AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que, par acte authentique du 6 juillet 1988, M. et Mme X... (les époux X...) se sont portés cautions en faveur de la banque La Hénin, aux droits de laquelle est venue la société Enténial (la banque), qui avait consenti un prêt à M. Y..., frère de Mme X..., décaissé le 20 juillet 1987 ; que la créance de la banque, devenue exigible le 6 septembre 1988, vis-à-vis de l'emprunteur par la mise en liquidation de M. Y..., n'a pas été remboursée intégralement malgré notamment la vente judiciaire en 1994 d'un bien immobilier des époux X... consécutive à un commandement aux fins de saisie du 18 septembre 1992 ; que ces derniers ont assigné la banque en paiement de dommages-intérêts le 2 septembre 1998 ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Attendu que les époux X... reprochent à l'arrêt d'avoir déclaré leur action prescrite, alors, selon le moyen, que la prescription décennale de l'article L. 110-4 du Code de commerce n'est applicable que pour les engagements nés à l'occasion du commerce ; que la cour d'appel n'a pas expliqué en quoi le prêt garanti par les époux X... était un acte de commerce ; qu'elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 189 bis devenu l'article L. 110-4 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 189 bis du Code de commerce devenu l'article L. 110-4 du même Code, que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans ; que cet article ne distingue pas selon le caractère civil ou commercial des obligations qu'il vise ; que par suite, la cour d'appel qui, après avoir relevé par motifs adoptés que le manquement allégué était né de la violation prétendue des obligations contractuelles souscrites par la banque, en a déduit que celui-ci entrait dans les prévisions de cette disposition légale, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 189 bis devenu l'article L. 110-4 du Code de commerce ;
Attendu que le point de départ de la prescription, selon ce texte, doit être fixé, pour l'action en dommages-intérêts engagée par une caution n'ayant pas la qualité de commerçant contre son créancier commerçant au jour où la caution a su que les obligations résultant de son engagement étaient mises à exécution par ce créancier du fait de la défaillance du débiteur principal ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action en dommages-intérêts engagée par la caution contre la banque, l'arrêt retient que la prescription décennale courait à partir de la date à laquelle le fait dommageable s'était produit, c'est-à-dire, selon la nature du grief invoqué par les époux X..., soit à la date de signature de l'acte de caution en cas de disproportion des engagements, soit le jour de décaissement du prêt en cas de contestation de la vérification de l'apport personnel des emprunteurs ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que les époux X... avaient su que les obligations résultant de leur engagement de caution étaient mises à exécution par un commandement aux fins de saisie du 18 septembre 1992, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Entenial, venant aux droits de la banque La Hénin aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Entenial, venant aux droits de la banque La Hénin ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quatre.