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11/05/2004 | FRANCE | N°03-83682

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mai 2004, 03-83682


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Charles,

contre l'arrêt n° 425 de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 10 avril 2003, qui l'a condamné à 3 000 eu

ros d'amende et ordonné l'affichage de la décision pour entraves à l'exercice du droit s...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Charles,

contre l'arrêt n° 425 de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 10 avril 2003, qui l'a condamné à 3 000 euros d'amende et ordonné l'affichage de la décision pour entraves à l'exercice du droit syndical, aux fonctions de membre du comité d'entreprise, à l'exercice des fonctions d'un délégué syndical, au fonctionnement du comité d'entreprise, à l'exercice des fonctions d'un délégué du personnel, et qui a prononcé sur l'action civile ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-5 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Charles X... coupable d'entrave à l'exercice des fonctions de Salvatore Y... et Jean-Luc Z..., en leur qualité de délégués syndicaux, et l'a condamné à une peine d'amende de 3 000 euros, ainsi qu'à faire publier la décision à ses frais, et à leur verser la somme de 1 000 euros chacun à titre de dommages-- intérêts et 750 euros à l'Union Locale CGT et au Syndicat CFDT des Métaux de Faverges ;

"aux motifs que Jean-Charles X... soutient que lorsqu'un recours est intenté devant la juridiction administrative contre l'autorisation de licenciement d'un délégué syndical et que le tribunal répressif, chargé de poursuites contre l'employeur pour entrave à l'exercice du droit syndical, est saisi d'une demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur les poursuites judiciaires jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée, il est tenu de faire droit à cette exception ; que cependant Jean-Charles X..., qui ne justifie pas avoir saisi la juridiction administrative, a déposé un recours hiérarchique auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité, que celui- ci n'a aucun effet suspensif; que c'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de sursis à statuer ; ( ... ) que par décisions du 31 octobre 2001, l'inspecteur du travail a fait connaître à Jean-Charles X... son refus d'autorisation de licencier Salvatore Y... et Jean-Luc Z..., délégués syndicaux ; que malgré ce refus, Jean-Charles X... a procédé, le 8 novembre 2001, au licenciement de Salvatore Y... et Jean-Luc Z... ; qu'il est constant que le licenciement d'un salarié protégé malgré le refus de l'inspecteur du travail est constitutif du délit d'entrave ; qu'en conséquence, en prononçant le licenciement de Salvatore Y..., délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise, et celui de Jean-Luc Z..., délégué syndical et délégué du personnel, nonobstant les décisions de refus de l'inspecteur du travail en date du 31 octobre 2001, Jean-Charles X... s'est rendu coupable du délit d'entrave ; que s'agissant de Salvatore Y..., l'infraction s'analyse en une entrave à l'exercice des fonctions d'un délégué syndical, comme l'a , à juste titre relevé le premier juge ;

"alors que les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité, lorsque de cet examen dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ; que Jean-Charles X... avait soulevé l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail qui avait refusé d'autoriser le licenciement de Salvatore Y... et Jean-Luc Z... ;

qu'en refusant néanmoins d'apprécier la légalité de cet acte administratif individuel, motif pris de ce que Jean-Charles X... ne justifiait pas avoir saisi la juridiction administrative, la cour d'appel a exposé sa décision à la censure de la Cour de Cassation" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jean-Charles X..., président de la société Bourgeois a été poursuivi, notamment, pour avoir licencié deux salariés investis de mandats de délégués syndicaux et de délégués du personnel malgré la décision de refus d'autorisation prise par l'inspecteur du travail ;

Attendu que le prévenu a déposé des conclusions demandant qu'il soit sursis à statuer sur cette prévention jusqu'à ce que la juridiction administrative ait prononcé sur le recours par lui formé contre la décision de l'inspecteur du travail ;

Attendu que, pour écarter cette exception et déclarer Jean-Charles X... coupable d'entrave aux fonctions de délégués syndicaux et de délégués du personnel, les juges se déterminent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'illégalité de la décision refusant l'autorisation de licenciement, à la supposer fondée, n'est pas de nature à enlever aux faits constatés leur caractère délictueux, l'arrêt attaqué n'encourt aucun des griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-8 du Code du travail, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Charles X... coupable d'entrave à l'exercice du droit syndical, et l'a condamné à une peine d'amende de 3 000 euros, ainsi qu'à faire publier la décision à ses frais, et à verser à Salvatore Y... et Jean-Luc Z... la somme de 1 000 euros à titre de dommages- intérêts et la somme de 750 euros à l'Union Locale CGT et au Syndicat CFDT des Métaux de Faverges ;

