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11/05/2004 | FRANCE | N°03-86548

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mai 2004, 03-86548


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle BOUTET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe,

- Y... Mona, épouse X... ,

parties civiles,

contre l'arrêt de

la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 22 septembre 2003, qui, dans la procédure suivi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle BOUTET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe,

- Y... Mona, épouse X... ,

parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 22 septembre 2003, qui, dans la procédure suivie contre Maurice Z..., Jean-Claude A..., la société civile professionnelle Maurice Z... et la société ADAGE INVEST, du chef de violation de domicile, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 648 et 666 nouveaux du Code de procédure civile, 62 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, 121-5, 122-4, 432-4, 432-5 et 432-8 du Code pénal, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté Philippe et Mona X... de leur action civile dirigée contre MM. Z... et A... et contre la société civile professionnelle Maurice Z... et la société Adage Invest des chefs d'actes attentatoires à la liberté individuelle accomplis arbitrairement, d'abstention volontaire de mettre fin à de tels actes et de violation de domicile et n'a relevé aucune faute pénale résultant des faits poursuivis à l'encontre des personnes physiques et morales susvisées ;

"aux motifs, d'une part, propres ou repris des premiers juges, que la société Adage Invest a été autorisée à faire procéder à l'expulsion des locataires et de tous occupants de leur chef, ce avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, un mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux infructueux, (appartement du 1er étage et local du 6ème étage), par un jugement assorti de l'exécution provisoire du 2 juillet 1999 ; que, le 29 septembre 1999, la société civile professionnelle Maurice Z..., huissier de justice, requérait M. A..., commissaire de police 4ème secteur Place Léon Blum à Paris 11ème, d'avoir à lui prêter main-forte et assistance pour procéder à l'expulsion de Philippe X..., Mona X... et M. et Mme B..., et de tous occupants de leur chef, domiciliés ... Paris 11ème en vertu d'un jugement du tribunal d'instance contradictoire, rendu à Paris 11ème le 2 juillet 1999 ; que, par lettre du 26 octobre 1999, la préfecture de police autorisait le commissaire de police localement compétent à prêter son concours à la société civile professionnelle Maurice Z... afin de procéder à l'expulsion de Philippe X... demeurant ... Paris 11ème ; que, le 29 octobre 1999, Me Maurice Z... se transportait ... Paris 11ème afin de procéder à l'expulsion des occupants de l'appartement du premier étage et du local du 6ème étage ; et ce, en présence de personnes dont le concours était nécessaire : soit "les services de police du commissariat 10, rue Léon Frot 75011 Paris" (les noms, qualités et signatures de fonctionnaires de police ne figurant pas au procès-verbal) "et de M. C..., serrurier" ; que le jugement susvisé étant exécutoire nonobstant l'appel des époux X..., il importe peu que par la suite, postérieurement aux opérations du 29 octobre 1999, il ait été réformé par la Cour et la société Adage Invest possédait ainsi un titre exécutoire lui permettant de faire procéder à l'expulsion des locaux ; que le commandement de quitter les lieux en date du 26 août 1999, délivré par Me Z... en exécution du jugement précité, s'il était entaché d'une erreur matérielle relative à l'adresse des locaux dont la libération était demandée (mentionnant le 40, ... Paris 11ème au lieu du 8, ... à Paris 11ème), n'a pas fait l'objet d'une contestation devant le juge compétent avant le 29 octobre 1999 et que cette erreur ne rend pas "inexistant" un tel acte ; que le commissaire de police A... avait été autorisé le 26 octobre 1999 par le préfet de police de Paris à assister Me Z... ;

que, de surcroît, il n'était pas présent sur les lieux le 29 octobre 1999 ; que, de même, rien n'établit que se trouvait alors sur les lieux un représentant de la société Adage Invest ; que face aux contestations soulevées par les parties civiles et leur conseil le 29 octobre 1999, l'huissier a immédiatement sursis à l'expulsion après que les autorités de police aient suspendu leur concours ; que si les serrures du logement du premier étage avaient déjà été forcées, elles ont été remplacées et l'huissier a fait parvenir les nouvelles clés aux époux X... ; qu'au vu de ces éléments, le caractère arbitraire ou illicite de l'intervention de l'huissier, des services de police et du serrurier, qui conditionne l'existence de l'élément matériel des différentes infractions visées par la prévention, et moins encore l'élément intentionnel de chacune, ne sont établis en l'espèce ;

"aux motifs, d'autre part, repris des premiers juges, que le commencement d'exécution d'entrer dans les lieux, manifesté par le fait de commencer à forcer les serrures, qui aurait pu être éventuellement relevé, a été arrêté volontairement par les personnes présentes sur les lieux, à savoir le sursis à exécution motivé par les instructions données par la préfecture de suspendre le concours de la force publique ;

