AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que M. Freddy X..., chauffeur depuis novembre 1975 à la société Autocars Deltour, a été licencié le 31 mars 1995 pour faute grave ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 28 septembre 2001) d'avoir dit que le licenciement n'était fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1 / qu'un fait isolé peut à lui seul constituer une faute grave et justifier la rupture immédiate du contrat de travail sans que l'ancienneté du salarié puisse ôter à ce seul fait son caractère de gravité ; qu'en estimant que le fait, pour M. X..., chauffeur de car dûment averti des règles de sécurité particulières au transport de personnes handicapées auquel il était affecté, de les avoir enfreintes en autorisant la sortie d'une jeune fille handicapée par la porte centrale qu'il avait à tort ouverte, ce qui avait eu pour conséquence la chute de la jeune fille entraînant de sérieuses blessures, ne caractérisait pas une faute grave dans la mesure où il s'agissait de l'unique grief reproché à un salarié qui n'avait encouru aucun reproche en 20 ans de services, alors que la gravité de cette faute commise par un salarié très expérimenté et préjudiciable tant à un tiers qu'à l'employeur justifiait à elle seule la rupture immédiate du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;
2 / que le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; que pour décider que le licenciement n'était pas fondé sur une faute grave, la cour d'appel n'a examiné que le grief tiré de l'ouverture, par M. X..., des portes centrales du bus lors du transport de personnes handicapées, alors que la lettre de licenciement lui reprochait également d'avoir dissimulé à l'employeur ce manquement aux règles de sécurité en affirmant qu'il n'avait ouvert que les portes avant du bus, ce qui constituait un manquement à l'honnêteté ; faute d'avoir examiné ce second grief, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3 et L. 122-6 du Code du travail ;
3 / qu'en tout état de cause, la dissimulation par le salarié d'un manquement aux règles de sécurité imposées par l'employeur ayant eu de graves conséquences pour un tiers, constitue une faute grave que ne peut excuser la "fierté" de l'auteur d'un tel manquement ; qu'en énonçant, à supposer que la cour ait par là examiné le second grief de la lettre de licenciement, que "la possible tergiversation de M. X... quant à la reconnaissance exacte des circonstances de l'accident était excusable par sa fierté de chauffeur réellement irréprochable", la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, examinant tous les griefs énoncés dans la lettre de licenciement a relevé que le salarié n'avait encouru aucun reproche en vingt ans de service et que l'erreur reprochée était en partie excusable compte tenu des circonstances ;
Et attendu, ensuite, que c'est dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, qu'elle a estimé que cette erreur ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Deltour Autocars et Voyages aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille quatre.