AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Antonio,
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE GRENOBLE,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 22 mai 2003, qui, pour homicide involontaire, contravention de blessures involontaires et infraction au Code de la route, a condamné le premier à 2 ans d'emprisonnement dont 1 an avec sursis, à deux amendes de 1 000 et 300 euros, ainsi qu'à l'annulation de son permis de conduire et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen proposé pour Antonio X..., pris de la violation des articles 221-6 et R. 625-2 du Code pénal, 414-1, alinéas 2 et 3, du Code de la route, 427, 429, 537, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antonio X... coupable d'homicide involontaire et de blessures involontaires ainsi que de dépassement dangereux à une intersection, l'a condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement assortie d'un sursis de 12 mois, pour l'homicide involontaire, a ordonné l'annulation de son permis de conduire avec interdiction de le repasser pendant une période de deux ans, à une amende de 1 000 euros pour les blessures involontaires et pour le dépassement dangereux à une amende de 300 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que le 24 avril 2001, vers 20 heures, Renée Y..., au volant de sa 205 verte, circule sur le CD 540 en direction de la Begude de Mazenc et met son clignotant pour tourner à gauche au niveau de l'intersection du CD 127a en direction de Saint-Gervais ; qu'Antonio X... qui était en train de doubler la file de voitures qui le précédait a percuté de plein fouet le véhicule de Renée Y... qui devait décéder des suites de ses blessures ; son mari, Marc Y... était, pour sa part, grièvement blessé ;
qu'Antonio X... a déclaré par la suite qu'il s'apprêtait à doubler la 205 verte et qu'il n'a vu qu'au dernier moment son clignotant ; que M. Z... se trouvait dans la file de véhicules doublés par Antonio X... ; il lui a semblé qu'il doublait un groupe de trois voitures ; il a pensé que le conducteur procédait à un dépassement risqué car il n'y avait pas une bonne visibilité à cet endroit ; il n'a pas vu le choc et quand il est arrivé à son niveau, il a cru que la 205 blanche avait heurté de face un véhicule arrivant en sens inverse ; que M. A... qui suivait le véhicule de Renée Y... a précisé qu'ils ne roulaient pas vite, qu'il a vu le clignotant de la 205 verte, qu'il a été alors surpris par un véhicule 205 blanc qui doublait et qu'il n'a vu qu'arrivé à sa hauteur ; que les gendarmes, sur les lieux de l'accident, ont estimé que deux infractions pouvaient être relevées à l'encontre d'Antonio X... : - un dépassement par la gauche d'un véhicule tournant à gauche ; - un dépassement dangereux de véhicule à une intersection de routes ; qu'il ressort des déclarations des témoins et des constatations des gendarmes qu'Antonio X... a voulu procéder au dépassement d'une file de voitures qui roulaient doucement, à une intersection de routes, qu'il n'a pu éviter le véhicule de Renée Y... qui tournait sur sa gauche, après avoir indiqué son changement de direction, alors qu'il avait vu son clignotant et qu'il a percuté cette voiture au niveau de la portière du conducteur ce qui signifie que la manoeuvre pour tourner étant bien engagée puisque, de par l'emplacement du choc, cette voiture se trouvait déjà à sa perpendiculaire ;
"1) alors que la cour d'appel, qui constatait implicitement mais nécessairement dans sa décision que les témoins Z... et A... n'avaient pas vu ou prêter attention à la manière dont s'était déroulé l'ensemble des faits, objet de sa saisine, ne pouvait, sans se contredire et priver, ce faisant, sa décision de base légale, se fonder sur leurs témoignages pour constater les circonstances de l'accident ;
"2) alors que les énonciations des rapports établis en application de l'article 429 du Code de procédure pénale ne valent jusqu'à preuve contraire que des faits que les agents compétents ont constatés personnellement et que la cour d'appel, qui ne constatait pas dans sa décision qu'il résulte du rapport d'accident que les gendarmes aient été présents sur les lieux au moment où l'accident s'est déroulé et qu'ils aient par conséquent rapporté quant aux manoeuvres effectuées par les véhicules en cause ce qu'ils avaient personnellement vu, ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles 427, 429 et 537 du Code de procédure pénale, se fonder sur leurs prétendues constatations" ;
