce moyen est contraire à la thèse développée par le groupement devant les juges du fond ;
Mais attendu, d'une part, que le groupement ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, le moyen, qui est de pur droit, peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation ;
Attendu, d'autre part, que le moyen n'est pas incompatible avec les prétentions soumises aux juges du fond par le groupement ;
D'où il suit que le moyen est recevable ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 6, alinéa 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que l'arrêt attaqué (Angers, 21 février 2003) fixe, au vu des conclusions de l'expropriante, de l'exproprié ainsi que de celles du commissaire du Gouvernement, les indemnités revenant au Groupement à la suite de l'expropriation au profit de la société COFIROUTE de biens immobiliers lui appartenant ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions des articles R. 13-32, R. 13-35, R. 13-36 et R. 13-37 du Code de l'expropriation relatives au rôle tenu par le commissaire du Gouvernement dans la procédure en fixation des indemnités d'expropriation et des articles 2196 du Code civil, 38-1 et 39 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, que celui-ci, expert et partie à cette procédure, occupe une position dominante et bénéficie, par rapport à l'exproprié, d'avantages dans l'accès aux informations pertinentes publiées au fichier immobilier ;
qu'en appliquant ces dispositions génératrices d'un déséquilibre incompatible avec le principe de l'égalité des armes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes (chambre des expropriations) ;
Condamne la société Compagnie financière et industrielle des autoroutes aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Compagnie financière et industrielle des autoroutes à payer au Groupement forestier du Moulin la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Compagnie financière et industrielle des autoroutes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille quatre.