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30/06/2004 | FRANCE | N°02-88097

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 juin 2004, 02-88097


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE ET HAZAN, la société civile professionnelle PEIGNOT ET GARREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date

du 14 novembre 2002, qui, pour exercice illégal de la profession d'expert-comptable et ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE ET HAZAN, la société civile professionnelle PEIGNOT ET GARREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 14 novembre 2002, qui, pour exercice illégal de la profession d'expert-comptable et complicité de faux et d'usage, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 121-1 du Code pénal, 20 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe X... coupable d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable et l'a condamné à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 20 000 euros ;

"aux motifs que M. Y... avait pour mission le contrôle de gestion interne de l'entreprise, ce qui consistait en une mission de contrôle de certains comptes et c'est lui, en sa qualité de salarié de la société Acor qui procédait à l'arrêté des comptes de l'exercice, établissant les liasses fiscales et les annexes ; que seule Acor procédait à la clôture annuelle des exercices, à l'établissement du bilan que Philippe X... soumettait ensuite aux associés, l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable à titre habituel par Philippe X... est donc parfaitement établi sans qu'il puisse utilement invoquer un "dérapage" de son salarié sur lequel il avait pouvoir de direction et de contrôle, étant précisé à nouveau qu'aucune décision n'était prise par ledit salarié et que les comptes étaient présentés par Philippe X... seul ;

"alors, dune part, que l'exercice illégal de la profession d'expert comptable ne peut être caractérisée par la direction de travaux effectués par un tiers qu'à la condition que cette direction comporte une intervention personnelle et directe dans la tenue, l'appréciation, la surveillance et le redressement des comptes ; qu'en l'espèce, le seul fait personnel imputé à Philippe X... d'avoir présenté les comptes ne caractérise pas l'intervention personnelle telle qu'elle est définie par la loi ;

"alors d'autre part que l'exercice illégal de la profession d'expert comptable suppose, par la personne poursuivie, l'exercice de cette profession en son nom propre et sous sa responsabilité ; qu'en l'espèce la cour d'appel constate que la société Z... Bâtiment avait pour seul interlocuteur la société Acor, que c'est "en qualité de salarié de la société Acor que M. Y... procédait aux opérations comptables, qu'en tant que rédacteur des déclarations fiscales de la société Acor, par son salarié, ne pouvait que recueillir les informations comptables sans pouvoir les établir elle-même et que seule Acor procédait à la clôture annuelle des comptes de l'exercice", qu'il ressort ainsi des propres constatations de l'arrêt attaqué que les opérations comptables incriminées, à supposer même qu'elles aient été faites sous la direction et le contrôle de Philippe X..., n'ont pas été faites au nom et sous la responsabilité de ce dernier ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé les textes précités ;

"alors, enfin, que l'arrêt attaqué constate que M. Y... était le salarié de la société Acor ;

qu'il ne pouvait donc reprocher à Philippe X..., qui précisément faisait valoir que le salarié n'agissait pas sous sa responsabilité, de n'avoir, personnellement, pas dirigé ou contrôlé "son" salarié" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-7 et 441-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe X... coupable de complicité de faux et l'a condamné à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 20 000 euros ;