Sur le deuxième moyen proposé pour Antonio X..., pris de la violation des articles 221-6 et L. 625-2 du Code pénal, R. 6 de l'ancien Code de la route, 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antonio X... entièrement responsable de l'accident et a refusé tout partage de responsabilité ;
"alors qu'à la date où a eu lieu l'accident, les dispositions de l'article R. 6 de l'ancien Code de la route étaient en vigueur et imposaient au conducteur qui s'apprêtait à apporter un changement dans la direction de son véhicule, non seulement d'avertir de son intention les autres usagers mais également de s'assurer qu'il pouvait le faire sans danger et que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que Renée Y..., conducteur de la 205 verte ait pris cette seconde précaution élémentaire, n'a pas, abstraction faite de constatations insuffisantes, justifié sa décision de mettre à la charge d'Antonio X... l'entière responsabilité de l'accident" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, dépassant des véhicules qui le précédaient, Antonio X... a percuté une voiture qui tournait à gauche ; que la conductrice est décédée des suites de l'accident et que le passager a été blessé ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'homicide involontaire et des deux contraventions de blessures involontaires et de dépassement dangereux, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu entièrement responsable de l'accident et tenu à réparation intégrale du préjudice, l'arrêt retient que la conductrice défunte n'a commis aucune faute de nature à réduire son indemnisation ou celle de ses ayants droit ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que dès lors les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le quatrième moyen proposé pour Antonio X..., pris de la violation de l'article 515 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a, en violation de l'article 515 du Code de procédure pénale, alloué à la Mutualité sociale agricole, non appelante, une somme de 760 euros, sollicitée par elle en cause d'appel, à titre d'indemnité forfaitaire en application des articles 9 et 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996" ;
Attendu que statuant sur les seuls appels du jugement interjetés par le prévenu et le ministère public, l'arrêt, faisant droit aux demandes de la Mutualité sociale agricole, partie intervenante non appelante, a condamné Antonio X... à lui payer le montant des prestations sociales versées aux victimes ainsi que l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1, alinéa 5 et 7, du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que le prévenu, qui ne critique ni le principe ni le montant des sommes dont la Mutualité sociale agricole, partie intervenante, a obtenu le remboursement, est sans intérêt à contester sa condamnation au paiement de l'indemnité forfaitaire précitée ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Mais sur le moyen unique proposé par le procureur général, pris de la violation des articles 132-3 et 132-7 du Code pénal ;
Et sur le troisième moyen proposé pour Antonio X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du protocole n° 7 annexé à cette Convention, 132-3 et 132-7 du Code pénal ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé une peine pour le délit d'homicide involontaire et une peine pour la contravention de blessures involontaires ;
"alors qu'une faute pénale unique ne peut être sanctionnée plusieurs fois ; que les deux infractions susvisées procédant d'une seule et même action coupable, elles ne pouvaient être punies séparément" ;
Vu les articles 132-3 et 132-7 du Code pénal ;
Attendu qu'une faute pénale unique ne peut être sanctionnée que par une seule peine ;
Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable du délit d'homicide involontaire et des contraventions de blessures involontaires et dépassement dangereux, la cour d'appel l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement dont 1 an avec sursis, à l'annulation de son permis de conduire ainsi qu'à deux amendes de 1000 euros et 300 euros pour chacune des contraventions ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le délit d'homicide involontaire et la contravention de blessures involontaires, qui procédaient d'une même action coupable, ne pouvaient être punies séparément, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de GRENOBLE, en date du 22 mai 2003, en ses seules dispositions ayant prononcé une amende de 1000 euros pour la contravention de blessures involontaires, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Agostini conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;