AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au Crédit agricole de son désistement envers la Société générale, la BNP-Paribas, le Crédit lyonnais, la Confédération nationale du Crédit mutuel, la Fédération du Crédit mutuel Océan, la Caisse régionale de Crédit agricole de Loire-Atlantique, la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance et la Caisse d'épargne des Alpes, et donne acte à la Caisse régionale de Crédit agricole de Loire-Atlantique de son désistement envers la Société générale, la BNP-Paribas, le Crédit lyonnais, la Confédération nationale du Crédit mutuel, la Fédération du Crédit mutuel Océan, la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance et la Caisse d'épargne des Alpes ;
Joint les pourvois n s Y 01-17.896, V 01-17.962, H 01-17.927, G 01-17.928, V 01-18.054, W 01-18.055, G 02-10.066 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2001), que, sur le rapport oral de M. Thouvenot, rapporteur permanent, le Conseil de la concurrence (le Conseil) s'est saisi d'office, le 30 novembre 1993, de la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier ; que le même jour, le président du Conseil a désigné M. Thouvenot pour examiner cette saisine ; qu'à la même date, sur le rapport de M. Thouvenot, le Conseil de la concurrence a, par décision n 93-DE-07, demandé une enquête à la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) ; que, par décision n 00-D-28 du 19 septembre 2000, le Conseil de la concurrence a dit qu'il était établi que la BNP-Paribas, la Société générale, le Crédit lyonnais, la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (la CNCEP), venant aux droits du Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (le CENCEP), la Caisse d'épargne des Alpes, la Caisse nationale de Crédit agricole, désormais dénommée Crédit agricole SA (le Crédit agricole), la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Loire-Atlantique, aux droits de laquelle vient la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique-Vendée, la Confédération nationale du Crédit mutuel et la Fédération du Crédit mutuel Océan avaient enfreint l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, a prononcé à l'encontre de ces établissements des sanctions pécuniaires pour un montant total de 1 144 500 000 francs et a ordonné la publication de cette décision ; que, saisie d'un recours de l'ensemble des établissements précités, la cour d'appel les a rejetés ;
Sur le premier moyen du pourvoi de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, pris en ses trois branches :
Attendu que la CNCEP fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de décliner la compétence du Conseil de la concurrence et de la cour d'appel de Paris, pour statuer sur les poursuites engagées à l'encontre de la CNCEP, ensemble prononcer des sanctions à l'encontre de la CNCEP, alors, selon le moyen :
1 / que dès lors que l'acte incriminé se rattache à une mission de service public assortie de prérogatives de puissance publique, le Conseil de la concurrence est incompétent, peu important que l'acte en cause puisse caractériser une intervention illicite sur le marché ; qu'en s'attachant aux effets des recommandations émanant du CENCEP ou encore à leur caractère irrégulier -recommandations allant dans le sens d'un pacte de non-agression- et non au fondement ou à la raison d'être de l'intervention du CENCEP -organe central et chef de réseau-, les juges du fond ont violé l'article L. 410-1 du Code de commerce, ensemble la loi des 16-24 janvier 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs ;
2 / qu'en s'abstenant de rechercher si les recommandations émanant du CENCEP, quelle que soit l'opinion que l'on puisse se faire de leur légalité, pouvaient être détachées des missions de service public dévolues au CENCEP, en tant qu'organe central et chef de réseau, étant rappelé qu'il devait s'assurer du bon fonctionnement des membres du réseau, ce qui lui imposait de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun des établissements comme de l'ensemble du réseau, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 410-1 du Code de commerce, ensemble la loi des 16-24 janvier 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs ;
3 / qu'en toute hypothèse, les juges du fond n'ont pas davantage constaté que l'activité déployée par le CENCEP sur le marché, à l'occasion des recommandations qui lui étaient reprochées, constituait une activité commerciale de production, de distribution et de services ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué souffre d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 410-1 du Code de commerce, ensemble la loi des 16-24 janvier 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la pratique imputée au CENCEP, et consistant à adresser aux établissements de crédit qui lui étaient affiliés des recommandations allant dans le sens d'un pacte de non-agression auquel avaient adhéré les principaux réseaux d'établissement de crédit et qui tendait à restreindre les possibilités de renégociation des prêts immobiliers et partant à limiter le jeu de la concurrence, ainsi qu'à avaliser les pratiques locales dont il était informé, était constitutive d'une intervention de cet organisme sur le marché de la distribution des crédits immobiliers aux particuliers, hors des limites de sa mission de service public et dans des conditions ne manifestant pas l'exercice de prérogatives de puissance publique, la cour d'appel, qui ainsi a effectué les recherches invoquées aux deuxième et troisième branches du moyen, en a justement déduit que la pratique imputée au CENCEP entrait dans le champ de compétence du Conseil ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, du pourvoi de la Société générale, le troisième moyen du pourvoi de la CNCEP et le premier moyen du pourvoi de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes, rédigés dans les même termes, le premier moyen, pris en ses deux branches du pourvoi de la société BNP-Paribas, le premier moyen, pris en ses trois branches du pourvoi du Crédit lyonnais, le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi formé par le Crédit agricole, le moyen unique, pris en ses deux branches rédigé dans les mêmes termes du pourvoi de la Caisse régionale de Crédit agricole de Loire Atlantique, réunis :
Attendu que la Société générale, la CNCEP, la Caisse nationale et de prévoyance des Alpes, la société BNP-Paribas, le Crédit lyonnais, le Crédit agricole et la Caisse régionale de Crédit agricole de Loire Atlantique font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que préalablement à la décision F637, M. Thouvenot, agissant en qualité de rapporteur permanent, a rassemblé des éléments permettant au Conseil d'apprécier s'il y avait lieu de se saisir d'office et présenté des observations orales, et que, préalablement au délibéré de la décision n 93-DE-07 relative à la demande d'enquête auquel il a assisté, M. Thouvenot a été désigné pour rapporter l'affaire dont le Conseil venait de se saisir et qu'il a en conséquence lui-même défini des orientations de l'enquête et les diligences demandées aux enquêteurs, de sorte qu'en refusant d'admettre que l'assistance de M. Thouvenot en ces différentes qualités aux délibérés des deux décisions susvisées F637 et 93-DE-07 aient été contraires à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a violé ce texte ;
2 / que dès lors que la cour d'appel avait validé la saisine d'office par le fait qu'elle avait été décidée par la Commission permanente, organe compétent pour "siéger" en vertu de l'article L. 461-3 du Code de commerce en vertu de l'article L. 461-3 du Code de commerce, elle ne pouvait sans méconnaître ce texte et violer l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme décider que le délibéré pouvait avoir lieu en présence d'un tiers (M. Thouvenot) au prétexte qu'il s'agirait d'une simple saisine d'office ;
3 / que l'exigence d'impartialité doit conduire à vérifier non seulement que l'organisme en cause est objectivement impartial mais encore qu'il offre à cet égard des garanties telles que tout doute légitime peut être regardé comme exclu ; que viole l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt attaqué qui refuse de faire application de ce texte au cas de M. Thouvenot tout en relevant qu'il avait été, en sa qualité de rapporteur permanent, chargé de réunir les éléments nécessaires pour apprécier l'opportunité d'une saisine d'office, (décision F637) qu'il avait assisté au premier délibéré du 30 novembre 1993 sur ladite saisine, qu'il avait été aussitôt désigné comme rapporteur pour l'examen de cette affaire par le président du Conseil de la concurrence, qu'il avait à ce titre défini personnellement et immédiatement les orientations et les modalités de l'enquête, qu'il avait assisté au deuxième délibéré du même jour (décision n 93-E-07) sur la demande d'enquête, qu'il avait enfin effectivement accompli sa mission de rapporteur avant d'être remplacé ;
