La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2004 | FRANCE | N°03-83255

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 juin 2004, 03-83255


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre co

rrectionnelle, en date du 22 mai 2003, qui, dans la procédure suivie contre lui pour frau...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 22 mai 2003, qui, dans la procédure suivie contre lui pour fraude ou fausse déclaration pour obtenir des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits, en demande et en défense ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée en défense :

Attendu qu'est recevable le pourvoi formé, sans le concours du liquidateur, par un prévenu placé en liquidation judiciaire contre l'arrêt qui, sur le seul appel de la partie civile, déclare constitués à son encontre les éléments d'une infraction pénale ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 365-1 du Code du travail, 1377 et suivants du Code civil, 35 du règlement des Assedic dans sa version applicable à l'époque des faits, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré l'Assedic des Pays de Loire bien fondée en sa constitution de partie civile, fixé à la somme de 38 729,77 euros, au principal, le montant du préjudice découlant directement pour l'Assedic de l'infraction de fausses déclarations en vue d'obtenir des prestations chômage indues caractérisées à l'encontre de Pierre X... ;

"aux motifs que, "dans sa demande d'allocations chômage datée du 16 avril 1997, Pierre X... a déclaré ne pas être inscrit au registre du commerce, ne pas être mandataire de société, que la demande comportait une déclaration sur l'honneur qu'il a signée ainsi que l'avertissement relatif aux sanctions prévues à l'article L. 365-1 du Code du travail et à l'article 80 1 et 2 du règlement de l'assurance chômage (en outre expressément détaillés) en cas de déclarations inexactes ; qu'il résulte des extraits K-BIS versés aux débats par l'appelante qu'au moment où il affirme par une déclaration claire "ne pas être mandataire de société", Pierre X... était : - jusqu'au 31 décembre 1998 ; gérant de la SARL Courot Industrie et ce depuis le 26 avril 1994 ; - gérant depuis le 19 avril 1994, jusqu'au 1er janvier 1999 de la SARL Finabois ; - gérant depuis le 5 décembre 1996 jusqu'au 21 décembre 1998, de la société Piscine Deco Jardin ; - gérant de la SCI "La Batiere" du 14 décembre 1994 au 31 décembre 1998 ; gérant de la SCI "De L'Ailette" du 20 février 1995 au 31 décembre 1998 ;

soit trois sociétés commerciales en exercice et deux SCI ; qu'il découle de ces observations que nonobstant les mentions explicites du formulaire qu'il a renseigné, Pierre X... a établi une fausse déclaration qu'il savait inexacte et qu'il n'a jamais spontanément rectifiée et qu'il a même reconnue comme telle dans ses lettres des 16 et 30 novembre 1999 et ce en vue de l'obtention de prestations chômage discutables ; que la discussion sur le point de savoir si Pierre X... aurait ou non pu prétendre à des prestations chômage n'a pas lieu d'être examinée, dès lors, d'une part, qu'il ne lui appartenait pas de se faire juge de l'opportunité de déclarer ou non sa véritable situation ; que, s'il estimait se situer dans le cadre des demandeurs d'emploi déclarant exercer une activité professionnelle réduite, il lui appartenait de déclarer ses mandats sociaux ; d'autre part, que, par ces fausses déclarations, Pierre X... a mis l'Assedic des Pays de Loire dans l'impossibilité d'apprécier le principe comme le montant des prestations chômage qui auraient pu lui être versées ;

que, par ailleurs, le chapitre IV, 64-1 de la circulaire n° 96-18 du 25 octobre 1996 relative à l'indemnisation des allocations de l'assurance chômage exerçant une activité professionnelle réduite exclut l'examen de la situation de ces deux personnes en cas d'activité non déclarée de telle sorte que l'examen de la situation de Pierre X... ne peut désormais plus avoir lieu ; que, dans un souci de clarté, il convient de souligner qu'il n'est pas reproché à Pierre X... d'avoir exercé une activité professionnelle (même réduite) non déclarée à terme échu, mais d'avoir établi une fausse déclaration sur l'honneur qu'il n'a jamais spontanément rectifiée ; que la sanction civile du mensonge ainsi caractérisé à l'encontre de Pierre X... est l'extinction de son droit au revenu de remplacement, que sa fausse déclaration (dont le caractère volontaire ne peut être dénié compte tenu de l'ensemble des différents avertissements explicites visés sur la demande d'allocation chômage signée par Pierre X...) suffit à rendre indues les sommes versées dans l'ignorance de sa situation" ;