"1 ) alors qu'aux termes de l'article 62 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, la délivrance d'un commandement régulier est une condition préalable indispensable à l'intervention de la force publique pour l'exécution d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un local d'habitation ; qu'il résulte des dispositions de l'article 648 nouveau du Code de procédure civile qu'à peine de nullité, un acte d'huissier - et par conséquent un commandement d'avoir à libérer des lieux d'habitation - doit mentionner le nom du demandeur afin de permettre aux destinataires de l'acte de s'assurer qu'il a qualité pour faire délivrer l'acte en cause ; qu'ainsi, les époux X... le rappelaient dans leur citation et dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, ils avaient, par lettres recommandées adressées au commissaire principal A... les 15 et 26 octobre 1999, averti celui-ci que le commandement en date du 26 août 1999, délivré en exécution du jugement d'expulsion, mais qui n'était plus propriétaire des lieux et qui n'avait donc plus qualité pour poursuivre la procédure d'expulsion et qu'en omettant de s'expliquer sur la question de la nullité substantielle pouvant affecter le commandement susvisé en raison de l'absence de qualité de la personne morale qui l'avait fait délivrer et sur la connaissance que le commissaire principal A... pouvait avoir de cette nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2 ) alors qu'un commandement d'avoir à libérer les lieux en exécution d'un jugement ordonnant l'expulsion des locataires doit "par nature" préciser l'adresse du logement dont la libération est ordonnée ; que la mention de cette adresse est substantielle de l'acte qui se trouve par conséquent entaché non seulement de nullité mais d'inexistence en vertu des dispositions de l'article 666 nouveau du Code de procédure civile s'il mentionne une autre adresse que celle des locaux dont la libération a été ordonnée par jugement exécutoire et qu'en l'état d'un commandement ordonnant aux époux X... de quitter les lieux du "40, rue ... à Paris 11ème", cependant que les lieux dont le jugement en date du 2 juillet 1999 avait ordonné la libération se situaient, ainsi que l'avaient constater les premiers juges, au 8, rue du ..., irrégularité dont le commissaire principal A... avait été dûment informé par deux lettres recommandées avec accusé de réception à lui adressées par le conseil des époux X... les 15 et 26 octobre 1999, les infractions poursuivies étaient constituées en tous leurs éléments y compris intentionnel, les personnes intervenant pour procéder à l'expulsion et en particulier le commissaire de police ne pouvant ignorer l'inexistence du commandement en application du texte susvisé ;

"3 ) alors qu'un acte arbitraire attentatoire à la liberté individuelle telle qu'une expulsion irrégulière d'un local d'habitation ne bénéficie pas du fait "d'une autorisation préfectorale", laquelle ne constitue pas "un acte commandé par l'autorité légitime" au sens de l'alinéa 2 de l'article 122-4 du Code pénal, d'une cause exonératoire ;

"4 ) alors qu'à supposer qu'une autorisation préfectorale puisse être assimilée à "un acte commandé par l'autorité légitime" en dépit du principe de l'application stricte de la loi pénale, dans la mesure où en l'espèce cette autorisation préfectorale était manifestement illégale comme étant la conséquence d'un commandement irrégulier, ni le commissaire de police A..., ni l'huissier de justice Z... ne pouvaient s'en prévaloir comme constituant un fait justificatif ;

"5 ) alors qu'est pénalement responsable des infractions définies par les articles 432-4, 432-5 et 432-8, le commissaire de police qui, comme en l'espèce, a donné l'ordre aux officiers de police qui sont ses subordonnés, de procéder à l'expulsion des occupants d'un local d'habitation dans le cas où il avait été dûment avisé que cet ordre était manifestement illégal comme étant la conséquence d'un commandement inexistant, la circonstance qu'il ne soit pas rendu personnellement sur les lieux étant sans emport ;

"6 ) alors qu'aux termes de l'article 121-5 du Code pénal, la tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur et que la cour d'appel qui, en l'état d'une procédure d'expulsion manifestement irrégulière compte tenu de l'inexistence du commandement, a, par adoption des motifs des premiers juges, déclaré non établi le délit de tentative de violation de domicile en se référant à une prétendue interruption volontaire de l'opération d'entrée par la force dans les lieux où les époux X... avaient le droit de se dire chez eux, tout en constatant que cette interruption prétendument volontaire était en réalité due à une volonté extérieure à celle des acteurs de l'expulsion, MM. A... et Z..., a violé par fausse application le texte susvisé ;

"7 ) alors que les juges correctionnels, qui ne sont pas liés par la qualification donnée à la prévention, ne peuvent prononcer une décision de relaxe qu'autant qu'ils ont vérifié que les faits dont ils étaient saisis n'étaient constitutifs d'aucune infraction et qu'en l'espèce, ayant estimé que le délit de violation de domicile n'était pas caractérisé, la cour d'appel ne pouvait, pour autant, estimer que les prévenus n'avaient commis aucune faute pénale sans avoir préalablement recherché si les faits poursuivis, compte tenu notamment de l'endommagement de la serrure de la porte d'entrée, n'étaient pas constitutifs d'une autre infraction pénale, notamment celle de dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui ;

"8 ) alors qu'aux termes de l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne dont les droits et libertés reconnus par ladite Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ; qu'en l'espèce, un commissaire de police et un huissier de justice ont pénétré par effraction au domicile des époux X... aux termes d'une procédure d'exécution dont ils connaissaient l'irrégularité tant en violation des dispositions du droit interne que de l'article 8 de ladite Convention et qu'en refusant de sanctionner cet acte manifestement attentatoire aux libertés, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'infraction reprochée n'était rapportée à la charge de quiconque, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs prétentions ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-86548
Date de la décision : 11/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11ème chambre, 22 septembre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mai. 2004, pourvoi n°03-86548


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.86548
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