4 / qu'en matière pénale, le droit au procès équitable postule que les fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement soient séparés ; qu'en ne recherchant pas si la circonstance que M. Thouvenot ait été entendu en qualité de rapporteur, lors de la décision de saisine d'office du Conseil du 30 novembre 1993, puis désigné le même jour comme rapporteur chargé de suivre l'instruction de l'affaire, n'était pas contraire à cette exigence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, paragraphe I de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5 / qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'un même membre du Conseil de la concurrence avait éclairé l'institution sur la nécessité d'une saisine et donc d'un déclenchement de la poursuite, puis instruit le dossier en qualité de rapporteur ; qu'en l'état de cette confusion des fonctions de poursuite et d'instruction, caractéristique d'un manquement objectif à l'impartialité de l'instruction, la cour d'appel ne pouvait déclarer la procédure régulière sans violer l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6 / qu'en l'état de la présence du rapporteur au délibéré de la commission permanente, dont ce dernier n'était pas membre, le Conseil de la concurrence avait méconnu le secret du délibéré et entaché la procédure d'un risque objectif de partialité, de sorte qu'en refusant d'annuler, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 461-3 du Code de commerce ;
7 / que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial et que le respect de cette exigence doit s'apprécier objectivement ; qu'il résulte des énonciations de la décision frappée de recours que le rapporteur du Conseil de la concurrence, M. Thouvenot, qui a présenté des observations sur l'intérêt pour le Conseil de la concurrence de se saisir d'office de la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier, a assisté au délibéré de la commission permanente sur la décision de la saisine d'office et de demande d'enquête, si bien qu'en considérant que le Conseil de la concurrence a justement retenu qu'aucun texte ne faisait obstacle à ce qu'il demande à un rapporteur permanent -en l'espèce M. X... de rassembler les éléments lui permettant d'apprécier l'intérêt qu'il pouvait y avoir à se saisir d'office de la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier, à ce que ce rapporteur présente des observations orales devant la commission permanente appelée à se prononcer sur ce point et à ce qu'il assiste au délibéré sur cette décision de saisine d'office et en rejetant le recours formé à l'encontre de la décision rendue dans de telles conditions, la cour d'appel a méconnu l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
8 / qu'en procédant de la sorte, le secret du délibéré de la Commission permanente n'a pas été assuré de telle sorte qu'en considérant cependant que la procédure avait été régulière, la cour d'appel a violé le principe du secret du délibéré ;
9 / qu'il résulte des énonciations de la décision frappée de recours que M. Thouvenot, rapporteur du Conseil de la concurrence, qui avait présenté un rapport à la Commission permanente sur l'intérêt pour le Conseil de la concurrence de se saisir d'office de la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier, avait assisté à son délibéré et avait ainsi participé à la saisine et à l'engagement des poursuites et donc d'emblée pris parti, a ensuite été chargé de l'instruction proprement dite en étant nommé rapporteur sur le fonds de l'affaire de sorte qu'en rejetant le recours formé à l'encontre de la décision rendue dans ces conditions dont il ressort que M. Thouvenot a assuré l'instruction après avoir participé à l'engagement des poursuites et pris parti, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 462-5 du Code de commerce ;
10 / que la décision par laquelle une juridiction se saisit d'office, constitue, non un acte d'administration judiciaire, mais un acte juridictionnel ; que le principe du secret du délibéré constitue un principe général du droit public français ; qu'en énonçant, dans ces conditions, qu'il n'importe que le rapporteur, lequel ne fait pas partie de la commission permanente du Conseil de la concurrence, ait assisté au délibéré à l'issue duquel cette commission permanente a décidé que le Conseil de la concurrence se saisissait d'office, la cour d'appel a violé le principe du secret du délibéré ;
11 / que si la décision par laquelle le Conseil de la concurrence se saisit d'office constitue, non une décision juridictionnelle, mais une simple décision administrative, la commission permanente du Conseil de la concurrence est composée du président et de deux vice-présidents ; qu'il s'ensuit que la formation du Conseil de la concurrence qui est composée du président, de deux vice-présidents et d'un rapporteur ne peut être regardée comme constituant la commission permanente du Conseil de la concurrence, et comme ayant, par conséquent, la faculté d'exercer l'un des pouvoirs dévolus à ce Conseil ; qu'en validant la décision de saisine d'office du 30 novembre 1993, pour la raison qu'il n'importe qu'un rapporteur ait siégé au délibéré de la soi-disant commission permanente du Conseil de la concurrence, la cour d'appel, qui méconnaît qu'une décision administrative prise par un organe incompétent, est nécessairement nulle, a violé l'article 4, alinéa 1er, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 laquelle est applicable à l'espèce ;
Mais attendu que la décision par laquelle le Conseil de la concurrence décide de se saisir d'office n'est pas un acte de poursuite ; que l'arrêt relève justement qu'aucun texte ne fait obstacle à ce que le Conseil demande à un rapporteur permanent de rassembler les éléments lui permettant d'apprécier l'intérêt qu'il peut y avoir à ce qu'il se saisisse d'office et présente des observations orales devant la Commission permanente appelée, en application de l'article 8 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 fixant les conditions d'application de l'ordonnance et de l'article 8 du règlement intérieur du 29 mars 1988 pris en application de ce texte à se prononcer sur ce point ; qu'il s'en déduit que la présence de ce rapporteur à la séance de la formation appelée à décider de cette mesure, sur le fondement de l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors en vigueur, puis la désignation de ce rapporteur aux fins d'instruire cette saisine conformément aux dispositions de l'article 50 de cette même ordonnance, ne méconnaissent ni le principe du secret du délibéré, inapplicable en l'espèce, ni le principe de la séparation des fonctions de poursuite et d'instruction et partant le principe d'impartialité ; qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi de la Société générale :
Attendu que la Société générale fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'ayant retenu qu'il appartenait en propre aux organes d'instruction, en l'occurrence M. Thouvenot, de déterminer les orientations de l'enquête et de définir les diligences demandées aux enquêteurs, caractérise une immixtion flagrante de l'organe de jugement dans la poursuite, en violation des articles L. 450-4 et L. 450-6, l'arrêt qui relève que selon les déclarations mêmes du président du Conseil de la concurrence, la décision n° 93-DE-07 était destinée à "permettre la mise en oeuvre des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance", c'est-à-dire les perquisitions ; qu'il en est d'autant plus ainsi que ladite décision ne se bornait pas à demander l'ouverture d'une enquête mais assignait des objectifs précis aux enquêteurs, qui ne dépendent que de l'autorité du rapporteur ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'en l'état des textes alors en vigueur, seul le Conseil délibérant collégialement, ou le ministre chargé de l'économie, pouvait prendre une décision constitutive d'une demande d'enquête, laquelle était le préalable à la mise en oeuvre des visites et saisies prévues par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que l'arrêt retient qu'il ressort des énonciations de la décision n° 93-DE-07, qui constate qu'une enquête est nécessaire "afin de recueillir les éléments jugés utiles par le rapporteur", que le rapporteur a estimé qu'il y avait lieu de procéder à une enquête, a déterminé les orientations de celle-ci et a lui-même défini les diligences demandées aux enquêteurs ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont elle a déduit que le Conseil n'avait fait qu'user des pouvoirs qui lui étaient conférés pour que soient mis en oeuvre les modes d'investigation nécessaires au déroulement de l'enquête définie par le rapporteur sans porter atteinte aux attributions de celui-ci, la cour d'appel n'a pas violé le principe de la séparation des fonctions d'instruction et de jugement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes et le quatrième moyen du pourvoi de la CNCEP, rédigés dans les mêmes termes, le deuxième moyen, pris en ses trois branches du pourvoi de la Société générale, et le troisième moyen de la banque Paribas, réunis :
