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03/06/2004 | FRANCE | N°03-80847

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 juin 2004, 03-80847


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me COSSA, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me BLANC, de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés pa

r :

- X... Bernard,

- LA SOCIETE LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES Y....

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me COSSA, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me BLANC, de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Bernard,

- LA SOCIETE LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES Y..., partie civile,

- LA SOCIETE PETIT BATEAU, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de REIMS, en date du 19 septembre 2002, qui, infirmant partiellement, sur l'appel des parties civiles, l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, a renvoyé le premier devant le tribunal correctionnel des chefs de diffusion de fausses informations et présentation de comptes annuels infidèles ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande, en défense et en réplique ;

I - Sur le pourvoi de Bernard X... ;

Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Bernard X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 199, 218, 574, 802, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que statuant en chambre du conseil, l'arrêt attaqué a dit avoir tenu l'audience des débats en présence d'Yves Y... et entendu celui-ci avant d'infirmer partiellement l'ordonnance de non-lieu qui lui était déférée et de renvoyer Bernard X... devant le tribunal correctionnel du chef de diffusion de fausses informations ;

"aux motifs que des charges suffisantes existent pour renvoyer Bernard X... devant la juridiction correctionnelle ;

"alors que la prescription suivant laquelle les débats devant la chambre de l'instruction se déroulent en chambre du conseil implique que soient seuls présents les conseils des parties et, le cas échéant, ces dernières si les juges ont ordonné leur comparution ; que la chambre de l'instruction qui ne peut ordonner que l'audition des parties au procès, ne saurait accepter la présence ou entendre à l'audience des personnes autres que celles ayant la qualité de parties ou de conseils de ces dernières ; qu'il résulte des mentions précises et concordantes de l'arrêt attaqué qu'Yves Y... a assisté et participé aux débats bien qu'il ne fût ni partie à l'instance, ni conseil de l'une d'elles ; que dès lors en autorisant la présence aux débats et plus encore en entendant Yves Y..., dont les déclarations à l'audience avaient une influence déterminante sur la solution du litige, l'infirmation partielle de l'ordonnance déférée et le renvoi de Bernard X... devant le tribunal correctionnel, la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions de l'article 199 du Code de procédure pénale et porté atteinte aux droits de l'intéressé" ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que le président de la société Laboratoires de biologie végétale Yves Y... ait été entendu devant la chambre de l'instruction, dès lors que, d'une part, son avocat, présent à l'audience, ne s'est pas opposé à cette audition et que, d'autre part, il résulte de l'arrêt attaqué que les juges ne se sont pas fondés sur celle-ci pour renvoyer le prévenu devant le tribunal correctionnel ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

II - Sur les pourvois des sociétés Laboratoires de biologie végétale Yves Y... et Petit Bateau ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour les sociétés Yves Y... et Petit Bateau, pris de la violation des articles 575 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 313-1 du Code pénal, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Michel Z... du chef du délit d'escroquerie ;

"aux motifs que Michel Z..., intervenant dans le cadre d'un mandat d'assistance afin de rapprocher les sociétés Yves Y... et Petit Bateau, n'a fait qu'insister sur le caractère urgent de la cession ; que l'urgence dans laquelle se sont effectuées les négociations s'explique simplement par l'existence d'autres acquéreurs potentiels et par des risques d'offre publique d'achat manifestés par des dissensions familiales au sein du groupe Petit Bateau ; que s'il est plausible que les propos tenus par Michel Z... ont été de nature à inciter Yves Y... à formaliser au plus tôt son projet d'acquisition de contrôle majoritaire de Petit Bateau, même si le contexte général de l'affaire associé au cours très bas des actions Petit Bateau et les mauvais résultats notoires depuis quelques années auraient dû le conduire à procéder aux précautions d'usage en sollicitant un audit préalable ou encore plus simplement une garantie de passif ; que cependant les propos tenus par Michel Z... n'ont pu avoir pour effet d'impressionner Yves Y..., homme aguerri au monde des affaires, au point d'altérer sa liberté et le conduire à de telles négligences ;

"alors que les parties civiles faisaient valoir dans leur mémoire que l'actionnariat de Petit Bateau, à hauteur de 75 % était lié par un pacte d'actionnaires qui rendait par avance inopérante toute tentative d'OPA hostile, et que Michel Z... avait brandi un risque imaginaire d'OPA imminentes et inamicales, qu'il savait inexistant, pour précipiter Yves Y... à prendre dans l'urgence, et donc sans garantie, le contrôle majoritaire de la société Petit Bateau ; que, faute de s'être expliquée sur ce chef péremptoire des conclusions des parties civiles, l'arrêt attaqué ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour les sociétés Yves Y... et Petit Bateau, pris de la violation des articles 575 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article L. 820-7 du Code de commerce, manque de base légale, défaut et contradiction de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Joël A... et Jean-François B... de C..., commissaires aux comptes, des chefs de confirmation d'informations mensongères et de non-révélations de faits délictueux ;

