La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2004 | FRANCE | N°03-85882

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 mai 2004, 03-85882


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard,

contre l'arrêt de cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 1er juillet 2003, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement

avec sursis et 1 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mé...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard,

contre l'arrêt de cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 1er juillet 2003, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 1 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles R. 237-1, alinéa 2, du Code du travail, 121-1 et 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit d'homicide involontaire ;

"aux motifs que sur l'absence de plan de prévention avant le commencement des travaux : "le décret du 20 février 1992, inséré dans les articles R. 237-1 et suivants du Code du travail, édicte un certain nombre de "prescriptions particulières d'hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure" ;

qu'il s'applique, dans tous les cas où intervient une entreprise extérieure, sauf s'il s'agit de chantiers de bâtiment ou de génie civil, lorsqu'ils entrent dans les prévisions de l'article L. 235-3 édictant dans ce cas, certaines règles particulières, ou de chantiers clos et indépendants ;

qu'à l'évidence, en l'espèce, le chantier n'entrant pas dans les prévisions de l'article L. 235-3, sur lequel travaillait la victime n'était ni clos ni indépendant puisque l'entreprise extérieure (Sparaillon plongée) intervenait sur une installation de la CEO ;

que, comme il l'avait d'ailleurs annoncé, Philippe Y... est venu avec deux autres plongeurs, prétendument pour donner un coup de main, en réalité sous sa subordination, chacun d'entre eux étant chargé d'une mission précise ;

attendu que l'article R. 237-2 prévoit que le chef de l'entreprise utilisatrice assure la coordination générale des mesures de prévention, qu'au titre de cette coordination, il est tenu d'alerter le chef d'entreprise extérieure lorsqu'il est informé d'un danger grave concernant un salarié de cette entreprise, même s'il estime que la cause est exclusivement le fait de cette entreprise ; qu'il en résulte que le non-respect des règles de sécurité par un des salariés de l'entreprise extérieure n'exonère pas l'entreprise utilisatrice de sa propre responsabilité ;

attendu, en l'espèce, qu'il ne pouvait être ignoré par la CEO, que la réparation de la fuite était une opération dangereuse non seulement parce qu'il s'agissait d'une intervention en milieu hyperbare, mais aussi parce qu'il y avait un risque d'aspiration ;

que cette opération, comme le prévoit le décret de 1970, nécessitait, l'intervention de personnes qualifiées, l'un d'entre eux étant susceptible d'intervenir immédiatement et efficacement en cas d'accident et l'organisation de secours rapides en cas de besoin ;

qu'en l'espèce, les conditions dans lesquelles s'est déroulé l'accident démontrent une absence totale d'analyse commune des risques et de prévisions pour intervenir immédiatement en cas d'accident ;

que Julien Z...
A... a plongé en vain pour secourir Philippe Y... ;

qu'aucun moyen n'avait été mis en place pour prévenir les pompiers et les gendarmes ;

que c'est seulement à 11h45, soit plus d'une heure après que l'accident se soit produit, que les pompiers ont été prévenus ;

qu'on ne peut qu'être surpris par l'analyse du tribunal qui a considéré "que rien n'établit que la rédaction d'un plan de prévention aurait empêché l'accident" ;

qu'en effet, à l'évidence, l'absence totale de préparation d'une opération dangereuse, l'absence de qualification du plongeur devant intervenir en cas de difficulté, le retard apporté aux secours dû à l'absence de mesures prises dans le cadre du plan de prévention et de sécurité a privé la victime de toute chance de survie ;

que d'ailleurs l'expert a estimé que compte tenu de tous les manquements qu'il a relevés, l'accident était inévitable ;

qu'il est significatif de constater le même travail a été confié, peu de temps après les faits, à l'entreprise Oceamer, disposant d'un personnel possédant le certificat d'aptitude ; qu'après une visite commune à laquelle assistaient les trois prévenus, un plan de prévention et de sécurité a bien été établi, qui y figurait dans la colonne du risque, coordination entre le plongeur et la surface, dans les mesures de prévention, plongeur narguilé et téléphone, plongeur secours équipé prêt à intervenir en cas d'incident, qu'ont été remis à la société Oceamer, les plans des lieux, le numéro de téléphone des secours à appeler, la nécessité du maintien des grilles pendant l'opération, l'obturation de la fuite avant toute intervention, toutes mesures qui n'avaient pas été prises lors de l'intervention de Sparaillon Plongée ;

que l'opération s'est déroulée sans incident ;

sur l'imputabilité des faits : que, Bernard X... était le chef d'agence, responsable de l'agence de Toulon-Est ;