Attendu que la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes, la CNCEP, la Société générale et la société BNP-Paribas font grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler la décision du Conseil de la concurrence à raison de la tardiveté de la communication de la saisine du Conseil aux autorités compétentes, et tout particulièrement à la Commission bancaire, alors, selon le moyen :
1 / que l'obligation qui pèse sur le Conseil de la concurrence de communiquer à la Commission bancaire toute saisine entrant dans le champ de sa compétence, sans préjudice de la communication ultérieure à ce même organisme de la notification des griefs, doit permettre au Conseil de recueillir l'avis de cette autorité dès l'ouverture du dossier ; que cette obligation est constitutive d'une garantie pour les entreprises du secteur ; que dès lors, la communication pour avis ne pouvait valablement être différée jusqu'à la notification préalable à laquelle il a été procédé après enquête, a fortiori au-delà ; qu'en validant néanmoins la procédure devant le Conseil et la décision qui en est la suite, après avoir elle-même constaté que le Conseil n'avait procédé à la communication à la Commission bancaire que cinq années après la décision par laquelle elle s'était saisie d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 ;
2 / qu'en vertu des articles L. 462-5 et L. 462-6 (du Code de commerce), le Conseil de la concurrence est exclusivement saisi de "pratiques" ou de "faits" entrant dans le champ de sa compétence, et qu'il doit corrélativement écarter toute saisine reposant sur des faits non pertinents ou non appuyés par des éléments suffisamment probants (article L. 462-8 du Code de commerce), de sorte qu'en validant la saisine d'office non motivée qui se bornait à viser de façon indéfinie "la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
3 / que comme l'observe l'arrêt attaqué, l'absence de toute motivation de la saisine d'office faisait obstacle à ce que celle-ci soit utilement transmise à l'organisme de tutelle dont l'intervention a été ainsi différée dans des conditions faisant grief à la Société générale ; qu'en décidant que l'absence de motivation n'avait pas eu d'incidence sur le déroulement du procès, la cour d'appel a violé l'article 16 du décret du 29 décembre 1986 ;
4 / que la transmission simultanée à la Commission bancaire, le 27 novembre 1998, d'une copie de la saisine d'office et de la notification des griefs ne saurait être substituée à l'obligation de l'article 16 du décret du 29 décembre 1986 qui implique que l'organisme de tutelle soit informé ab initio et puisse donner rapidement un avis, non sur l'instruction mais sur le fonctionnement et les pratiques normales du secteur et partant sur l'opportunité d'une poursuite, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait et en éludant la garantie qui en résulte, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
5 / que la consultation de la Commission bancaire devant être utile, donc effectuée rapidement après la saisine du Conseil de la concurrence, la cour d'appel ne pouvait déclarer régulière une demande d'observations envoyée à la Commission bancaire cinq ans après la saisine du Conseil, sans violer l'article 16 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'aucune disposition de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors applicable n'imposait au Conseil de motiver la décision par laquelle il estimait devoir se saisir d'office ; qu'ayant relevé qu'à ce stade aucun fait ne pouvait être qualifié ni aucune pratique anticoncurrentielle imputée à quiconque, la cour d'appel, qui en a déduit que cette décision n'avait pas à être motivée faute d'entrer dans le champ d'application de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, a statué à bon droit ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que l'article 16 du décret du 29 décembre 1986 ne précise pas le moment auquel la saisine doit être communiquée à l'autorité administrative concernée, n'impose pas que l'avis de cette dernière soit sollicité dès le stade de la saisine du Conseil et qu'il suffit que cette disposition soit mise en oeuvre dans des conditions compatibles avec le respect du caractère contradictoire de la procédure devant le Conseil, la cour d'appel, qui observe que le Conseil a estimé, en l'espèce, qu'il convenait de transmettre outre l'acte de la saisine dont il avait pris l'initiative, la notification des griefs, document propre à favoriser l'émission d'un avis éclairé par cette autorité, et qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense en procédant à cette formalité le 27 novembre 1998 dès lors que celle-ci a été accomplie avant la notification du rapport, a statué à bon droit ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi du Crédit lyonnais, pris en ses deux branches, et le quatrième moyen du pourvoi de la société BNP-Paribas, réunis :
Attendu que le Crédit lyonnais et la société BNP-Paribas font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours, et d'avoir considéré qu'aucune nullité ne pouvait résulter du défaut de notification du rapport au ministre de l'économie et des finances et au ministre chargé de la Consommation, alors, selon le moyen :
1 / que le rapport doit être notifié aux ministres intéressés et que cette notification n'est pas une faculté laissée à la discrétion du président du Conseil de la concurrence ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 463-2 du Code de commerce ;
2 / que le rapport doit être notifié aux ministres intéressés, c'est à dire ceux qui sont intervenus à un quelconque moment pour apprécier, favoriser ou condamner les pratiques d'ententes examinées par le Conseil ou ceux qui sont chargés de prendre les mesures d'exécution d'un texte directement applicable aux pratiques en cause ou à leur qualification ; que la question des taux d'intérêt et de la renégociation des emprunts immobiliers relève de la mission du ministre de l'Economie et des Finances et de celui chargé de la Consommation et que l'avis de ces derniers ou la fourniture d'éléments d'information qu'ils seraient seuls à détenir ne sont pas nécessaires à l'appréciation de la licéité ou de l'effet des pratiques litigieuses, la cour d'appel a violé l'article L. 463-2 du Code de commerce ;
3 / qu'en prétendant apprécier l'opportunité d'une notification du rapport au ministre de l'Economie, quand la loi impose la notification du rapport aux ministres intéressés et que le ministre de l'Economie est nécessairement intéressé au regard de la mise en oeuvre des textes relatifs à la concurrence, la cour d'appel a violé l'article L. 463-2 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant observé que les pratiques anticoncurrentielles imputées aux personnes morales de droit privé en cause n'ont pas à être examinées au regard de textes dont la mise en oeuvre relèverait de la mission propre du ministre chargé de l'Economie ou de celui chargé de la Consommation, faisant ainsi ressortir que les pratiques n'avaient pas à être appréciées au regard de textes, autres que ceux des articles L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce, ayant une incidence directe ou indirecte sur leur licéité, la cour d'appel en a justement déduit que le rapport n'avait pas à leur être notifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi de la société BNP-Paribas :
Attendu que la société BNP-Paribas fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'elle avait reproché au Conseil de s'être fondé sur des courriers de consommateurs non mentionnés dans la notification des griefs, sur lesquels les entreprises poursuivies n'avaient pas été en mesure de présenter des commentaires ; qu'en ne recherchant pas si le contenu de la notification des griefs avait permis le respect de la contradiction et de l'égalité des armes, et en retenant seulement que les documents concernés avaient figuré ou été cités dans des documents annexés au rapport, dans le rapport lui-même et dans le dossier ouvert à la consultation des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles L. 464-1 et L. 463-2 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 463-2 du Code de commerce, le rapport "est accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur" et les parties ont un délai de deux mois pour présenter un mémoire en réponse ; que l'arrêt constate que la teneur des lettres ou déclarations de consommateurs visée dans la décision déférée est analysée dans le corps du rapport d'enquête lequel en reproduit les passages essentiels et que ces documents sont annexés au rapport d'enquête ; que l'arrêt observe en outre que le dossier ouvert à la consultation des parties destinées à la notification des griefs comportait le rapport d'enquête et ses annexes ; que l'arrêt relève encore que l'une des entreprises mises en cause a fait état des documents en cause dans ses observations à la notification des griefs ; que l'arrêt remarque aussi que le rapport fait référence aux documents en cause dans son analyse des observations de certaines entreprises ; que l'arrêt relève enfin que le rapport d'enquête et ses annexes ont bien été annexés au rapport visé au texte précité ; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que les documents retenus à la charge des entreprises avaient été soumis à la contradiction et qu'elles avaient été en mesure de les discuter, dès la notification des griefs et après la notification du rapport, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen, pris en ses trois branches du pourvoi de la société BNP-Paribas :
