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16/06/2004 | FRANCE | N°03-10733;03-11-068

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 juin 2004, 03-10733 et suivant


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° D 03-10.733 et T 03-11.068 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 15 octobre 2002), qu'en 1997, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural MARCHE-LIMOUSIN (SAFER) a acquis par voie de préemption une propriété agricole ; qu'elle a mis en oeuvre la procédure de rétrocession et reçu diverses candidatures parmi lesquelles figuraient celle de M. X... et celle de M. Y... ; qu'après avis du Comité technique départemental de

la CREUSE du 29 avril 1998, le Conseil d'administration de la SAFER a décidé de ré...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° D 03-10.733 et T 03-11.068 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 15 octobre 2002), qu'en 1997, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural MARCHE-LIMOUSIN (SAFER) a acquis par voie de préemption une propriété agricole ; qu'elle a mis en oeuvre la procédure de rétrocession et reçu diverses candidatures parmi lesquelles figuraient celle de M. X... et celle de M. Y... ; qu'après avis du Comité technique départemental de la CREUSE du 29 avril 1998, le Conseil d'administration de la SAFER a décidé de rétrocéder la propriété à M. Y..., en motivant sa décision par référence à l'objectif légal de première installation d'un jeune agriculteur ; qu'elle a informé M. X... de cette décision par lettre du 30 avril 1998 ;

que la vente a été régularisée par acte authentique du 24 octobre 1998 ; que le 14 août 1998, M. X... a assigné la SAFER et M. Y... demandant l'annulation de la rétrocession effectuée au profit de ce dernier, en soutenant qu'elle ne respecterait pas les objectifs de la loi ;

Sur le moyen unique du pourvoi formé par la SAFER :

Attendu que la SAFER fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :

1 / que dans ses conclusions d'appel du 9 novembre 2000, la SAFER avait précisément fait valoir "qu'en toute hypothèse, si par impossible, la cour d'appel jugeait que Claude Y... n'avait pas la qualité de jeune agriculteur, il resterait alors à considérer que ni Thierry X..., ni Claude Y... n'ayant la qualité de jeune agriculteur, leurs chances étaient identiques et que la SAFER pouvait alors opérer un choix parfaitement légal (installation d'un agriculteur) conformément aux objectifs légaux" ; qu'en décidant que la SAFER avait modifié la motivation de sa décision de rétrocession en cause d'appel, bien qu'elle se fût bornée à démontrer que quand bien même M. Y... ne serait pas considéré comme un jeune agriculteur, mais simplement comme un agriculteur, la décision de rétrocession prise à son profit demeurait conforme à l'un, au moins, des objectifs légaux énoncés à l'article L. 143-2 du Code rural, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'il ne résulte pas non plus des écritures précitées que la SAFER ait invoqué " le fait qu'il aurait eu violation de la loi dans la mesure où ni l'un ni l'autre des candidats n'avaient la qualité de jeunes agriculteurs" ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'en application des articles R. 142-1, R. 343-3 et R. 343-4 anciens du Code rural les conditions requises pour bénéficier des aides à l'installation, et celles nécessaires pour justifier d'un droit de priorité lié à la qualité de jeune agriculteur étaient identiques ; qu'en retenant au contraire pour dire que M. Y... ne pouvait pas bénéficier d'un recul de la limite d'âge jusqu'à 40 ans, lui donnant un droit de priorité sur la rétrocession, que cette dérogation n'était applicable qu'aux seules aides financières à l'installation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

4 / que la décision de rétrocession prise par une SAFER d'un bien acquis par préemption est régulière et suffisamment motivée lorsqu'elle permet de vérifier la conformité de celle-ci à l'un des objectifs légaux ; que si l'article R. 142-1 ancien du Code rural institue un droit de priorité en faveur de certaines catégories d'exploitants et notamment des jeunes agriculteurs, l'installation d'un agriculteur, répond néanmoins, nonobstant toute considération d'âge, à l'un des objectifs légaux pour autant qu'aucun candidat à la rétrocession ne puisse se prévaloir d'une priorité d'attribution ; qu'en décidant que la motivation de la décision de rétrocession querellée ne permettait pas de vérifier qu'elle répondait à l'un des objectifs légaux visés à l'article L. 143-2 du Code rural, bien que celle-ci faisait expressément état de la nécessité d'installer M. Y..., ce qui constitue à lui seul un objectif légal, la Cour d'appel a violé les articles L. 141-1, L. 143-2, L. 143-3, et R. 142-1 du Code rural dans leur rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu qu'ayant constaté que M. Y..., né le 15 septembre 1961, qui avait accompli son service national entre le 1er avril 1981 et le 1er avril 1982, n'indiquait pas avoir pourvu à l'éducation d'un enfant, la cour d'appel, qui n'a pas retenu que la motivation de la décision de rétrocession ne permettait pas de vérifier qu'elle répondait à l'un des objectifs visés à l'article L. 143-2 du Code rural, en a déduit exactement, sans modifier l'objet du litige et abstraction faite d'un motif surabondant, que M. Y... qui avait atteint la limite d'âge qui lui aurait permis de s'installer en qualité de jeune agriculteur le 15 septembre 1997, ne relevait plus du statut des jeunes agriculteurs au sens de l'article R. 343-4 du Code rural, lorsque le 24 avril 1998 il s'était engagé à acquérir l'exploitation agricole qui devait lui être rétrocédée par la SAFER par acte du 24 octobre suivant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi formé par M. Y... :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :

1 / que le juge qui exerce son contrôle sur la motivation de la décision de rétrocession prise par une SAFER, doit seulement rechercher si la motivation critiquée de la rétrocession permet de vérifier la conformité et la réalité du choix de la SAFER avec les objectifs définis par la loi ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans même rechercher si la motivation affectant la décision de rétrocession prise le 29 avril 1998 par la SAFER était ou non conforme aux objectifs posés par le législateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 141-1 et R. 141-1 du Code rural ;

2 / que le jeune agriculteur au sens de l'article R. 343-3 du Code rural, figure parmi les personnes susceptibles de bénéficier d'une opération de rétrocession, sans que cette qualité lui donne vocation à bénéficier d'une priorité ;

que pour bénéficier du régime des aides réservé aux jeunes agriculteurs, il faut être âgé de 35 ans au plus à la date de l'installation, sous réserve d'un recul de la limite d'âge pour tenir compte du temps consacré au service national ; qu'en outre, une dérogation peut encore être accordée par le Préfet pour tenir compte des situations particulières sans pour autant que l'intéressé dépasse à la date de l'installation l'âge de 40 ans ;

qu'en l'espèce, M. Y..., qui avait accompli son service national du 1er avril 1981 au 1er avril 1982, et avait bénéficié d'une dérogation spéciale accordée par le Préfet de la Creuse, devait être regardé à la date de la rétrocession, comme étant susceptible de bénéficier du statut de jeune agriculteur ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles R. 142-1, R. 142-2, R. 142-3 et R. 343-3 et R. 343-4 du Code Rural ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu'il résultait de l'article R. 343-4 du Code rural qu'un jeune agriculteur était celui qui était âgé de vingt et un ans au moins et de trente cinq ans au plus à la date de son installation, qu'il était prévu un recul de cette limite d'âge d'une durée égale au temps accompli au titre du service national actif et qu'il existait une faculté de dérogation au titre de l'entretien et de l'éducation d'un enfant de moins de seize ans, sans que ces dispositions ne permissent à un agriculteur de bénéficier des aides à l'installation au-delà de quarante ans, que ce texte n'ouvrait pas d'autre faculté de dérogation à la limite d'âge, et que si M. Y... s'était vu notifier, par une lettre du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt en date du 16 juin 1997 qu'une dérogation à la limite d'âge lui était accordée, ce qui lui permettait de bénéficier des aides à l'installation, il ne pouvait être considéré que cette dérogation relative à l'attribution des aides était venue lui conférer un quelconque droit au bénéfice d'une rétrocession de terres opérée par la SAFER en application des dispositions relatives à l'installation des jeunes agriculteurs, la cour d'appel , sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, la SAFER Marche Limousin et M. Y... à payer à M. Carat la somme de 1 900 euros ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 03-10733;03-11-068
Date de la décision : 16/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL - Rétrocession - Bénéficiaire - Jeune agriculteur - Définition - Agriculteur bénéficiant d'une dérogation à la limite d'âge pour l'attribution d'aides à l'installation (non).

La dérogation à la limite d'âge, fixée à l'article R. 343-4 du Code rural pour l'attribution des aides à l'installation, accordée à un agriculteur, ne confère pas à cet agriculteur un quelconque droit au bénéfice d'une rétrocession de terres opérée par une société d'aménagement foncier et d'établissement rural en application des dispositions relatives à l'installation des jeunes agriculteurs.


Références :

Code rural R343-4

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 15 octobre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 jui. 2004, pourvoi n°03-10733;03-11-068, Bull. civ. 2004 III N° 123 p. 110
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 III N° 123 p. 110

Composition du Tribunal
Président : M. Weber.
Avocat général : M. Gariazzo.
Rapporteur ?: M. Philippot.
Avocat(s) : Me Cossa, la SCP Peignot et Garreau, Me Jacoupy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.10733
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