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03/06/2004 | FRANCE | N°03-83514

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 juin 2004, 03-83514


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Daniel,

- Y... Roland,

- Z... Auguste,

- A... Roger,

-

B... François, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 2...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Daniel,

- Y... Roland,

- Z... Auguste,

- A... Roger,

- B... François, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 24 mars 2003, qui, après condamnation définitive de Louis C... et Louis D... pour exercice illégal de la profession de banquier, a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi de François B... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur les pourvois de Daniel X..., Roland Y..., Auguste Z... et Roger A... :

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé dans les mêmes termes pour Daniel X..., Roland Y..., Auguste Z... et Roger A..., pris de la violation des articles 10, 75 et 77 de la loi du 24 janvier 1984 (devenus les articles L. 511-5, L. 571-3 et L. 571-15 du Code monétaire et financier), de l'article 1382 du Code civil et des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a débouté Daniel X..., Roland Y..., Auguste Z... et Roger A... de leurs demandes au titre de l'action civile ;

"aux motifs que, "compte tenu de la transparence des opérations ci-dessus décrites, de l'ancienneté des relations professionnelles unissant Louis C... et Louis D... aux prêteurs (au minimum dix ans), ces derniers n'ont pu se méprendre sur la qualité des prévenus - brasseurs et non banquiers - et se sont ainsi délibérément affranchis des garanties que pouvait leur offrir un véritable établissement de crédit ; dès lors, les parties civiles seront déclarées recevables mais déboutées de l'ensemble de leurs demandes" ;

"alors qu'aucune disposition de la loi ne permet de réduire, en raison d'une négligence de la victime, le montant des réparations civiles dues à celle-ci par l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens ; que les prévenus ont été déclarés coupables d'exercice illégal de la profession de banquier par jugement du 3 mai 2002 ayant acquis l'autorité définitive de la chose jugée ; qu'en déboutant la partie civile de sa demande en réparation du préjudice résultant de cette infraction, aux motifs que celle-ci n'avait pu se méprendre sur la qualité des prévenus - brasseurs et non banquiers - et qu'elle s'était délibérément affranchie des garanties que pouvait lui offrir un véritable établissement de crédit, estimant ainsi que la négligence de la victime pouvait à elle seule supprimer son droit à réparation du préjudice résultant de l'infraction, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, proposé pour Daniel X..., pris de la violation des articles 408 ancien, 314-1 du Code pénal, des articles 10, 75 et 77 de la loi du 24 janvier 1984 (devenus les articles L. 511-5, L. 571-3 et L. 571-15 du Code monétaire et financier), de l'article 1382 du Code civil et des articles 388 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a débouté Daniel X... de ses demandes au titre de l'action civile ;

"aux motifs que, "compte tenu de la transparence des opérations ci-dessus décrites, de l'ancienneté des relations professionnelles unissant Louis C... et Louis D... aux prêteurs (au minimum dix ans), ces derniers n'ont pu se méprendre sur la qualité des prévenus - brasseurs et non banquiers - et se sont ainsi délibérément affranchis des garanties que pouvait leur offrir un véritable établissement de crédit ; dès lors, les parties civiles seront déclarées recevables mais déboutées de l'ensemble de leurs demandes" ;

