La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2004 | FRANCE | N°03-84516

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 juin 2004, 03-84516


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Claude,

contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de BLOIS,

en date du 10 février 2003, qui a autorisé l'administration des Impôts à effectuer de...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Claude,

contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de BLOIS, en date du 10 février 2003, qui a autorisé l'administration des Impôts à effectuer des opérations de visite et de saisie, en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée, en date du 10 février 2003, a autorisé l'administration des Impôts à effectuer la visite de différents locaux et la saisie de documents, en vue de rechercher la preuve de fraudes fiscales ;

"alors que, faute de contenir l'ordonnance de désignation de Thierry Y... rendue par le président du tribunal de grande instance de Blois auquel se réfère l'ordonnance attaquée, aucun élément du dossier ne permet de déterminer si ce magistrat était compétent pour se prononcer sur la requête de l'administration fiscale" ;

Attendu que l'ordonnance attaquée a été rendue par le vice-président du tribunal de grande instance de Blois, en vertu d'une ordonnance de délégation du président dudit tribunal du 31 août 2001;

Qu'ainsi, le moyen manque en fait ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 16 B du Livre des procédures fiscales et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée, en date du 10 février 2003, a autorisé l'administration des Impôts à effectuer la visite de différents locaux et la saisie de documents, en vue de rechercher la preuve de fraudes fiscales ;

"aux motifs "qu'Anne Z...
A... est titulaire de deux comptes bancaires dans le département du Loir-et-Cher, l'un auprès de la banque régionale de l'Ouest (BRO), agence de Lamotte Beuvron (compte n° 00021526390), l'autre auprès du Crédit Agricole Val-de-France agence de Lamotte Beuvron (compte n° 42822610154) (pièces n° 1B à 1D) ; qu'Anne Z...
A... est titulaire d'un passeport suisse et a indiqué lors de l'ouverture des comptes, résider en Suisse, 9, chemin de la Boisserette (01208) Genève (pièces n° 1B à 1D) ; qu'Anne Z...
A... a donné mandat de procuration, toujours pour ces deux comptes, à Claude X... comme premier mandataire et à son épouse B...
X..., née C..., comme deuxième mandataire (pièces n° 1B à 1D) ; que Claude X..., né le 3 janvier 1927 à Paris (12ème), demeure à Failly (41600) Vouzon avec son épouse née C...
B... le 9 mars 1927 à Paris (17ème) (pièce 2) ; que, selon le rapport du SRPJ d'Orléans antenne de Tours adressé au procureur de la République de Blois, ces deux comptes sont en fait exclusivement mouvementés par le mandataire Claude X... (pièce n° 1B) ; que les retraits espèces effectués par Claude X... sur le compte Crédit Agricole se sont élevés à 120 587 euros pour la période de janvier 2000 à août 2001, et que les retraits d'espèces effectués par Claude X... sur le compte BRO, se sont élevés à 142 540 euros pour la période d'avril 2000 à mars 2002 (pièce n° 1B) ; que les chèques tirés sur le compte Crédit Agricole au profit de Claude X... se sont élevés à 106 714 euros pour les années 2000 et 2001 (pièce n° 1D) ; qu'il a été tiré sur le compte Crédit Agricole au profit de la société La Métairie Neuve des chèques d'un montant total de 124 246 euros pour l'année 2000 et 123 636 euros pour l'année 2001 (pièce n° 1D) ; que Claude X... est administrateur de la société La Métairie Neuve (pièce n° 3) ; que, de plus, Anne Z...
A... a demandé lors de l'ouverture de son compte au Crédit Agricole, que les relevés soient adressés à l'agence de Nouan Le Fuzelier (41) agence proche du domicile de Claude X... (pièce n° 1D) ; qu'ainsi, il apparaît que les opérations de débit précitées sont réalisées directement ou indirectement par Claude X... (pièce n° 1D) ; que, selon le rapport du SRPJ d'Orléans précité, le fonctionnement des comptes d'Anne Z...
A... fait directement penser à des fraudes fiscales en liaison avec l'activité commerciale de Claude X... ; que Claude X... assure la totalité de la gestion de ces deux comptes (pièce n° 1B) ; que Claude X... n'est pas pris en compte pour une activité commerciale au titre de la TVA, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux auprès du centre des

