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18/05/2004 | FRANCE | N°03-82733

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 mai 2004, 03-82733


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, de Me COPPER-ROYER et de Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Henriette,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correct

ionnelle, en date du 11 février 2003 , qui , pour abus de faiblesse , l'a condamnée à 1...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, de Me COPPER-ROYER et de Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Henriette,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 11 février 2003 , qui , pour abus de faiblesse , l'a condamnée à 1 an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 112-1, 121-3 et 223-15-2 du Code pénal, 313-4 du même Code, abrogé par la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Henriette X... coupable d'avoir, courant 1998, frauduleusement abusé de l'état d'ignorance ou de faiblesse de Jeanine Y... ;

"aux motifs que nul ne peut tirer argument du changement de numérotation des textes d'incrimination dès lors que le nouveau texte, en l'occurrence l'article 223-15-2, reprend la définition des éléments constitutifs de l'infraction poursuivie et détermine les sanctions encourues de façon identique ; qu'il appartient à la juridiction saisie sur la base de textes abrogés de viser les dispositions nouvellement codifiées ; que l'article 223-15-2 du Code pénal réprime l'abus de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, apparente ou connue de son auteur, de nature à conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables; qu'il est patent que Jeanine Y... n'avait pas, en 1998, les capacités intellectuelles et psychologiques d'évaluer la portée des dispositions financières qui, par leur importance, portent manifestement atteinte à l'équilibre financier de cette personne et préjudicient gravement à ses intérêts ; que l'état de vulnérabilité de Jeanine Y... était apparent et connu d'Henriette X... dont l'investissement auprès des personnes handicapées ne pouvait la conduire à se méprendre sur les capacités très réduites de compréhension de la pensionnaire du foyer dont elle était l'économe et aurait dû la conduire à proposer des solutions juridiques de protection propres à rendre la démarche transparente et exempte de toute suspicion ; qu'Henriette X... admet avoir été à l'origine de l'idée de la chapelle dont elle a soutenu et suivi, quoi qu'elle en dise, la construction ; qu'elle ne pouvait ignorer l'impossibilité de faire financer cette édification

par des fonds publics ; que l'option d'un don était clairement retenue sans pour autant que ce mode de financement apparaisse en comptabilité, ce qui aurait rendu nécessaire l'intervention du juge des tutelles et d'un notaire pour assurer la transparence voulue sur le plan comptable et juridique ; qu'il est significatif qu'un grand nombre de pensionnaires ne bénéficiaient pas, à l'époque, de mesure de protection ; que le témoignage de Mme Z... révèle que Henriette X... a eu l'idée de faire appel à Jeanine Y... pour ne pas démunir complètement Mme A... ;

"et aux motifs encore que si Henriette X... ne gérait pas directement les comptes des résidents, ses fonctions et son expérience dans ce domaine lui donnaient une connaissance parfaite des mécanismes, même ceux dont l'irrégularité était évidente, comme les bordereaux en blanc, utilisés à l'insu de M. B... et du titulaire du compte ;

qu'en signant les chèques préparés par la secrétaire pour payer les artisans, elle validait un système de financement frauduleux, ne pouvant ignorer l'origine des fonds, l'absence de volonté libre et certaine de la "donatrice" et l'irrégularité d'un mécanisme dont la réalité était occultée sur le plan comptable ;

qu'Henriette X... a d'ailleurs, sur injonction des pouvoirs publics, tenté d'obtenir a posteriori des justificatifs pour couvrir la fraude ; que ces abus frauduleux de la vulnérabilité d'une victime isolée de toute aide extérieure ont eu pour résultat de dépouiller Jeanine Y... d'une somme très élevée par rapport à ses revenus et sa capacité de financement;

que l'ensemble de ces éléments caractérise l'élément matériel et moral de l'infraction d'abus de faiblesse, Henriette X..., en accord avec Jean-Pierre C..., ayant été l'instigatrice et l'exécutrice d'un projet, sans doute animé de bonnes intentions, mais qui reposait sur l'exploitation de personnes entièrement dépendantes du foyer et qui ne pouvaient exprimer une volonté réelle et non équivoque conforme à leurs intérêts ;