"aux motifs que Jean-Charles X... ne conteste pas avoir fait procéder, le 28 septembre 2001, à l'enlèvement d'un document figurant sur un panneau syndical, ainsi qu'il en est d'ailleurs attesté par un constat d'huissier ; que, pour prononcer sa relaxe de ces faits, le premier juge retient que l'affiche qui a été retirée par le prévenu ne peut s'analyser en une communication syndicale, qu'en conséquence, son retrait ne peut être constitutif du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical ; que cependant, l'employeur ne dispose pas d'un droit de contrôle sur la teneur des communications affichées par les organismes syndicaux sur les panneaux réservés à cet usage par l'article L. 412-7 du Code du travail ; que s'il est vrai que les communications syndicales doivent répondre aux objectifs des organisations professionnelles tels qu'ils sont définis à l'article L. 411-1 dudit Code, il appartient au chef d'entreprise, qui conteste la finalité de ces communications, de saisir la justice, pour obtenir la suppression de l'affichage prétendument irrégulier ;

"alors que, si l'employeur ne peut procéder au retrait d'un affichage abusif de sa propre autorité mais doit saisir le juge à cette fin, il en est autrement lorsque cet affichage constitue un délit; que dès lors que l'affichage est diffamatoire, l'employeur est fondé à procéder seul à son retrait ; que Jean-Charles X... soutenait qu'il avait dû retirer un document affiché sur le panneau réservé à l'affichage syndical, aux termes duquel on pouvait lire "victimes de l'irresponsabilité et du despotisme outrancier de Jean-Charles X..., Monique A..., Victor B..." ;

qu'il considérait que ce tract était constitutif d'actes de dénigrement et de calomnies de Salvatore Y... et Jean-Luc Z... à son encontre ; qu'en se bornant à affirmer qu'il appartenait à Jean-Charles X... de saisir la justice pour obtenir la suppression de l'affichage litigieux, faute de quoi cette suppression était constitutive d'une entrave à l'exercice du droit syndical, sans rechercher si l'affichage présentait un caractère diffamatoire, auquel cas son retrait par l'employeur n'était pas fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour déclarer l'employeur coupable d'entrave à l'exercice du droit syndical pour avoir fait procéder au retrait d'une communication affichée sur le panneau prévu à cet effet, après avoir écarté l'argumentation du prévenu faisant valoir que le document litigieux ne constituait pas une communication syndicale au sens de l'article L. 421-8 du Code du travail, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen, nouveau en ce qu'il invoque pour la première fois devant la Cour de Cassation le caractère prétendument diffamatoire du texte affiché, ne saurait être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 434-1, L. 434-3, L. 436-1, L. 482-1 et L. 483-1 du Code du travail, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Charles X... coupable d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise et l'a condamné à une peine d'amende de 3 000 euros, ainsi qu'à faire publier la décision à ses frais, et à verser à Salvatore Y... et Jean-Luc Z... la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 750 euros à l'Union Locale CGT et au Syndicat CFDT des Métaux de Faverges ;

"aux motifs qu'il est reproché à Jean-Charles X... d'avoir à Faverges, courant octobre 2001, entravé le fonctionnement régulier du comité d'entreprise de la société Bourgeois en cherchant, par le biais de procédures de consultation de l'ensemble du personnel, à priver de toute légitimité le vote du comité d'entreprise recueilli dans le cadre d'une procédure de licenciement de représentants du personnel ; que le premier juge a estimé que cette infraction n'était pas constituée en retenant que, dès lors que ces consultations étaient intervenues postérieurement à la réunion du comité d'entreprise, il n'avait pu y avoir entrave à son fonctionnement régulier ; que cependant, en mettant en place un vote auprès du personnel lui demandant s'il était favorable aux sanctions décidées par la direction contre les deux personnes pour lesquelles le comité d'entreprise avait donné un avis opposé, le prévenu a nécessairement cherché par ce moyen à dévaloriser son rôle et à nuire à son bon fonctionnement en le discréditant ;

"alors que, le licenciement d'un salarié protégé requiert la consultation du comité d'entreprise, qui doit donner un avis sur le projet de licenciement ; que, dès lors que ce comité a été consulté, l'employeur peut appeler l'ensemble des salariés à se prononcer, sans entraver pour autant le fonctionnement du comité d'entreprise ; qu'en décidant néanmoins que le délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise était constitué, motif pris de ce qu'en mettant en place un vote auprès du personnel, lui demandant s'il était favorable aux sanctions décidées par la direction contre Salvatore Y... et Jean-Luc Z... pour lesquels le comité d'entreprise avait donné un avis opposé, Jean-Charles X... avait cherché à dévaloriser le rôle de ce comité et nuire à son fonctionnement en le discréditant, après avoir constaté que le comité d'entreprise avait été régulièrement consulté, ce dont il résultait que son fonctionnement n'avait en rien été entravé, la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments tant matériels qu'intentionnel le délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise de la société Bourgeois dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Attendu que, la peine étant justifiée par la déclaration de culpabilité des chefs précités et les dispositions civiles de l'arrêt n'étant pas remises en cause par le pourvoi, il n'y a pas lieu d'examiner le deuxième moyen qui discute le délit d'entrave pour s'être opposé à l'entrée de deux délégués syndicaux mis à pied ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Chanet, MM. Beyer, Pometan, Mmes Nocquet, Palissse conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Fréchède ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83682
Date de la décision : 11/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, 10 avril 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mai. 2004, pourvoi n°03-83682


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83682
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