"aux motifs que Philippe X..., à tout le moins la société Acor qu'il dirige adressait aux époux Z... un projet de procès-verbal d'assemblée générale après une réunion annuelle en avril pour en fixer le contenu, ce procès-verbal étant en principe signé ensuite par les époux Z... et leur conseil ; à la date de l'assemblée générale du 29 juin 1998, M. A... n'avait pas encore, faute de disposer de documents adéquats, établi ni son rapport général ni son rapport spécial et bien que convoqué il n'y était pas présent pas plus d'ailleurs que les associés minoritaires qui ont déclaré ne jamais se déplacer faute d'intérêt pour eux et signer la feuille de présente lorsqu'elle leur était présentée, postérieurement à l'assemblée ; le procès-verbal en date du 29 juin 1998 porte mention de la mise à disposition des actionnaires et de la lecture des rapports du commissaire aux comptes ; or ceux-ci n'ont été établis que courant octobre 1998 ; les actionnaires minoritaires (deux) ont maintenu que bien que convoqués ils ne se déplaçaient jamais ; le rapport de gestion prétendument présenté à l'assemblée générale et transmis au greffe le 13 octobre est nécessairement un faux en ce qu'il fait état de la mise à disposition des actionnaires des rapports du commissaire aux comptes, inexistant à cette date ; les époux Z... ont déclaré devant les services enquêteurs et le tribunal signer "les yeux fermés" ce qui leur était présenté par leur conseil en qui ils avaient une confiance totale et ne s'être jamais réellement préoccupés du contenu exact des procès-verbaux, ceux-ci étant établis et transmis par le cabinet Acor ; Philippe X... ne peut dès lors se retrancher derrière la responsabilité éventuelle de ses clients puisqu'il était leur seul conseil et ce sur tous les plans, comptable, financier, juridique, fiscal ; assurant par lui-même la publicité légale des actes qu'il rédigeait et faisait signer, il lui appartenait de vérifier la concordance entre les écrits et la réalité ; cette carence constitue bien un acte de complicité ;

"alors, d'une part que, la complicité suppose la réalisation d'une infraction principale ; qu'en l'espèce la cour d'appel constate que les époux Z... signaient les yeux fermés les documents que leur présentait la société Acor sans même se préoccuper de leur contenu; qu'en conséquence, en l'absence de toute conscience, chez les auteurs principaux, de la fausseté du document litigieux, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 121-7 du Code pénal, déclarer le prévenu complice de ce délit ;

"alors, d'autre part, que la complicité suppose une participation consciente à l'infraction ;

qu'en se bornant à constater que le prévenu avait rédigé et communiqué un projet de procès-verbal d'assemblée avant la tenue de cette dernière, sans rechercher si, lors de cette communication, le prévenu avait conscience que les événements qui y étaient constatés ne se réaliseraient pas et que, dans cette hypothèse, les destinataires du projet de procès-verbal ne modifieraient pas le contenu du document pour éviter d'en faire un faux, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision ;

"alors, en outre que, la complicité suppose une participation antérieure ou concomitante à l'infraction ; qu'en qualifiant de complicité de faux le fait pour Philippe X... de ne pas avoir vérifié, après l'assemblée, la concordance entre le procès- verbal signé par les époux Z... et la réalité du déroulement de l'assemblée, la cour d'appel a violé l'article 121-7 du Code pénal ;

"alors, enfin, que le dirigeant d'une société ne peut être présumé responsable d'une infraction commise par cette société que si cette infraction a été matériellement commise par un employé de cette société sur lequel ce dirigeant exerce un pouvoir de direction et de contrôle ; qu'en se bornant à énoncer que "Philippe X... ou à tout le moins la société Acor qu'il dirige" avait adressé le projet de procès-verbal aux époux Z..., sans rechercher, ainsi que l'y invitait le prévenu, quelle était la personne physique qui avait représenté la société et sans s assurer que cette personne n'était pas elle-même un avocat sur lequel Philippe X... ne pouvait exercer le moindre pouvoir de direction, la cour d'appel s'est prononcée par une motivation alternative dont la seconde branche est entachée d'imprécision et d'ambiguïté ; qu'en conséquence, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe X... coupable de complicité d'usage de faux et l'a condamné à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 20 000 euros ;

"alors que l'arrêt attaqué ne contient aucun motif, ni propre ni adopté, relatif à ce chef de prévention" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Philippe X... à payer au Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables la somme de 2 000 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-88097
Date de la décision : 30/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre, 14 novembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 jui. 2004, pourvoi n°02-88097


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BRUNO COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.88097
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