Attendu que la société BNP-Paribas fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / qu'en retenant que la présence conjointe d'un véritable officier de police judiciaire suffisait à rendre régulière la partie des opérations de visite et de saisie effectuée sous le contrôle d'un fonctionnaire n'ayant pas cette qualité, la cour d'appel a violé l'article L. 450-4 du Code de commerce ;
2 / que des pièces saisies en vertu d'une ordonnance annulée ne peuvent régulièrement figurer à la procédure, et en conséquence tous les actes de la procédure fondée sur ces pièces doivent être annulés, sans nécessité de la preuve d'un grief causé aux personnes poursuivies ; qu'en s'appuyant sur la considération inopérante de la supposée absence de grief, pour refuser de rechercher si les documents irrégulièrement saisis n'avaient pas contribué à fonder les actes de la procédure antérieure au jugement, tels que la notification des griefs et le rapport, et si ces actes ne devaient pas être annulés, la cour d'appel a violé les articles L. 450-1, L. 450-4 et L. 463-2 du Code de commerce ;
3 / subsidiairement, qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitait la société BNP-Paribas, si les pièces irrégulièrement saisies n'avaient pas exercé une influence déterminante sur la conviction du rapporteur, la notification des griefs et la procédure subséquente, et s'il n'était pas dès lors insuffisant d'écarter ces pièces des seuls débats au fond, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 450-1, L. 450-4 et L. 463-2 du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate que, par ordonnance du 22 mai 1995, le président du tribunal de grande instance de Chambéry a autorisé des agents de la DGCCRF en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et des saisies de documents dans les locaux de neuf sociétés bancaires à douze adresses distinctes dont trois dans son ressort et que le président du tribunal de grande instance de Rodez saisi sur commission rogatoire a désigné deux officiers de police judiciaire pour assister aux opérations de visite et de saisie dans les lieux situés dans son ressort en application de ce même texte selon lequel un ou plusieurs officiers de police judiciaire sont désignés par le juge pour assister aux opérations ; que l'arrêt constate que l'ordonnance du 13 juin 1995 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Rodez avait désigné deux fonctionnaires en qualité d'officiers de police judiciaire a été annulée selon arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 10 février 1998 seulement en ce qu'elle avait désigné l'un de ces deux fonctionnaires ; que l'arrêt, qui en déduit que cette ordonnance est devenue irrévocable en sa disposition portant désignation du second de ces fonctionnaires, lequel, selon les énonciations du procès-verbal de visite et de saisie en date du 15 juin 1995 a assisté aux opérations que celui-ci relate, et qui en déduit que la régularité des opérations de visite et de saisie n'est pas atteinte, a, dès lors qu'il n'est pas contesté que les opérations en cause étaient effectuées par les enquêteurs désignés par le président du tribunal de grande instance de Chambéry, statué à bon droit ;
Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel ayant écarté, par des motifs vainement critiqués par la première branche du moyen, le caractère irrégulier des pièces saisies, le moyen, en sa deuxième branche, manque par le fait qui lui sert de base et critique, en sa troisième branche des motifs surabondants ;
Qu'il suit de là qu'inopérant en sa troisième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches du pourvoi du Crédit agricole :
Attendu que le Crédit agricole fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, selon le moyen :
1 / que la participation à une entente nécessite le consentement de celui qui est accusé d'y avoir trempé ; qu'en relevant, pour justifier que la CNCA a participé à l'entente que plusieurs établissements de crédit ont formé pour limiter la concurrence sur le marché de la renégociation des prêts immobiliers, que le réseau du Crédit agricole a appliqué, à l'instigation de la CNCA, la même politique relativement à la renégociation des prêts immobiliers, sans justifier que la CNCA a consenti, explicitement ou tacitement, à l'entente formée par les autres établissements de crédit poursuivis, la cour d'appel, qui relève qu'il appartenait à la CNCA de définir, au sein du réseau du Crédit agricole, la politique à suivre en matière de renégociation des prêts immobiliers, a violé l'article L. 420-1 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, ensemble l'article préliminaire, paragraphe III, alinéa 1er, du Code de procédure pénale ;
2 / que le parallélisme des comportements ne constitue pas, par lui-même, l'entente ; qu'en relevant, pour justifier que la CNCA a participé à l'entente que plusieurs établissements de crédit ont formé pour limiter la concurrence sur le marché de la renégociation des prêts immobiliers, que la politique que, conformément à sa mission, elle a fait prévaloir au sein du réseau du Crédit agricole, visait, comme celui de l'entente formée par les autres établissements de crédit poursuivis, à "préserver le plus possible les encours de crédits à taux élevé", la cour d'appel, qui ne fait état d'aucun autre indice que le parallélisme des comportements, et qui méconnaît que tout banquier a, pour augmenter la rentabilité de son fonds de commerce, avantage à "préserver le plus possible les encours de crédits à taux élevé", a violé l'article L. 420-1 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, ensemble l'article préliminaire, paragraphe III, alinéa 1er, du Code de procédure pénale ;
Mais attendu que l'arrêt énonce justement que l'existence d'une entente peut être établie dès lors que des éléments autres que la constatation du seul parallélisme de comportements s'ajoutent à celui-ci pour constituer avec lui un faisceau d'indices graves, précis et concordants ; que l'arrêt relève sept catégories d'indices de cette nature et constate qu'ils s'ajoutent à la similitude des politiques commerciales de réseaux en cause ; qu'ayant déduit des indices pertinents qu'elle cite et dont elle a souverainement apprécié la force probante qu'il était établi que l'entente fonctionnait au niveau national et avec la participation active de la Caisse nationale de Crédit agricole, la cour d'appel, qui observe encore qu'il lui appartenait de définir la politique à suivre en matière de renégociation des prêts immobiliers et constate que des instructions lui étaient demandées sur ce point par les caisses régionales, a caractérisé le consentement de la Caisse nationale de Crédit agricole à l'entente dénoncée, abstraction faite des motifs inopérants, mais surabondants, critiqués par la seconde branche du moyen ; qu'inopérant en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches du pourvoi de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes :
Attendu que la Caisse d'épargne des Alpes fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à une sanction de 8 000 000 de francs ainsi qu'à la publication du dispositif, alors, selon le moyen :
1 / que l'entente suppose à l'existence d'un contact, d'un rapprochement, d'un dialogue entre les protagonistes ; que si les juges du fond ont constaté en l'espèce que la Caisse d'épargne des Alpes connaissait l'existence d'un pacte de non-agression, ils n'ont en revanche constaté à aucun moment l'existence d'un contact, d'un rapprochement ou d'un dialogue entre la Caisse d'épargne des Alpes et les autres entités auxquelles ils ont imputé l'entente ; qu'en retenant l'existence d'une entente à l'encontre de la Caisse d'épargne des Alpes dans de telles conditions, les juges du fond ont violé l'article L. 420-1 du Code du commerce ;