Impôts territorialement compétent (pièce 15) ; que Claude X... ne déclare pas de revenus relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux (pièce 12) ; que Claude X... a encaissé 106 714 euros pour les années 2000 et 2001 au moyen de chèques tirés sur le compte ouvert auprès du Crédit Agricole par Anne Z...
A... (pièce 1D) ; que cette somme perçue par Claude X... paraît sans relation directe avec les revenus d'activité déclarés par Claude X... ; qu'ainsi, il peut être présumé que cette somme constitue une rémunération pour la gestion de ces comptes et/ou provient d'une activité commerciale ou non commerciale non déclarée par Claude X... ; qu'ainsi, il peut être présumé que cette somme constitue une rémunération pour la gestion de ces comptes et/ou provient d'une activité commerciale ou non commerciale non déclarée et exercée par Claude X... ; que la société La Métairie Neuve qui a été créée le 27 décembre 1991 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 7 février 1992, a pour activité l'acquisition, vente, selon tous moyens juridiques, de meubles, immeubles et biens et droits immobiliers sous le régime des marchands de biens et a pour président du conseil d'administration, Michel D... (pièces n° 3 et 4) ; que le siège social de cette société est sis au 33, rue Louis Chevais (41240) Ouzouer Le Marché (pièces n° 3 et 4) ; que Claude X... est administrateur de cette société et en détient 624 parts sur 2500 au 31 décembre 2001 ( pièces n° 3 et 7) ; qu'Anne Z...
A... détient 625 parts de la société La Métairie Neuve sur 2500 au 31 décembre 2001 (pièce 7) ; que la société La Métairie Neuve a encaissé les sommes de 124 246 euros au cours de l'année 2000 et 123 636 euros au cours de l'année 2001 en provenance du compte Crédit Agricole ouvert au nom d'Anne Z...
A... (pièce n° 1D) ; que ces sommes correspondent à des chèques émis au cours des années 2000 et 2001 (pièce n° 1D) ; qu'ainsi, il peut être présumé que ces sommes encaissées par la société commerciale, peuvent participer au chiffre d'affaires de celle-ci ; que le compte Crédit Agricole ouvert au nom d'Anne Z...
A... sur lequel ont été tirés les chèques à l'ordre de la société La Métairie Neuve, semble géré par Claude X..., administrateur et actionnaire de la société La Métairie Neuve (pièce n° 1B) ; que le fonctionnement de ce compte, sur lequel sont effectués des retraits espèces important et de nombreux mouvements de débit en faveur de la société la Métairie Neuve, pourrait dépasser la cadre d'une gestion normale et présenter les caractéristiques d'une gestion commerciale ;

que, selon les termes du rapport du SRPJ d'Orléans précité, Claude X... est seul à mouvementer les deux comptes bancaires ouverts auprès du Crédit Agricole et de la BRO par Anne Z...
A... comme s'ils étaient liés à l'activité de la société La Métairie Neuve (pièce n° 1B) ; que le poste de bilan de la société La Métairie Neuve "groupe et associés" qui enregistre les apports en compte courant des associés et membres d'un groupe, est passé de 1 585 049 euros au 31 décembre 2000 à 1 814 027 euros au 31 décembre 2001, soit un accroissement de 228 978 euros ;

que cependant, il ne peut être établi de rapport entre les encaissements de chèques en provenance du compte Crédit Agricole

d'Anne Z...
A... par la société La Métairie Neuve au titre de l'année 2001 qui se sont élevés à 123 638 euros et les apports d'associés qui se sont élevés à 228 978 euros pour la même période ; que, de plus, il ne peut être établi que les chèques tirés sur le compte Crédit Agricole d'Anne Z...
A... et encaissés par la société La Métairie Neuve sur les années 2000 et 2001 ont été comptabilisés au poste "groupe et associés" de la société La Métairie Neuve et représentent des apports effectués par Anne Z...
A... ; que la société La Métairie Neuve a déclaré, au titre de l'impôt sur les sociétés, un chiffre d'affaires net de 1544 euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2000 et 1566 euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2001 (pièces n° 5 et 7) ; que cette société a déclaré au titre de la taxe sur la valeur ajoutée un chiffre d'affaires de 1544 euros pour l'année 2000 et 3110 euros pour l'année 2001 (pièces n° 6 et 8) ;