"alors, d'une part, qu'au sens de l'article L. 365-1 du Code du travail, sont indues les sommes auxquelles la personne n'aurait pas pu prétendre sans la fausse déclaration ; qu'en refusant expressément de rechercher si la fausse déclaration imputée à Pierre X... avait été faite pour obtenir ou tenter d'obtenir des allocations indues, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen ;

"qu'il en est d'autant plus ainsi, que la cour d'appel laisse dépourvus de toute réponse les motifs péremptoires du jugement, dont Pierre X... demandait la confirmation, et qui constatait qu'il pouvait percevoir des indemnités pour perte d'emploi ;

"alors, enfin, que lorsque l'article L. 365-1 du Code du travail dispose que le tribunal pourra ordonner la restitution des sommes indûment perçues, ce qui constitue une sanction civile comme le relève l'arrêt attaqué, il enjoint au juge de procéder à une appréciation circonstanciée de l'application de cette peine de sorte qu'en s'estimant, à tort, liée par une circulaire administrative, la cour d'appel a abdiqué ses pouvoirs propres et violé le texte susvisé" ;

Vu l'article L. 365 -1 du Code du travail ;

Attendu que, selon ce texte, le délit de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir des allocations n'est caractérisé que si celles-ci ne sont pas dues ;

Attendu que, pour dire que les éléments constitutifs du délit de fausse déclaration pour obtenir des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi étaient établis à la charge de Pierre X..., l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que ce dernier a déclaré sur l'honneur ne pas être inscrit au registre du commerce et ne pas être mandataire de société alors qu'il exerçait la gérance de plusieurs sociétés commerciales et civiles, se borne à énoncer que sa fausse déclaration suffit à rendre indues les sommes versées dans l'ignorance de sa situation, peu important qu'il ait ou non pu prétendre à ces allocations ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le caractère indu des allocations ne pouvait se déduire de la seule fausseté de la déclaration effectuée par le prévenu, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen de cassation proposé,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 22 mai 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Samuel conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Soulard, Mme Salmeron conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83255
Date de la décision : 16/06/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CASSATION - Pourvoi - Pourvoi du prévenu - Prévenu déclaré en liquidation judiciaire - Concours du liquidateur - Absence - Effet.

1° Est recevable le pourvoi formé, sans le concours du liquidateur, par un prévenu placé en liquidation judiciaire, contre l'arrêt qui, sur le seul appel de la partie civile, déclare constitués à son encontre les éléments d'une infraction pénale.

2° TRAVAIL - Chômage - Fraude aux prestations - Eléments constitutifs - Elément matériel - Allocations indues.

2° Le délit de fausse déclaration pour obtenir des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, prévu et puni par l'article L. 365-1 du Code du travail, n'est caractérisé que si celles-ci ne sont pas dues. Leur caractère indu ne peut se déduire de la seule fausseté de la déclaration.


Références :

Code du travail, article L365-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 22 mai 2003

Sur le n° 1 : A rapprocher : Chambre criminelle, 2000-03-22, Bulletin criminel, n° 129, p. 386 (irrecevabilité) Sur le n° 2 : A rapprocher : Chambre criminelle, 1996-02-27, Bulletin criminel, n° 95 (1), p. 281 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jui. 2004, pourvoi n°03-83255, Bull. crim. criminel 2004 N° 161 p. 596
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 161 p. 596

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: M. Samuel.
Avocat(s) : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Boullez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83255
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award