2 / qu'en faisant état de la nécessité qu'il y avait à respecter les consignes ou de résister au maximum aux demandes de réaménagement de la clientèle, ou bien encore de la nécessité de se tenir prêt à réagir au cas où il y aurait rupture des accords interbanques, et en évoquant le rappel du bon fonctionnement du pacte de non-agression, les juges du fond ont peut-être attesté de la connaissance par la Caisse d'épargne des Alpes d'un pacte de non-agression et de la volonté de le prendre unilatéralement en compte, mais ils n'ont pas mis en évidence, au moyen d'indices graves, précis et concordants comme l'exige la jurisprudence, la participation concertée au pacte de non-agression ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;
3 / que faute d'avoir évoqué, fût-ce incidemment, les multiples éléments dont se prévalait la Caisse d'épargne des Alpes pour démontrer qu'elle n'avait pas adhéré à l'entente, les juges du fond ont, en tout état de cause, privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 420-1 (du Code de commerce) ;
4 / qu'en passant totalement sous silence les multiples éléments à décharge qu'invoquait la Caisse d'épargne des Alpes à l'effet de démontrer qu'elle n'avait pas adhéré à l'entente, pour n'examiner que les éléments à charge produits par la partie poursuivante, les juges du fond ont de surcroît méconnu le droit au procès équitable tel qu'il est garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt énonce justement que l'existence d'une entente peut être établie dès lors que des éléments autres que la constatation du seul parallélisme de comportements s'ajoutent à celui-ci pour constituer avec lui un faisceau d'indices graves, précis et concordants ; que l'arrêt relève sept catégories d'indices de cette nature et constate qu'ils s'ajoutent à la similitude des politiques commerciales de réseaux en cause ; qu'ayant déduit des indices pertinents qu'elle cite et dont elle a souverainement apprécié la force probante, qu'était établie non seulement la connaissance qu'avait la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes du pacte de non-agression mais encore l'adhésion de celle-ci au pacte de non-agression ainsi que sa mise en oeuvre par cet établissement, la cour d'appel qui a examiné le moyen de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes tiré de ce qu'il n'était pas démontré qu'elle aurait acquiescé à l'entente alléguée et qu'elle n'avait fait qu'adopter unilatéralement un comportement de défense, sans s'interdire de mener dans le même temps une politique concurrentielle autonome, a caractérisé le consentement de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes à une entente prohibée et justifié légalement sa décision, sans encourir le grief de la quatrième branche du moyen ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le cinquième moyen, pris en ses trois branches du pourvoi de la CNCEP :
Attendu que la CNCEP fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à e une sanction de 70 000 000 de francs ainsi qu'à la publication du dispositif, alors, selon le moyen :
1 / que l'entente suppose à l'existence d'un contact, d'un rapprochement, d'un dialogue entre les protagonistes ; qu'en l'espèce, si les juges du fond ont constaté un parallélisme de comportements, tout au plus la volonté unilatérale du CENCEP de se conformer à une politique similaire à celle résultant de l'entente, à aucun moment, ils n'ont relevé l'existence d'un contact, d'un rapprochement ou d'un dialogue entre le CENCEP et les autres entités auxquelles ils ont imputé l'entente ; qu'en retenant l'existence d'une entente à l'encontre du CENCEP dans de telles conditions, les juges du fond ont violé l'article L. 420-1 du Code du commerce ;
2 / que faute d'avoir évoqué, fût-ce incidemment, les multiples éléments dont se prévalait le CENCEP à l'effet de démontrer que ni le CENCEP, ni le réseau n'avait pas adhéré à l'entente, les juges du fond ont, en tout état de cause, privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 420-1 (du Code de commerce) ;
3 / qu'en passant totalement sous silence les éléments multiples qu'invoquait le CENCEP à l'effet de démontrer que ni le CENCEP, ni le réseau n'avaient adhéré à l'entente, pour n'examiner que les éléments à charge produits par la partie poursuivante, les juges du fond ont de surcroît méconnu le droit au procès équitable tel qu'il est garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que se fondant sur différents indices pertinents qu'il cite, l'arrêt en déduit que le CENCEP, allant au-delà de ce qu'impliquaient l'organisation du réseau décentralisé des caisses d'épargne et son rôle d'organe central de ce réseau, a manifesté son adhésion à la concertation tant par la formulation de recommandations circonstanciées qui allaient, sans le dire formellement, dans le sens du pacte de non-agression que par son implication dans le dispositif de surveillance du respect de l'accord par les autres réseaux ; qu'en l'état de ces appréciations, dont il ressort que le comportement du CENCEP caractérisait non pas seulement son alignement sur les pratiques commerciales mises en oeuvre par ses concurrents mais son consentement au processus concerté dont il avait connaissance, la cour d'appel, qui a examiné le moyen tiré de ce qu'il n'était pas démontré que le CENCEP aurait acquiescé à l'entente alléguée et qu'il n'avait fait qu'adopter unilatéralement un comportement de défense, sans s'interdire de mener dans le même temps une politique concurrentielle autonome, a caractérisé la participation du CENCEP à une entente prohibée et justifié légalement sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le sixième moyen, pris en sa première branche du pourvoi de la CNCEP, le quatrième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes rédigés dans les mêmes termes, le troisième moyen, pris en sa première branche du pourvoi de la Société générale, le quatrième moyen du pourvoi du Crédit agricole, réunis :
Attendu que la CNCEP, la Société générale et le Crédit agricole font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours, alors, selon le moyen :
1 / qu'en se fondant sur plusieurs définitions du marché concerné, au stade de la délimitation du marché de référence : "marché national du crédit immobilier aux particuliers", ensuite au stade de la délimitation de l'effet de l'entente : "marché des crédits immobiliers éligibles à la renégociation", enfin au stade de l'appréciation portée sur le dommage à l'économie : "part sensible des participants à l'entente au marché des crédits immobiliers éligibles à une renégociation", les juges du fond n'ont pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, notamment au regard du principe de proportionnalité, et privé leur décision de base légale au regard des articles L. 464-2 du Code de commerce, et 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;
2 / que selon l'arrêt attaqué "il n'existe pas de marché distinct des prêts destinés au remboursement anticipé des emprunts immobiliers, précédemment contractés et que le marché pertinent est bien le marché du crédit immobilier aux particuliers, qui est de l'ordre de 1 500 milliards de francs ; que cependant lorsqu'elle examine les effets de l'entente sur le "marché de référence, la cour d'appel se borne à effectuer un rapprochement du montant des crédits immobiliers éligibles à la renégociation avec celui des renégociations qui ont effectivement eu lieu, tant interne qu'externes (soit 67 milliards de francs auquel il faut ajouter 28,2 milliards de remboursement anticipés), chiffre dont elle déduit l'encours concernant les participants à l'entente (400 milliards) et la part des renégociations effectuées par ces derniers (60 milliards) ; qu'en se déterminant ainsi par référence à des donnés fluctuantes et en tout cas étrangères à celles du "marché pertinent" qu'elle avait elle-même défini, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la gravité du dommage à l'économie et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 420-1 du Code de commerce et L. 464-2 du Code de commerce ;
