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23/06/2004 | FRANCE | N°01-11821

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 juin 2004, 01-11821


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 février 2001), qu'après la mise en liquidation judiciaire des sociétés Socodif et Smit, qui avaient été dirigées par Mme X..., le receveur des impôts a assigné cette dernière, afin qu'elle soit déclarée solidairement responsable du paiement de la dette due à sa caisse par ces sociétés ; que cette demande ayant été rejetée, le receveur a fait appel de la décision ;

Sur le premier moyen :


Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé l'ordonnance du premier juge, e...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 février 2001), qu'après la mise en liquidation judiciaire des sociétés Socodif et Smit, qui avaient été dirigées par Mme X..., le receveur des impôts a assigné cette dernière, afin qu'elle soit déclarée solidairement responsable du paiement de la dette due à sa caisse par ces sociétés ; que cette demande ayant été rejetée, le receveur a fait appel de la décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé l'ordonnance du premier juge, et de l'avoir condamnée à payer diverses sommes au receveur des impôts, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions, elle faisait valoir que la décision d'autorisation du "directeur des services fiscaux" dont se prévalait le receveur pour établir la régularité des poursuites au regard de l'instruction de la Direction générale des impôts 12-C-20-88 du 6 septembre 1988, outre qu'elle n'était pas datée, ne précisait pas davantage la qualité et la domiciliation de l'autorité signataire ; que dès lors, en ne s'expliquant que sur la date de l'acte, et en se contentant de se référer pour le surplus à "d'assez vagues griefs de forme, lesquels n'ont aucune sorte de fondement", la cour d'appel, qui n'a pas répondu au moyen précis dont elle était en réalité saisie, a donc violé les articles 4 et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, que l'autorisation produite aux débats montrant qu'elle a été signée par le directeur des services fiscaux, dont le nom est distinctement indiqué, ce qui permettait, en tant que de besoin, de vérifier tant la qualité de celui-ci que sa compétence territoriale, la cour d'appel, qui a, en outre, rappelé que la réalité de l'autorisation donnée n'était pas contestée, n'était pas tenue de répondre plus amplement aux conclusions invoquées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme X... fait également grief à l'arrêt de sa condamnation au paiement, alors, selon le moyen, que les dispositions de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ne sont applicables qu'aux personnes exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective d'une société ; que dès lors, en retenant sa responsabilité sans indiquer concrètement à quel titre cette dernière, qui le contestait, aurait exercé la direction effective des sociétés Socodif et Smit, et sans caractériser la responsabilité personnelle de cette dernière dans l'inobservation des obligations fiscales de ces sociétés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a rappelé que Mme X... était dirigeante des sociétés Socodif et Smit, ce qui n'était pas contesté, a retenu que, dès 1991, celle-ci avait sacrifié délibérément ses obligations fiscales relatives à une taxe qui avait pourtant été collectée, pour préserver la trésorerie de la société Socodif, ou prolonger l'existence de la société Smit, et qu'elle portait ainsi la responsabilité directe de l'accroissement du passif fiscal des sociétés, devenu irrécouvrable en raison de leur liquidation judiciaire ; qu'en l'état de ses constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que Mme X... fait encore grief à l'arrêt de sa condamnation au paiement, alors, selon le moyen, que la responsabilité du dirigeant n'est engagée par l'application de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales que s'il est établi que ses manquements à ses obligations fiscales sont la cause de l'impossibilité de recouvrement de l'impôt :

1 / que dès lors, en retenant la responsabilité de Mme X... pour avoir cessé de verser la TVA due pour plusieurs des premiers mois de 1993 sans répondre au moyen tiré de ce que la cessation des paiements des sociétés Socodif et Smit ayant été fixée au 1er janvier 1993, c'était l'impossibilité de payer cette dette qui se trouvait à l'origine des manquements aux obligations fiscales, et non l'inverse, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en s'abstenant de rechercher comme elle y était invitée si l'impossibilité de recouvrement de l'impôt ne procédait pas de la carence des organes de la procédure collective qui avaient omis de mettre en oeuvre les garanties du passif et responsabilités encourues par les cédants des trois sociétés rachetées, dont la situation avait entraîné l'assèchement des trésoreries des sociétés Socodif et Smit, la cour d'appel n'a pas donné à sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