"aux motifs que Joël A... et Jean-François B... de C... ont été mis en examen des chefs de confirmation d'informations mensongères et non-révélation de faits délictueux ;

que ces délits impliquent que les commissaires aux comptes aient eu connaissance de l'inexactitude de l'information sur la situation de la société telle qu'elle résulte des documents comptables, et qu'ils les aient confirmées sciemment ; qu'il ne fait aucun doute que les commissaires aux comptes ont pu avoir connaissance des défaillances du système comptable qui était utilisé ; qu'il ressort en effet du premier rapport établi en 1995 que la surévaluation des coûts composant les prix de revient industriels était bien connue des services de contrôle de Petit Bateau, cette surévaluation ayant été mentionnée dans un rapport D...
B... à l'occasion de son intervention sur les comptes de l'exercice 1984 ; qu'il ne peut donc être affirmé ensuite que les vérificateurs, et en particulier Jean-François B... de C..., n'avaient pas connaissance de l'inadaptation des procédures comptables ;

"et aux motifs que cependant le délit suppose que la mauvaise foi des commissaires aux comptes doit être démontrée ;

que les experts ont relevé que les commissaires aux comptes pouvaient difficilement critiquer les classifications d'articles opérées par les responsables de l'entreprise en fonction des données de gestion et de plans de production, ces dernières ne relevant pas de l'appréciation des commissaires aux comptes ; qu'ils considèrent que les stocks excédentaires fin 1987 n'étaient probablement pas décelables par les commissaires aux comptes qui n'avaient pas à s'immiscer dans les analyses de gestion et de production et dont l'intervention les premiers mois de 1988 ne permettait pas de disposer du recul nécessaire pour procéder à des contrôles alternatifs sur les rotations de stocks et le déroulement des ventes après clôture ; que, lors de leur contrôle, les commissaires aux comptes ont pris soin de consigner leurs différentes remarques et réserves concernant notamment la dépréciation des stocks à rotation lente et avaient attiré l'attention des dirigeants sur la nécessité de revoir la politique des provisions (rapport du 20 juin 2000 annexe 5) ; qu'au surplus ils ont inséré une note au sujet du treizième mois dans leur rapport général sur les comptes sociaux de la société mère ; que l'ensemble de ces éléments permet de constater que l'élément intentionnel, et en particulier la mauvaise foi des commissaires aux comptes, fait défaut ;

"alors que ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui est entaché d'une contradiction de motifs ; qu'en l'espèce la chambre de l'instruction n'a pas pu retenir, sans contradiction, d'un côté que les commissaires avaient eu connaissance de l'inadaptation des procédures comptables, des défaillances du système comptable utilisé et des surélévations des coûts, puis, d'un autre côté, que les commissaires aux comptes n'avaient pas fait preuve de mauvaise foi et n'avaient pas intentionnellement certifié des comptes qu'ils savaient inexacts" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par les parties civiles appelantes, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre Michel Z..., Joël A... et Jean-François B... de C..., d'avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;

Que les demanderesses se bornent à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;

Que, dès lors, les moyens sont irrecevables ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pour les sociétés Yves Y... et Petit Bateau, pris de la violation des articles 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de contradiction de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué n'a renvoyé Bernard X... que du chef de diffusion de fausses informations ;

"alors, d'une part, qu'une contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'ainsi, ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale, l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, dans ses motifs, retient qu' "il existe donc des charges suffisantes à l'encontre de Bernard X... d'avoir présenté des comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de l'entreprise, délit prévu et réprimé par l'article 437 de la loi du 24 juillet 1966 devenu l'article L. 246-6 du nouveau Code de commerce" (arrêt pages 8 et 9) mais qui, dans son dispositif, n'ordonne le renvoi que du chef de diffusion de fausses informations ;

"alors, d'autre part, que doit être annulée la décision de la chambre de l'instruction qui omet de statuer, dans le dispositif de son arrêt, du chef de présentation de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de l'entreprise, délit visé dans la plainte des parties civiles" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 575, alinéa 2, 5 dudit Code ;

Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à leur absence ;

Attendu que, statuant sur l'appel par les parties civiles de l'ordonnance de non-lieu partiel rendue par le juge d'instruction, la chambre de l'instruction, après avoir énoncé dans les motifs de l'arrêt qu'il existe des charges suffisantes à l'encontre de Bernard X... d'avoir présenté des comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de l'entreprise, ne le renvoie, dans le dispositif, que du seul chef de diffusion d'informations fausses ou trompeuses ;

Attendu qu'en l'état d'une telle contradiction, l'arrêt encourt la censure ;

Par ces motifs,

I - Sur le pourvoi de Bernard X... :

Le REJETTE :

II - Sur les pourvois des sociétés Laboratoires de biologie végétale Yves Y... et Petit Bateau :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 19 septembre 2002, mais en ses seules dispositions relatives à l'éventuel renvoi de Bernard X... devant le tribunal correctionnel du chef de présentation de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de l'entreprise, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Roger conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-80847
Date de la décision : 03/06/2004
Sens de l'arrêt : Cassation rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de REIMS, 19 septembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 jui. 2004, pourvoi n°03-80847


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.80847
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