3 / que les sanctions pécuniaires qui sont prononcées en matière d'entente, sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage à l'économie et à la situation de l'entreprise sanctionnée ; que la gravité des faits constitutifs d'une entente et l'importance du dommage que cette entente cause à l'économie dépendent du volume du marché pertinent ; que la cour d'appel définit d'abord, le marché pertinent de l'espèce comme étant celui du "crédit immobilier aux particuliers" (1 566 000 000 000 F en 1993), puis le définit comme étant celui des "crédits immobiliers éligibles" à la renégociation", lequel constituerait, seul, l'encours sensible, représenté, pour l'essentiel, par les prêts immobiliers du secteur libre et les prêts réglementés, hors prêts d'épargne logement" (600 000 000 000 F en 1993) ; qu'en l'état de l'incertitude subsistant sur le marché pertinent considéré, elle a placé la Cour de cassation dans l'incapacité d'exercer son contrôle sur la façon dont elle a appliqué le principe de proportionnalité, et a, par conséquent, violé l'article L. 464-2-1, alinéa 3, du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la demande porte sur le financement de l'acquisition, la construction ou la restauration d'un bien immobilier et que, en période de forte baisse des taux d'intérêts, il peut être alternativement répondu au besoin d'adaptation du financement en cours lié à une telle évolution par la conclusion, auprès d'un autre distributeur de crédit, d'un nouveau contrat de prêt destiné au remboursement anticipé du prêt initial ou par le réaménagement du prêt d'origine par la banque prêteuse ; que l'arrêt relève que dans le cas où il est recouru à la souscription d'un emprunt substitutif, ce prêt est intégré sans distinction aucune dans la production de nouveaux crédits immobiliers à l'habitat ; que l'arrêt observe encore que la renégociation des prêts immobiliers ne fait pas partie des prestations habituellement proposées à leurs clients par les établissements de crédit offrant de tels prêts ; que l'arrêt en déduit qu'il n'existe pas de marché des prêts destinés au remboursement anticipé des emprunts immobiliers précédemment contractés et que le marché pertinent est celui du marché du crédit immobilier aux particuliers ; que pour apprécier l'effet de l'entente, l'arrêt opère un rapprochement entre le montant des crédits immobiliers éligibles à la renégociation en 1993 avec celui des renégociations qui ont effectivement eu lieu au cours de la période considérée ; qu'en l'état de ces appréciations relatives aux caractéristiques du service demandé et de l'offre élaborée pour y répondre permettant la délimitation du marché pertinent, et de ces constatations qui déterminent la part de la demande que les pratiques litigieuses avaient pour objet de ne pas satisfaire ainsi que le volume de l'offre qui a néanmoins répondu à cette demande, la cour d'appel, qui a exactement recherché quelle était la part du marché pertinent qui avait été affectée par les pratiques en cause, pour déterminer la gravité des faits et du dommage causé à l'économie, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen du pourvoi du Crédit lyonnais, pris en sa première branche, le sixième moyen, pris en sa cinquième branche du pourvoi de la CNCEP, le quatrième moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes, le sixième moyen du pourvoi de la société BNP-Paribas, réunis :
Attendu que le Crédit lyonnais, la CNCEP, la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes et la société BNP-Paribas font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que les sanctions pécuniaires infligées à une entreprise qui a méconnu les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce doivent être proportionnées à l'importance du dommage causé à l'économie du marché de référence et que les juges du fond doivent notamment se livrer à un examen concret des éléments qui permettent d'apprécier cette proportionnalité ; que le Crédit lyonnais faisait valoir que les pratiques incriminées n'avaient causé aucun dommage à l'économie car elles n'avaient pas empêché les titulaires de prêts immobiliers de renégocier ou de réaménager leurs prêts lorsqu'ils en faisaient la demande, insistait sur la faiblesse ou le caractère trompeur des éléments chiffrés retenus par le Conseil de la concurrence et sur le fait que rien n'indiquait que le marché de la renégociation n'avait pas fonctionné correctement compte tenu de la passivité de nombreux clients et de la résistance normalement opposée par des banques soucieuses de leur intérêt ; qu'en se bornant de manière générale et impersonnelle à retenir que la réalité du dommage causé à l'économie sur le marché de référence résultait suffisamment des constatations précédentes, relatives aux effets de l'entente, et notamment des chiffres précédemment cités quant au montant des encours potentiellement renégociables, lesquels donnaient un ordre de grandeur de l'assiette du dommage à l'économie et quant à celui des renégociations tant externes qu'internes et que l'entrave apportée au jeu de la concurrence, ayant pour conséquence d'affaiblir la position des clients sollicitant le réaménagement de leur dette par l'établissement prêteur d'origine, avait nécessairement eu un impact significatif, même s'il est impossible de le mesurer, sur les conditions dans lesquelles ces réaménagements avaient eu lieu, la cour d'appel, qui ne s'est pas assurée concrètement que les chiffres retenus par le Conseil n'étaient pas le fruit de diverses extrapolations et supputations, qui n'a pas comparé la proportion des emprunts renégociés pendant la période concernée avec les proportions constatées pendant des périodes de baisse des taux et qui n'a pas recherché de manière précise quelle avait été l'influence d'un certain nombre de facteurs invoqués par les banques, de nature à expliquer la limitation des renégociations, indépendamment de toute pratique de concertation, n'a, à aucun moment caractérisé l'existence d'un dommage causé à l'économie, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
2 / que faute d'avoir recherché si les recommandations du CENCEP avaient été suivies d'effet, eu égard notamment à l'attitude particulièrement combative des Caisses d'épargne dénoncée par les banques, les juges du fond n'ont pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la motivation de la sanction envisagée sous l'angle du dommage à l'économie, de telle sorte que l'arrêt est, à cet égard encore, entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
3 / que faute d'avoir recherché et en toute hypothèse, faute de s'être expliqués sur l'incidence, dans l'aire d'activité de la Caisse d'épargne des Alpes, de la participation à l'entente qui lui a été imputée, les juges du fond n'ont pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la motivation de la sanction envisagée sous l'angle du dommage à l'économie, de telle sorte que l'arrêt est, à cet égard encore, entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
4 / que BNP-Paribas avait montré que l'impact prétendu de l'entente sur la clientèle n'était pas sérieusement évalué ; qu'en se bornant à des considérations générales sur la supposée volonté constante de la plupart des consommateurs de renégocier leurs emprunts, et à une comparaison générale et abstraite du volume des renégociations possibles et de celui des renégociations effectives, la cour d'appel n'a pas concrètement proportionné la sanction au dommage causé à l'économie, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que les données retenues par le Conseil pour apprécier le montant des crédits immobiliers éligibles à la renégociation constituent, au vu des pièces mises au débat, une estimation acceptable ; que l'arrêt constate que le Conseil a estimé le volume des renégociations en se fondant sur des études réalisées par un professeur d'économie ; que l'arrêt observe que les éléments invoqués par les requérantes ne conduisent pas la cour à regarder ces données comme dépourvues de pertinence ; que l'arrêt observe qu'un certain nombre de facteurs, qu'il cite, étaient de nature à influer dans le sens de la limitation, sur le montant des renégociations indépendamment de toute pratique de concertation et de coordination ; que l'arrêt estime néanmoins que le profit retiré par les emprunteurs apparaît être demeuré en deçà du niveau qu'il aurait dû atteindre selon le cours normal des choses dans un contexte qui leur était favorable tant sur le plan juridique par suite du plafonnement de l'indemnité de remboursement anticipé qu'à raison de la forte médiatisation pendant la période considérée du thème de la renégociation des crédits immobiliers ; que l'arrêt relève encore que le Conseil a observé que le logement constitue l'investissement en valeur le plus important des ménages ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a ainsi contrôlé la pertinence des données retenues par le Conseil pour caractériser le dommage causé à l'économie, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant caractérisé, par des motifs vainement critiqués par le troisième moyen du pourvoi de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes et par le cinquième moyen du pourvoi de la CNCEP, la participation de ces établissements à l'entente anti-concurrentielle, et dès lors que celle-ci est à l'origine du dommage causé à l'économie, quel que soit le degré d'implication de chacun des participants à l'entente, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par les deuxième et troisième branches du moyen, a légalement justifié sa décision ;
Qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi formé par le Crédit lyonnais :