"1 ) alors qu'il appartient au juge répressif de restituer aux faits dont il est saisi leur véritable qualification ; que la cour d'appel a relevé que le conseil de Daniel X... faisait valoir qu'il appartenait à la Cour de rechercher si le comportement des deux prévenus n'était pas passible d'autres textes pénaux que ceux retenus par le tribunal, le juge pénal n'étant pas lié par la qualification donnée à la prévention ; qu'à cet égard, Daniel X... faisait valoir dans ses écritures d'appel, qu'il avait remis des fonds à Louis C... et Louis D..., dans le cadre d'un contrat de mandat, tel que prévus aux articles 406 ancien, puis 314-1 du Code pénal, à charge pour eux d'en faire un usage déterminé et que ces fonds, dissipés par Louis C... et Louis D... dans des circonstances qui, si elles n'ont pas pu être établies avec minutie, l'ont été avec assez de précision pour mettre en évidence l'implication de ces deux hommes ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était expressément invitée, si les faits poursuivis ne relevaient pas de la qualification d'abus de confiance, qualification sur laquelle les prévenus avaient été mis à même de se défendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2 ) alors que saisis du seul appel des parties civiles, les juges du second degré ont le devoir de restituer aux faits de la poursuite, tels qu'ils sont fixés par l'ordonnance de renvoi, leur véritable qualification pénale au point de vue des intérêts civils ; que se rend coupable d'abus de confiance envers son mandant, celui qui détourne ou dissipe les sommes qui lui ont été remises à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ; qu'il résulte des faits de la prévention tels que fixés par l'ordonnance de renvoi du 28 décembre 2000 que "l'examen de certaines reconnaissances de dettes dont seuls les noms de débiteurs avec leurs signatures étaient mentionnés établissaient en réalité que Louis C... et Louis D... recevaient les fonds en espèces des prêteurs, fonds dont ils disposaient ensuite librement, à charge pour eux de les restituer" et que "certaines reconnaissances de dettes se sont avérées falsifiées : Louis D... a d'ailleurs explicitement reconnu avoir établi de fausses reconnaissances de dette en imitant la signature des emprunteurs pour faire patienter et rassurer les prêteurs qui ne pouvaient obtenir remboursement de leurs fonds" et enfin que "la famille C... a conduit à la ruine bon nombre de particuliers, anciens débitants de boissons ou non, qui leur avaient confié leurs économies, dont une grande partie n'a pu être restituée en raison de la "spirale infernale" causée par l'expansion démesurée du groupe" LSB hors d'état de faire face à ses engagements" ;

qu'en déboutant Daniel X... de ses demandes bien que les faits dont elle était saisie par l'ordonnance de renvoi étaient susceptibles de relever de la qualification d'abus de confiance et de lui ouvrir droit à réparation du préjudice résultant de cette infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des texte susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, proposé dans les mêmes termes pour Roland Y..., Auguste Z... et Roger A..., pris de la violation des articles 408 ancien, 314-1 du Code pénal, des articles 10, 75, et 77 de la loi du 24 janvier 1984 devenus les articles L. 511-5, L. 571-3 et L. 571-15 du Code monétaire et financier, de l'article 1382 du Code civil et des articles 388 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a débouté Roland Y..., Auguste Z... et Roger A... de leurs demandes au titre de l'action civile ;

"aux motifs que, "compte tenu de la transparence des opérations ci-dessus décrites, de l'ancienneté des relations professionnelles unissant Louis C... et Louis D... aux prêteurs (au minimum dix ans), ces derniers n'ont pu se méprendre sur la qualité des prévenus - brasseurs et non banquiers - et se sont ainsi délibérément affranchis des garanties que pouvait leur offrir un véritable établissement de crédit ; dès lors, les parties civiles seront déclarées recevables mais déboutées de l'ensemble de leurs demandes" ;

