AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... a été arrêté en France pour faits de résistance et déporté au camp de concentration de Dachau où il dût travailler pour la société BMW ; qu'il a fait citer, le 16 novembre 2000, devant le conseil de prud'hommes de Sète, l'Etat allemand et la société allemande BMW en paiement de la rémunération du travail effectué pour la période du 16 juin 1944 au 29 mai 1945, ainsi que de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Montpellier, 29 janvier 2003) d'avoir déclaré irrecevable son action intentée contre l'Etat allemand, bénéficiaire de l'immunité de juridiction, alors qu'un Etat, qui commet des actes coercitifs, viole les Conventions internationales et n'a aucun comportement démocratique, ne peut invoquer des actes de puissance publique ;
Mais attendu que les principes qui régissent les relations entre Etats dont est issu celui de l'immunité de juridiction postulent que le bénéficiaire de celle-ci est l'Etat étranger tel qu'il se présente au moment de l'assignation en justice, en l'occurrence, la République fédérale d'Allemagne, et non tel qu'il était à l'époque des actes ou faits litigieux ;
que, c'est à juste titre que l'arrêt attaqué retient que l'activité de M. X... ne pouvait s'inscrire dans le cadre d'une relation de droit privé, alors que le fait de contraindre des déportés, en territoire ennemi, à travailler dans le cadre de l'économie de guerre avait été accompli, à titre de puissance publique, par les autorités du Troisième Reich ayant procédé à l'arrestation et à la déportation de l'intéressé ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... reproche également à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'incompétence de la juridiction prud'homale française relativement à la demande dirigée contre la société BMW AG Munich, alors, selon le moyen, que son activité s'étant effectuée en dehors de tout établissement, la cour d'appel a violé l'article R. 517-1, alinéa 2, du Code du travail, qui permet au demandeur de saisir la juridiction du lieu de son domicile si le travail est effectué en dehors de tout établissement ou à domicile ;
Mais attendu qu'il est constant que M. X... a accompli le travail pour lequel il revendique rémunération dans l'usine de la société BMW située à proximité immédiate de son lieu de déportation ;
que c'est donc encore, à bon droit, que l'arrêt attaqué a décidé que la juridiction française était incompétente pour connaître du litige, non pas sur le fondement de l'article R. 517-1 du Code du travail, retenu par lui, mais sur celui de l'article 5 de la Convention de Bruxelles, modifiée, du 27 septembre 1968, qui était seul applicable ; qu'il s'ensuit que le moyen est dépourvu de toute pertinence ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille quatre.