Attendu que le Crédit lyonnais fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les sanctions pécuniaires infligées par le Conseil de la concurrence doivent être déterminées individuellement pour chaque entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chaque sanction en fonction de la situation de l'entreprise sanctionnée ; que le Crédit lyonnais faisait valoir qu'à supposer qu'un dommage à l'économie ait pu se produire du fait de l'entente alléguée à laquelle il aurait participé, sa contribution à ce dommage était très faible et que la situation critique dans laquelle il s'était trouvé en 1993 et 1994 lui avait interdit de chercher à racheter des crédits de clients de ses concurrents à des taux décotés et l'avait poussé à conserver les prêts en place de ses meilleurs clients ; qu'en se bornant à affirmer qu'il avait été tenu compte, pour la fixation des sanctions, du pouvoir de chacun des réseaux concernés sur le marché du crédit immobilier aux particuliers et donc de la situation qui était celle du Crédit lyonnais à l'époque des faits et qu'en l'état de l'ensemble des éléments d'appréciation généraux et individuels indiqués, les sanctions pécuniaires, respectivement infligées aux requérantes apparaissent proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation des entreprises et organismes sanctionnés, au regard, notamment, de leur position sur le marché considéré et de leurs facultés contributives, sans faire référence concrètement aux éléments permettant de justifier de la proportionnalité des sanctions prononcées à la situation de l'entreprise sanctionnée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
Mais attendu que répondant au moyen du recours du Crédit lyonnais selon lequel sa situation à l'époque des faits lui interdisait de racheter des crédits de clients de ses concurrents à des taux décotés et l'avait poussé à conserver les prêts en place de ses meilleurs clients et que sa contribution au dommage causé à l'économie était faible, la cour d'appel, a retenu que contrairement à ce qu'allègue le Crédit lyonnais, il a été tenu compte pour la fixation des sanctions du pouvoir de chacun des réseaux concernés sur le marché du crédit immobilier aux particuliers et donc de la situation qui était la sienne à l'époque des faits, faisant ainsi ressortir que la sanction infligée au Crédit lyonnais avait tenu compte de la part qu'il avait prise dans l'entente en cause au regard de sa position sur le marché ; qu'en l'état de ces appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches du pourvoi de la Société générale :
Attendu que la Société générale fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / qu'en admettant que le dommage causé à l'économie doive être apprécié par rapport à l'encours des crédits potentiellement renégociables, ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce qui impose que la sanction pécuniaire soit proportionnée au dommage causé à l'économie, la cour d'appel qui, pour justifier la condamnation de la Société générale à une "amende record" (250 millions de francs), se borne à rappeler l'infraction elle-même et à reprocher à cet établissement d'avoir essentiellement procédé à des "réaménagements internes" sans aucunement s'expliquer sur ses conclusions qui faisaient ressortir que, outre la renégociation à hauteur de 57 % de son propre encours éligible, elle aurait "racheté" à la concurrence 950 millions de francs de crédits immobiliers et que l'ensemble de ces opérations avait été conclu au prix du marché, ce qui excluait par là-même que les pratiques qui lui étaient imputées aient eu un effet sur les taux et aient porté une atteinte grave à l'intérêt des consommateurs ;
2 / qu'en vertu de l'article L. 464-2 du Code de commerce toute sanction doit être prononcée de manière individualisée pour chaque entreprise et de manière motivée pour chaque sanction ; que viole ce texte l'arrêt qui maintient la sanction pécuniaire de 250 millions de francs sans fournir aucun motif et en se référant par conséquent à la seule affirmation du Conseil de la concurrence selon laquelle ladite sanction avait été prononcée "en fonction des éléments généraux et individuels" ;
3 / que la cour d'appel qui, après avoir relevé que la Société générale ne détenait qu'une faible part de marché et qu'elle a cependant procédé à plus de 14 milliards de francs de renégociations, sur un montant global de 60 milliards de francs pour les opérations de même nature opérées par l'ensemble des participants à la prétendue entente, ne justifie pas légalement la détermination individuelle de la sanction prononcée contre la Société générale, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2, alinéa 3, du Code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt relève que selon les termes d'une instruction du 23 juillet 1996, émanant de la direction de la Société générale, il était impératif pour répondre à la demande de rénégociation de "rechercher une proposition limitant l'ampleur de la baisse de taux consentie" et estime qu'à les supposer exacts, les chiffres invoqués par la Société générale, sur le montant des renégociations auxquelles elle a procédé, font ressortir que cette banque a essentiellement procédé à des réaménagements internes et que l'action concertée visait précisément à prévenir l'immixtion de concurrents dans le processus de renégociation ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui s'est ainsi expliquée sur les données fournies par la Société générale, les a jugées impropres à établir l'absence alléguée d'effet sur l'économie, et a écarté le grief pris de ce que la sanction prononcée contre la Société générale reposait sur une mauvaise appréciation de sa contribution réelle au fonctionnement de l'entente retenue, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi formé par la société Crédit agricole :
Attendu que la société Crédit agricole SA fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que les sanctions pécuniaires qui sont prononcées en matière d'entente, sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise sanctionnée ; qu'il s'ensuit que le juge du fond doit justifier que la sanction pécuniaire qu'il applique à chaque entreprise ayant participé à l'entente est proportionnée non seulement à la gravité des faits qu'elle a personnellement commis, mais aussi à l'importance du dommage qu'elle a personnellement causé à l'économie ; qu'en prononçant à l'encontre de la CNCA une sanction pécuniaire plus lourde que celles qu'elle a prononcées à l'encontre des autres établissements de crédit ayant participé à l'entente qu'elle constate, quand, sans mieux s'en expliquer, elle reconnaît elle-même que la CNCA, à cause de l'indépendance des membres de son réseau mutualiste par rapport à elle, a commis une contravention au principe de la libre concurrence moins grave, et a causé à l'économie un dommage moins important, que la contravention qu'ont commise les établissements de crédit à réseau centralisé qui ont participé à l'entente, et que le tort que ces mêmes établissements ont causé à l'économie, la cour d'appel, qui ne justifie pas avoir proportionné la sanction qu'elle a prononcé à l'encontre de la CNCA à sa situation particulière, a violé l'article L. 464-2-I, alinéa 3, du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 ;
2 / que les sanctions pécuniaires qui sont prononcées en matière d'entente, sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise sanctionnée ; qu'en retenant, pour justifier le taux de la sanction pécuniaire qu'elle a prononcé la CNCA, que, si la contravention qu'elle a commise au principe de la libre concurrence et le dommage que son réseau a causé à l'économie sont moindres que la contravention commise, et le dommage causé, par les réseaux centralisés, cette circonstance n'est pas propre à atténuer sa responsabilité, puisqu'elle a manifesté sa volonté de participer à l'entente qu'elle constate, la cour d'appel, qui a déduit un motif inopérant, a violé l'article L. 464-2-I, alinéa 3, du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2001 420 du 15 mai 2001 ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas constaté que les faits relevés à l'encontre de la Caisse nationale de Crédit agricole étaient moins graves que ceux imputés aux autres opérateurs impliqués mais a seulement relevé que la structure des réseaux tels que celui du Crédit agricole expliquait que le comportement des caisses régionales membres de ce réseau a été hétérogène et a permis le maintien d'une certaine concurrence, ce dont elle a déduit que cette situation n'était pas de nature à atténuer la responsabilité propre des organes centraux tels que la Caisse nationale de Crédit agricole ayant manifesté leur volonté d'adhérer à l'entente ; qu'il en résulte que le grief manque par le fait qui lui sert de base ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant caractérisé l'existence du dommage à l'économie, par des motifs vainement critiqués par le troisième moyen du pourvoi formé par le Crédit lyonnais, pris en sa première branche, et le sixième moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi formé par la CNCEP, la cour d'appel, qui a estimé que la sanction de cet établissement tenait compte de la gravité des faits qui lui ont été imputés, du dommage à l'économie causé par la pratique à laquelle il a participé, et de la situation tenant à sa position sur le marché considéré et de ses facultés contributives, a exercé le contrôle qui lui incombe et a pu statuer comme elle a fait ;