"1 ) alors qu'il appartient au juge répressif, au besoin d'office et après avoir invité les prévenus à présenter leurs observations, de restituer aux faits dont il est saisi leur véritable qualification ; qu'en rejetant les demandes de Roland Y..., Auguste Z... et Roger A... sans s'être assurée, au besoin d'office et après avoir invité les prévenus à présenter leurs moyens de défense, si les faits poursuivis ne relevaient pas de la qualification d'abus de confiance et n'ouvrait pas droit pour ceux-ci à réparation du préjudice résultant de cette infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2 ) alors que saisis du seul appel des parties civiles, les juges du second degré ont le devoir de restituer aux faits de la poursuite, tels qu'ils sont fixés par l'ordonnance de renvoi, leur véritable qualification pénale au point de vue des intérêts civils ; que se rend coupable d'abus de confiance envers son mandant, celui qui détourne ou dissipe les sommes qui lui ont été remises à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ; qu'il résulte des faits de la prévention tels que fixés par l'ordonnance de renvoi du 28 décembre 2000 que "l'examen de certaines reconnaissances de dettes sont seuls les noms de débiteurs avec leurs signatures étaient mentionnés établissaient en réalité que Louis C... et Louis D... recevaient les fonds en espèces des prêteurs, fonds dont ils disposaient ensuite librement, à charge pour eux de les restituer" et que "certaines reconnaissances de dettes se sont avérées falsifiées : Louis D... a d'ailleurs explicitement reconnu avoir établi de fausses reconnaissances de dettes en imitant la signature des emprunteurs pour faire patienter et rassurer les prêteurs qui ne pouvaient obtenir remboursement de leurs fonds" et enfin que "la famille C... a conduit à la ruine bon nombre de particuliers, anciens débitants de boissons ou non, qui leur avaient confié leurs économies, dont une grande partie n'a pu être restituée en raison de la "spirale infernale" causée par l'expansion démesurée du "groupe" LSB hors d'état de faire face à ses engagements" ; qu'en déboutant Roland Y..., Auguste Z... et Roger A..., de leurs demandes bien que les faits dont elle était saisie par l'ordonnance de renvoi étaient susceptibles de relever de la qualification d'abus de confiance et d'ouvrir droit, pour ces derniers, à réparation du préjudice qui en est résulté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Louis C..., dirigeant de la société La Brasserie, ayant pour objet la distribution de bières et boissons, et Louis D..., salarié de cette société, ont, courant 1991 à 1993, effectué des opérations de banque en recevant des fonds d'anciens exploitants de débits de boissons ou de particuliers disposant de liquidités qu'ils désiraient placer et en accordant des prêts à de futurs exploitants pour leur permettre de financer l'acquisition de leurs fonds de commerce ; que plusieurs personnes, qui ont versé des fonds aux intéressés contre remise de reconnaissances de dettes ne portant ni leur nom ni leur signature, n'ont pu obtenir le remboursement des sommes prêtées ;

Attendu que, par jugement du 3 mai 2002, Louis C... et Louis D... ont été définitivement condamnés pour exercice illégal de la profession de banquier et les parties civiles déclarées irrecevables en leur constitution de partie civile ;

Attendu que, pour recevoir ces dernières en leur constitution, mais les débouter de leurs demandes, l'arrêt attaqué énonce que compte tenu de la transparence des opérations de banque et de l'ancienneté des relations professionnelles unissant Louis C... et Louis D... aux prêteurs, ces derniers n'ont pu se méprendre sur la qualité des prévenus, brasseurs et non banquiers, et se sont ainsi délibérément affranchis des garanties que pouvaient leur offrir un véritable établissement de crédit ;

Attendu qu'en prononçant ainsi et si le délit d'exercice illégal de la profession de banquier peut causer à des particuliers un préjudice personnel de nature à fonder l'exercice de l'action civile devant la juridiction répressive, la cour d'appel, qui a souverainement constaté l'inexistence d'un tel préjudice, et qui ne pouvait requalifier les faits ayant donné lieu à une condamnation définitive du chef d'exercice illégal de la profession de banquier, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, M. Rognon conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel, Mme Salmeron conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83514
Date de la décision : 03/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Exercice illégal de la profession de banquier.

Justifie sa décision, la cour d'appel qui déboute des prêteurs, parties civiles, de leur demande de dommages-intérêts du chef d'exercice illégal de la profession de banquier, après avoir constaté que n'ayant pu se méprendre sur la qualité des prévenus, brasseurs et non banquiers, lesdits prêteurs se sont délibérément affranchis des garanties que pouvait leur offrir un véritable établissement de crédit.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mars 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 jui. 2004, pourvoi n°03-83514, Bull. crim. criminel 2004 N° 147 p. 550
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 147 p. 550

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: M. Chanut.
Avocat(s) : la SCP Boré, Xavier et Boré, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83514
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