qu'ainsi, il existe une discordance importante entre le chiffre d'affaires déclaré par la société La Métairie Neuve tant pour l'impôt sur les sociétés que pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre des exercices 2000 et 2001 et ses encaissements de chèques au titre des mêmes exercices ; qu'ainsi, il peut être présumé que la société La Métairie Neuve a minoré et/ou minore son chiffre d'affaires tant au titre de l'impôt sur les sociétés que de la taxe sur la valeur ajoutée et ainsi ne satisfait pas à la passation régulière de ses écritures comptables" ;

"alors que, d'une part, l'article L. 16 B-I du Livre des procédures fiscales prévoit que le juge peut autoriser des visites domiciliaires lorsqu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement et au paiement des impôts sur les revenus ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans factures, en utilisant ou en délivrant des factures et des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des Impôts, soit des présomptions d'agissements frauduleux destinés à se soustraire à l'établissement ou au paiement de l'Impôt ; que le juge ayant rendu l'ordonnance attaquée, a déduit une telle présomption du fait que la société La Métairie Neuve était bénéficiaire de chèques tirés sur le compte d'Anne Z...
A... sans établir en quoi ces encaissements pourraient entrer dans le chiffre d'affaires de la société alors qu'ils émanaient d'une associée et non d'un client de la société et alors qu'il n'a pas été établi que la remise des fonds n'était pas destinée à alimenter un compte d'associés, l'ordonnance se prononçant sur ce point par des motifs contradictoires en considérant que le montant des chèques émis à l'ordre de la société La Métairie Neuve ne correspondait pas au montant des sommes reçues sur les comptes d'associés alors que ces sommes étaient supérieures au montant des chèques prétendument litigieux ;

"alors que, d'autre part, les bénéfices nets étant constitués par l'excédant des valeurs d'actifs sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées, aucune présomption de fraude ne pouvait être déduite du fait que les bénéfices nets étaient inférieurs au montant des chèques émis par Anne Z...
A... au profit de la société La Métairie Neuve ;

"alors qu'enfin, le fait de tirer des fonds sur le compte d'un tiers, n'est pas en soi révélateur du fait que ces fonds sont la rémunération d'une activité non déclarée à l'administration fiscale ;

qu'en effet, l'encaissement d'un chèque et des retraits d'espèces sont des actes équivoques quant à leur cause ; qu'en déduisant la possibilité de fraudes du fait que Claude X... avait tiré des fonds pour son compte personnel sur le compte d'Anne Z...
A..., le juge n'a constaté aucune présomption de fraude fiscale" ;

Attendu que le moyen, qui tend à contester la valeur des éléments retenus par le juge parmi ceux qui ont été fournis par l'Administration pour apprécier l'existence de présomptions de fraude fiscale, est inopérant, dès lors que cette appréciation, exempte de contradiction, relève de son pouvoir souverain ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée, en date du 10 février 2003, a autorisé des contrôleurs n'ayant pas le grade d'inspecteur, à procéder, conformément aux dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux désignés ci-après ou des documents et supports d'informations illustrant la fraude sont susceptibles de se trouver, à effectuer une visite et une saisie de documents, en vue de rechercher la preuve de fraudes fiscales ;

"alors que seuls des inspecteurs de l'administration spécialement habilités, peuvent procéder à des opérations de visites domiciliaires en se faisant assister d'agents disposant de la même habilitation" ;

Attendu que le juge peut autoriser, en application de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, les agents de l'administration des Impôts ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des Impôts à se faire assister d'autres agents des Impôts habilités dans les mêmes conditions qu'eux ;

qu'en relevant que les contrôleurs de la Direction nationale d'enquêtes fiscales et de la Direction des services fiscaux du Loir-et-Cher désignés pour prêter assistance aux opérations de visite et de saisie avaient été habilités à cet effet par le directeur général des Impôts, l'ordonnance attaquée n'encourt pas le grief allégué ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'ordonnance attaquée est régulière en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-84516
Date de la décision : 03/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de BLOIS, 10 février 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 jui. 2004, pourvoi n°03-84516


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.84516
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award