3 / qu'en imputant à Mme X... des insuffisances de déclarations depuis 1990 et des défauts de paiement de TVA depuis janvier 1993 sans vérifier, en indiquant précisément les dates des diligences de l'Administration, si les délais séparant ces irrégularités des mesures prises pour rétablir l'Etat dans ses droits n'étaient pas au moins pour partie à l'origine de l'impossibilité de recouvrement, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui a constaté qu'en 1993, Mme X... avait pratiquement cessé d'honorer ses obligations fiscales, pourtant relatives à une taxe qu'elle avait collectée, en continuant de payer ses fournisseurs, a répondu, par là même, aux conclusions dont elle était saisie ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a relevé que les affirmations relatives à l'existence de créances qui n'auraient pas été recouvrées par le liquidateur n'étaient pas établies autrement que par les allégations de Mme X..., et qui a retenu que, sauf à démontrer qu'elle aurait antérieurement offert de céder de telles créances à l'administration fiscale, ses indications étaient sans incidence sur la procédure, n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise ;

Attendu, enfin, qu'il résulte des conclusions récapitulatives de Mme X... devant la cour d'appel, que la demanderesse, qui reconnaissait elle-même que l'administration avait mis en oeuvre un nombre substantiel d'actes formels destinés à lui permettre de sauvegarder le principe de ses créances en matière de TVA, et, qui ne dénonçait aucune carence de l'Administration à cet égard, critiquait uniquement le fait que celle-ci n'avait à aucun moment assuré auprès des organes de la procédure collective le suivi qui, selon elle, s'imposait ; que dès lors, la cour d'appel, qui a rappelé que la responsabilité de Mme X... ne pourrait être exclue que s'il était démontré que l'Administration avait laissé dépérir son recours normal contre la société, et qui a écarté cette hypothèse en relevant que l'administration avait délivré très rapidement des avis de mise en recouvrement, mais n'avait pu obtenir que des sommes modestes après avoir émis des avis à tiers détenteur, a ainsi légalement justifié sa décision sans avoir à préciser les dates des diligences de l'administration dont il avait été admis par Mme X... qu'elles n'étaient pas critiquables ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que Mme X... fait enfin grief à l'arrêt de sa condamnation au paiement, alors, selon le moyen, que lorsque les conditions qu'il prévoit se trouvent réunies, l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales permet seulement au juge de déclarer le dirigeant solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités dues par la société ; qu'en condamnant Mme X... à payer au receveur principal des sommes dues au titre de divers avis de mise en recouvrement émis contre les sociétés Socodif et Smit, la cour d'appel a violé ledit article ;

Mais attendu que la solidarité entre la société et son dirigeant résultant de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales oblige ceux-ci à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le paiement fait par un seul libère l'autre envers le créancier ; que dès lors, la cour d'appel, saisie sur le fondement de ce texte, dont elle a fait application, n'a pas méconnu les dispositions de celui-ci en condamnant Mme X... à payer diverses sommes au receveur principal des impôts au titre de la TVA due par les sociétés Socodif et Smit ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 01-11821
Date de la décision : 23/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Responsabilité des dirigeants - Dirigeant d'une société ou de tout autre groupement - Conditions - Inobservation grave et répétée des obligations fiscales rendant impossible le recouvrement de l'impôt - Vaines poursuites de la société par le Trésor Public - Nécessité.

1° Une cour d'appel, qui, après avoir rappelé que la responsabilité d'un dirigeant sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ne pourrait être exclue que s'il était démontré que l'Administration avait laissé dépérir son recours normal contre la société, a écarté cette hypothèse en relevant que l'Administration avait délivré très rapidement des avis de mise en recouvrement, mais n'avait pu obtenir que des sommes modestes après avoir émis des avis à tiers détenteurs, a ainsi légalement justifié sa décision, sans avoir à préciser les dates des diligences de l'Administration dont il avait été admis par le dirigeant qu'elles n'étaient pas critiquables.

2° IMPOTS ET TAXES - Responsabilité des dirigeants - Dirigeant d'une société ou de tout autre groupement - Conditions - Créances visées - Impositions et pénalités dues par la société.

2° La solidarité entre la société et son dirigeant résultant de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales oblige ceux-ci à une même chose de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le paiement fait par un seul libère l'autre envers le créancier. Dès lors, une cour d'appel saisie sur le fondement de ce texte, dont elle a fait application, n'a pas méconnu les dispositions de celui-ci en condamnant le dirigeant à payer diverses sommes au receveur des impôts au titre de la TVA due par la société.


Références :

Livres des procédures fiscales L267

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 01 février 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 jui. 2004, pourvoi n°01-11821, Bull. civ. 2004 IV N° 133 p. 147
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 IV N° 133 p. 147

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: Mme Gueguen.
Avocat(s) : la SCP Bachellier et Potier de la Varde, Me Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.11821
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