Qu'il suit de là qu'inopérant en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi formé par la CNCEP :
Attendu que la CNCEP fait grief à l'arrêt d'avoir admis la recevabilité des poursuites, y compris en tant qu'elles étaient dirigées contre elle, ensemble prononcé des sanctions pécuniaires à son encontre, alors, selon le moyen :
1 / que les sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence revêtent un caractère pénal ; que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en décidant néanmoins que la CNCEP, constituée en application d'une loi du 25 juin 1999, devait répondre de pratiques imputées au CENCEP s'étant déroulées plus de six ans auparavant, au motif inopérant que les biens, droits et obligations du CNCEP s'étaient trouvées transférées à la CNCEP, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 464-2 du Code de commerce et, par refus d'application, le principe de la personnalité des délits et des peines et l'article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2 / que (subsidiairement), si même il fallait considérer, en matière de concurrence, que l'entreprise doit être appréhendée dans sa continuité, indépendamment des personnes morales qui se sont succédées dans le temps pour son exploitation, cette règle ne pourrait trouver à s'appliquer, en tout état de cause, qu'en cas de dissolution volontaire de la personne sujette à poursuites, étant souligné que la dissolution du CENCEP et la création corrélative de la CNCEP procèdent au contraire directement de la loi ; qu'il s'ensuit que l'arrêt a de toute façon violé l'article L. 464-2 du Code de commerce et, par refus d'application, le principe de la personnalité des délits et des peines et l'article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que les sanctions prévues à l'article L. 464-2 du Code de commerce sont applicables aux entreprises auteurs des pratiques anticoncurrentielles prohibées, et que lorsque entre le moment où les pratiques ont été mises en oeuvre et le moment où l'entreprise a cessé d'exister juridiquement, les pratiques sont imputées à la personne morale à laquelle l'entreprise a été juridiquement transmise, et, à défaut d'une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle, et dès lors qu'il est sans conséquence que cette transmission ait été le fait de la loi, la cour d'appel, qui constate que les biens et obligations du CENCEP ont été transférés à la CNCEP qui a repris son activité et à laquelle appartiennent désormais les éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction, en a justement déduit que la CNCEP devait répondre des pratiques du CENCEP ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le sixième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, du pourvoi de la CNCEP et le quatrième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, du pourvoi de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes rédigés dans les mêmes termes, réunis :
Attendu que la CNCEP et la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que la sanction prononcée à l'encontre de la CNCEP et de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes n'a pas été assise sur le chiffre d'affaires comme l'impose le texte ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article L. 464-2 du Code de commerce, ensemble l'article 14 du décret n° 86 1309 du 29 décembre 1986 ;
2 / que les juges du fond ont assis la sanction sur "le produit brut bancaire" sans préciser les raisons permettant, nonobstant le principe de l'interprétation stricte des dispositions pénales, de le substituer au chiffre d'affaires seul visé par les textes ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué est en tout état de cause dépourvu de base légale au regard des articles L. 464-2 du Code de commerce et 14 du décret n° 86 1309 du 29 décembre 1986 ;
3 / que statuant comme juge répressif, la cour d'appel a l'obligation de vérifier d'office, en levant tous les obstacles de droit et de fait qui surgissent, que l'assiette qu'elle retient pour déterminer le montant de la peine respecte les dispositions institutives des sanctions, peu important à cet égard l'attitude des parties ; qu'en s'abstenant de procéder à ces vérifications, à raison de l'attitude de la CNCEP et de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes, les juges du fond, qui n'ont pas satisfait aux règles gouvernant leur office, ont violé les articles L. 463-7, L. 464-2 et L. 464-7 du Code de commerce, 14 du décret n° 86 1309 du 29 décembre 1986 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le Conseil a précisé qu'il s'est référé au chiffre d'affaires du dernier exercice clos et que ce n'est que lorsque cette donnée faisait défaut pour les raisons qu'il indique, qu'il a pris en considération pour évaluer le montant maximal de la sanction pécuniaire encourue, le produit brut bancaire, lequel, constitué de la somme des postes de produits d'exploitation bancaire, représente l'activité économique des établissements de crédit ; que se référant ainsi aux motifs par lesquels le Conseil de la concurrence a relevé que, du fait des particularités comptables et fiscales qui leur sont propres, dans les liasses fiscales communiquées, la rubrique relative au chiffre d'affaires de certains établissements de crédit, soit n'est pas renseignée, soit contient des montants financiers très inférieurs au montant du chiffre d'affaires qu'ils mentionnent par ailleurs, l'arrêt constate que répondant aux demandes adressées par le rapporteur relatives au montant du chiffre d'affaires relatif à l'exercice clos le 31 décembre 1999, la CNCEP et la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes n'ont pas communiqué celui-ci, la rubrique correspondante de leur liasse fiscale n'étant pas remplie, mais ont indiqué avoir réalisé en France, au cours de l'exercice concerné un produit brut bancaire d'un certain montant ; que l'arrêt observe encore qu'il n'est ni établi, ni même allégué que les sanctions prononcées à l'encontre de la CNCEP et la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes excèdent la limite prévue par l'article L. 464-2 du Code de commerce ; qu'en l'état de ces constatations, faisant ressortir que le Conseil ne s'était référé à des éléments transmis par les établissements de crédit prenant en compte leurs spécificités comptables et fiscales qu'en l'absence de chiffre d'affaires communiqué, et dès lors qu'elle s'était assurée que les sanctions prononcées n'excédaient pas la limite légale, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le septième moyen de la société BNP-Paribas, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Paribas fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que la condamnation à publier, outre le dispositif d'une décision, sa "seconde partie", non identifiée de manière plus précise, équivalait à une sanction indéterminée, comme telle non conforme au principe de nécessité des peines, de sorte qu'en n'infirmant pas la décision sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
2 / qu'à supposer que le Conseil ait entendu n'imposer que la publication du dispositif de sa décision, lequel ne précisait pas la période au cours de laquelle les faits imputés à la personne poursuivie avaient été commis, la sanction était encore contraire au principe de nécessité des peines, comme de nature à donner aux lecteurs des journaux concernés la conviction de comportements illicites permanents et persistant à la date de la décision ; qu'en refusant d'infirmer, la cour d'appel a violé les mêmes textes ;
Mais attendu qu'en décidant d'ordonner la publication de la seconde partie de sa décision, laquelle était identifiable, et de son dispositif, le Conseil a prononcé une sanction déterminée ; que le moyen, en ses deux branches, manque par le fait qui lui sert de base ; qu'il ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société BNP-Paribas, la CNCEP, la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes, la Caisse régionale de Crédit agricole de Loire-Atlantique, la société Crédit agricole, le Crédit lyonnais et la Société générale aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société BNP-Paribas, de la CNCEP, de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes, la Caisse régionale de Crédit agricole de Loire-Atlantique et de la société Crédit agricole ;
Condamne la société BNP-Paribas, la CNCEP, la Caisse d'épargne et prévoyance des Alpes, la Caisse régionale de Crédit agricole de Loire-Atlantique, la société Crédit agricole, le Crédit lyonnais et la Société générale à payer au ministre chargé de l'Economie chacun la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quatre.