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09/06/2004 | FRANCE | N°02-87820

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 juin 2004, 02-87820


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13ème chambre, en date du 13 novembre 2002, qui, pour abandon de fami

lle, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13ème chambre, en date du 13 novembre 2002, qui, pour abandon de famille, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 122-4, 227-3 du Code pénal, L. 621-40 et L. 621-43 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un prévenu (Bernard X..., le demandeur) coupable d'abandon de famille et l'a condamné en conséquence à un an d'emprisonnement assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans avec obligation spécifique de justifier du paiement régulier de la pension alimentaire due à son épouse, ainsi qu'à payer à cette dernière la somme de 10 000 francs de dommages-intérêts ;

"aux motifs que le premier juge avait retenu à juste titre le débiteur dans les liens de la prévention en limitant celle-ci à compter d'octobre 1998 ; que le fait que le prévenu eût été mis en liquidation judiciaire par jugement du 12 septembre 1997 était sans incidence sur la constitution de l'infraction sur le plan pénal dans la mesure où une décision de justice civile définissant une obligation de famille à la charge du prévenu, exécutoire, était restée inexécutée ; qu'il y avait lieu dès lors de lui infliger une peine d'un an d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans avec obligation de justifier du paiement régulier de la pension alimentaire due à son épouse et de confirmer la réparation civile accordée à cette dernière par le tribunal ;

"alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ;

que, dès lors, à partir du moment où la loi relative aux procédures collectives interdisait au débiteur, déclaré en liquidation judiciaire par jugement du 12 septembre 1997, de payer la moindre somme à son épouse, créancière en vertu d'une ordonnance de non conciliation ayant une origine antérieure à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel ne pouvait le déclarer coupable du délit d'abandon de famille ni, par conséquent, le condamner à verser des dommages-intérêts à la partie civile" ;

Attendu que, pour condamner Bernard X... du chef d'abandon de famille, la cour d'appel retient que la mise en liquidation judiciaire du prévenu est sans incidence sur la réalisation de l'infraction ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que le débiteur soumis à une procédure collective est tenu de payer la créance d'aliments sur les revenus dont il conserve la disposition, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 122-2, 122-3, 122-4 et 227-3 du Code pénal, 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, L. 621-40 et L. 621- 43 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un prévenu (Bernard X..., le demandeur) coupable d'abandon de famille et l'a condamné en conséquence à un an d'emprisonnement assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans, avec obligation spécifique de justifier du paiement régulier de la pension alimentaire due à son épouse, ainsi qu'à payer à cette dernière la somme de 10 000 francs de dommages-intérêts ;

"aux motifs que le premier juge avait retenu à juste titre le débiteur dans les liens de la prévention en limitant celle-ci à compter d'octobre 1998 ; que l'intéressé ne pouvait contester les faits pour la raison qu'il n'aurait plus bénéficié de ressources du fait de sa maladie, quand il ne justifiait pas avoir mis en oeuvre devant le juge aux affaires familiales une procédure de réduction ou de suppression de la pension alimentaire, ce qui établissait l'élément intentionnel de l'infraction ;

que le fait qu'il eût été mis en liquidation judiciaire par jugement du 12 septembre 1997 était sans incidence sur la constitution de l'infraction sur le plan pénal dans la mesure où une décision de justice civile définissant une obligation de famille à la charge du prévenu, exécutoire, était restée inexécutée ; qu'il y avait lieu dès lors de lui infliger une peine d'un an d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans avec obligation de justifier du paiement régulier de la pension alimentaire due à son épouse et de confirmer la réparation civile accordée à cette dernière par le tribunal ;

"alors qu'aucun créancier dont la créance a son origine antérieurement à l'ouverture d'une procédure collective frappant le débiteur ne peut le poursuivre devant la juridiction répressive en paiement d'une somme d'argent ; que, dès lors, à partir du moment où il résultait de ses constatations que le non-paiement de la pension alimentaire due par le prévenu à son épouse en application d'une ordonnance de non-conciliation en date du 13 février 1995 avait une origine antérieure à sa mise en liquidation judiciaire le 12 septembre 1997, la cour d'appel ne pouvait le déclarer coupable du délit d'abandon de famille, ni le condamner à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve l'obligeant à justifier du paiement régulier d'une dette soumise aux règles de la procédure collective et pas davantage à verser des dommages-intérêts à la partie civile dont l'action était irrecevable ;

"alors que, en toute hypothèse, la cour d'appel ne pouvait affirmer d'emblée que la mise en liquidation judiciaire du prévenu au mois de septembre 1997 était sans incidence sur la consommation de l'infraction, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, au vu de la situation juridique née de la production de sa créance par l'épouse au passif de la procédure collective, le demandeur avait pu légitimement croire qu'il se trouvait libéré de l'obligation de payer une dette qui serait acquittée conformément aux dispositions de la loi du 25 janvier 1985 prescrivant l'arrêt des poursuites individuelles et le désintéressement des créanciers selon les règles applicables aux procédures collectives ;

"alors que, en outre, à partir du moment où il ressortait de ses constatations que le prévenu justifiait d'une maladie l'ayant privé de ressources ainsi que d'une mise en liquidation judiciaire de son entreprise au mois de septembre 1997, la cour d'appel ne pouvait le déclarer coupable du non-paiement de pension alimentaire à compter d'octobre 1998 sans avoir vérifié qu'il s'était trouvé dans une situation d'insolvabilité l'ayant mis dans l'impossibilité d'exécuter son obligation ;

"alors que, enfin, inverse le fardeau de la preuve la cour d'appel qui décide que l'élément intentionnel se déduit de l'absence de justification, par le prévenu, de la mise en oeuvre d'une procédure civile en réduction ou en suppression de la pension alimentaire, l'obligeant ainsi à démontrer sa bonne foi quand il appartenait à la partie poursuivante de rapporter la preuve de son intention délictueuse" ;

Et sur le moyen relevé d'office, pris de la violation des articles 227-3 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 227-3 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;

Attendu que Bernard X... a été poursuivi par citation directe du 24 novembre 1998 pour être, depuis 1996, volontairement demeuré plus de deux mois sans acquitter le montant intégral de la pension alimentaire qu'il avait été condamné à payer à son épouse par ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales ;

Attendu que, d'une part, l'arrêt attaqué a limité la période de prévention du délit d'abandon de famille "à compter d'octobre 1998" ;

Attendu que, d'autre part, pour déclarer le prévenu coupable d'abandon de famille, les juges du second degré se bornent à énoncer qu'il ne justifie pas avoir mis en oeuvre devant le juge aux affaires familiales une procédure de réduction ou de suppression de la pension alimentaire, ce qui établit l'élément intentionnel de l'infraction ;

Mais attendu qu'en cet état, alors que la durée de la prévention n'a pas été déterminée et que l'élément intentionnel n'a pas été suffisamment caractérisé, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 13 novembre 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, M. Lemoine conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-87820
Date de la décision : 09/06/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13ème chambre, 13 novembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 jui. 2004, pourvoi n°02-87820


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.87820
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