"1 ) alors que l'article 223-15-2 du Code pénal définit le délit d'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse de façon plus large que ne le faisait l'article 313-4 du même Code, abrogé par la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001, notamment en ce qu'il précise que l'abus frauduleux a pour objet de "conduire", et non plus "d'obliger" comme l'indiquait l'ancien texte, la personne vulnérable à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ; que, dès lors, en faisant application des dispositions de l'article 223- 15-2 pour des faits commis courant 1998, et donc avant l'entrée en vigueur de ce texte, la cour d'appel a fait une application rétroactive d'un texte d'incrimination plus sévère que celui applicable à l'époque de ces faits ;

"2 ) alors que l'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse est un délit de commission et suppose donc, pour être caractérisé, l'accomplissement d'un acte positif destiné à obtenir de la victime un acte ou une abstention qui lui soit gravement préjudiciable ;

qu'en déclarant Henriette X... coupable de ce délit par cela seul qu'elle s'était abstenue de proposer des solutions juridiques de protection propres à rendre transparente et exempte de suspicion la donation consentie par Jeanine Y... dont elle connaissait pourtant l'état de vulnérabilité, sans constater qu'elle aurait accompli un acte positif de nature à déterminer cette personne à souscrire ce don, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision" ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable d'avoir, courant 1998, abusé frauduleusement de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse de personnes particulièrement vulnérables, l'arrêt attaqué relève qu'Henriette X... était la secrétaire et principale animatrice de l'association propriétaire du foyer pour malades et handicapés "Jean-Pierre C..." ; qu'elle a fait appel, pour le financement de la construction d'une chapelle, à la participation financière d'une des résidentes, Jeanne Y..., dont elle ne pouvait ignorer l'état de vulnérabilité apparent ; qu'elle connaissait parfaitement l'existence du mécanisme des bordereaux en blanc, signés par les résidents du foyer, et qui a permis de transférer les fonds de Jeanne Y... sur le compte de l'association à partir duquel elle réglait les factures des artisans ; que les juges concluent qu'elle a été l'instigatrice et l'exécutrice d'un projet reposant sur l'exploitation d'une personne entièrement dépendante du foyer et qui ne pouvait exprimer une volonté réelle et non équivoque conforme à ses intérêts ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent en tous ses éléments le délit d'abus de faiblesse prévu au moment des faits par l'article 313-4 du Code pénal et aujourd'hui par l'article 223-15-2 dudit Code, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'ou il suit que le moyen doit être écarté :

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 591, 749, 750 et 751 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la contrainte par corps à l'encontre d'Henriette X... pour garantir le paiement du droit fixe de procédure de 120 euros dont elle la déclarait redevable ;

"1 ) alors que l'assujettissement au droit fixe de procédure, dont le montant est déterminé par l'article 1018-A du Code général des impôts, ne peut donner lieu au prononcé de la contrainte par corps prévue par l'article 749 du Code de procédure pénale ;

"2 ) alors qu'il résulte des mentions de l'arrêt que la prévenue avait 71 ans au moment de la condamnation et que la contrainte par corps ne peut être prononcée contre les personnes âgées d'au moins 65 ans au moment de la condamnation" ;

Vu l'article 749 du Code de procédure pénale ;

Attendu que l'assujettissement au droit fixe de procédure, dont le montant est déterminé par l'article 1018 A du Code général des impôts, ne peut donner lieu au prononcé de la contrainte par corps prévue par l'article 748 du Code de procédure pénale ;

Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir précisé que la prévenue était redevable d'un droit fixe de procédure de 120 euros, a prononcé à son encontre la contrainte par corps ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et principe rappelé ci-dessus ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Attendu que, la condamnation prévue par l'article 618-1 du Code de procédure pénale ne pouvant être prononcée que contre l'auteur de l'infraction et au profit de la seule partie civile, la demande faite à ce titre par l'Association "le foyer des malades et handicapés Jean- Pierre C...", citée en qualité de civilement responsable devant les juges du fond, contre Henriette X..., prévenue, n'est pas recevable ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt précité de la cour d'appel de Pau, en date du 11 février 2003, en ses seules dispositions ayant prononcé à l'encontre d'Henriette X... la contrainte par corps, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONDAMNE Henriette X... à payer à Jacqueline D..., en sa qualité d'administratrice légale de Jeanine Y..., la somme de 2 000 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

DECLARE IRRECEVABLE la demande de l'Association "le foyer des malades et handicapés Jean-Pierre C..." au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-82733
Date de la décision : 18/05/2004
Sens de l'arrêt : Cassation irrecevabilité
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, 11 février 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 mai. 2004, pourvoi n°03-82733


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.82733
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