AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de Me COSSA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA COMPAGNIE GENERALI FRANCE ASSURANCES, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13ème chambre, en date du 18 juin 2003, qui, dans la procédure suivie contre Ahmed X..., du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 388-2, 388-3, 509, alinéa 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la Compagnie Generali France Assurances mal fondée en son appel, l'en a débouté et a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
"aux motifs que, comme l'a fort justement rappelé le tribunal, en suite d'un rapport balistique ordonné par le jugement du 17 octobre 1991, Ahmed X... a été déclaré coupable de blessures involontaires par arme à feu sur la personne de Fathi Y..., de son épouse et de sa fille, le 8 juin 1990, par jugement du 9 juin 1992 ; qu'il a été, en conséquence, condamné à réparer l'intégralité du préjudice subi par Fathi Y... dont la constitution de partie civile avait été reçue par le jugement précité ; que, par plusieurs arrêts, la chambre criminelle de la Cour de Cassation, statuant par application de l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, a cassé pour excès de pouvoir des arrêts de cours d'appel condamnant in solidum le prévenu et sa compagnie d'assurances aux réparations civiles, violation prise de l'article 388-3 du Code de procédure pénale au motif que l'intervention volontaire ou forcée de l'assureur avait seulement pour objet de lui rendre opposable la décision rendue sur les intérêts civils ; que c'est donc très exactement que le tribunal correctionnel, statuant en matière d'intérêts civils, n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de la compagnie d'assurances, et a dit que sa décision lui serait seulement déclarée commune et opposable ; que, dès lors, la compagnie d'assurances Generali France Assurances, qui n'a pas été condamnée, n'est pas fondée à venir demander devant la Cour une évaluation différente du préjudice subi par Fathi Y... que seul Ahmed X... pourrait solliciter ; qu'en l'espèce, la Cour ne peut que constater qu'Ahmed X... n'est pas appelant ; qu'il s'ensuit que la décision déférée est en voie de confirmation en toutes ses dispositions ;
"alors qu'il résulte de l'article 509, alinéa 2, du Code de procédure pénale que l'appel de l'assureur produit effet à l'égard de l'assuré en ce qui concerne l'action civile ; que la cour d'appel a violé les textes précités en décidant qu'en l'absence d'appel émanant d'Ahmed X..., assuré de la société Generali France Assurances, celle-ci ne pouvait, sur son seul recours, solliciter une évaluation différente du préjudice subi par la victime" ;
Vu l'article 509 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes du second alinéa de ce texte, l'appel de l'assureur produit effet à l'égard de l'assuré en ce qui concerne l'action civile ;
Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident, dont Ahmed X..., déclaré coupable de blessures involontaires par le tribunal correctionnel, avait été déclaré tenu à réparation intégrale, la juridiction du second degré, saisie du seul appel de la compagnie Generali France Assurances, assureur du prévenu, énonce que cet assureur, à qui la décision des premiers juges a seulement été déclarée commune et opposable, n'est pas fondé, en l'absence de condamnation prononcée contre lui, à venir demander une évaluation différente du préjudice subi par la partie civile ;
Mais attendu qu'en se déterminant par de tels motifs alors que l'appel de l'assureur faisait obstacle à ce que le jugement devînt définitif à l'égard de l'assuré, et qu'il était loisible au premier de soumettre aux juges d'appel tous les moyens de défense que le second aurait pu faire valoir lui-même, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 juin 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;