que selon M. B... , c'est lui qui, compte tenu de l'organisation du secteur et des prérogatives, avait la charge de décider de l'organisation des travaux qu'il pouvait y avoir sur cette vanne de demi-fond ;

que c'est lui qui décidait qui devait choisir l'entreprise ;

qu'il est établi par la procédure que, devant partir en congé, il a chargé Christian C... de surveiller les travaux mais sans aucunement dire à l'un ou à l'autre qu'un plan de sécurité et de prévention préalable destiné à analyser les risques et les mesures à prendre était nécessaire compte tenu de la nature des travaux et sans leur donner aucune consigne particulière ;

que ce prévenu qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, a commis des fautes caractérisées d'imprudence, de négligence et d'inobservation des règlements exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ;

que, contrairement, à ce qu'ont estimé les premiers juges, est établi à son encontre, en tous ses éléments constitutifs, le délit d'homicide involontaire tant au regard des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal, dans leur rédaction issue de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 qu'au regard des textes antérieurement applicables ;

qu'en revanche, aussi bien René D..., nullement chargé de l'organisation des travaux, ni même Christian C..., qui n'avait reçu aucune instruction précise de la part de Bernard X... , ne peuvent être tenus comme ayant commis une faute caractérisée au sens de l'article 121-3 du Code pénal ;

attendu sur la répression qu'il doit être tenu compte de la faute incontestable de la victime ;

qu'eu égard aux circonstances de la cause et aux renseignements recueillis sur le prévenu, il y a lieu de condamner Bernard X... à deux mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 1 500 euros" ;

"alors que, d'une part, la cour d'appel, qui s'est bornée à constater que l'entreprise extérieure intervenait sur une installation de l'entreprise utilisatrice, ne pouvait juger que le chantier n'était ni clos ni indépendant et en déduire que le décret du 20 février 1992, inséré dans les articles R. 237-1 du Code du travail, était applicable sans rechercher s'il existait une interférence entre les activités de ces entreprises et si cette interférence avait une incidence sur la sécurité de leurs salariés ;

"alors que, d'autre part, l'établissement d'un plan de prévention ne pouvant exclure avec certitude la réalisation des risques liés à l'interférence des activités de l'entreprise utilisatrice et de l'entreprise extérieure, il ne pouvait être tenu pour acquis que la rédaction d'un plan de prévention aurait empêché l'accident ; qu'à défaut d'un lien de causalité certain entre la faute reprochée et le décès de la victime, la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation ;

"alors qu'enfin, nul n'étant censé ignorer la loi, l'efficacité d'une délégation de pouvoir ne saurait être subordonnée à l'information du délégué, par le chef d'entreprise, du contenu de la réglementation qu'il est chargé de faire respecter ;

qu'en subordonnant l'efficacité de la délégation de pouvoir à l'information des préposés sur le contenu des dispositions réglementaires, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'alors qu'il effectuait des travaux de colmatage d'une fuite sur une vanne du barrage du lac de Carcés, Philippe Y..., gérant de la société Sparaillon Plongée a péri noyé ; qu'à la suite de cet accident, notamment, Bernard X... , chef de l'agence de Toulon-est de la Compagnie des eaux et de l'ozone (CEO), société assurant l'exploitation et l'entretien du barrage, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire ; qu'il lui est reproché, au titre de la faute constitutive du délit, d'avoir fait appel à une entreprise non agréée pour des travaux en milieu hyperbare et de s'être abstenu d'établir un plan de prévention avant le commencement des travaux ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu, la cour d'appel énonce notamment que les mesures de prévention prescrites par les articles R. 237-1 et suivants du Code du travail n'ont pas été prises, que l'absence totale de préparation d'une opération dangereuse et le retard apporté aux secours dû à l'absence de mesures prises dans le cadre du plan de prévention et de sécurité sont à l'origine de l'accident mortel, enfin que le prévenu, responsable de l'agence, n'avait donné aucune consigne particulière à ses subordonnés chargés, en son absence, de choisir l'entreprise intervenante et de surveiller les travaux ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs d'où il résulte que le prévenu a commis une faute caractérisée, exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer et entrant dans les prévisions de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal la cour d'appel qui a exactement décidé que les dispositions des articles R. 237-1 et suivants du Code du travail s'appliquaient à ce type de chantier, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne, pour le surplus, à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus dont ils ont déduit, sans insuffisance ni contradiction et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis, que le prévenu n'avait pas délégué ses pouvoirs, ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-85882
Date de la décision : 18/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, 01 juillet 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 mai. 2004, pourvoi n°03-85882


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.85882
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award