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04/05/2004 | FRANCE | N°03-85879

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 mai 2004, 03-85879


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de Me COSSA et de Me HEMERY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bénédicte, épouse Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs Marine Y... et Clarisse Y..., partie civile,


contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 27 ju...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de Me COSSA et de Me HEMERY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bénédicte, épouse Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs Marine Y... et Clarisse Y..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 27 juin 2003, qui, dans la procédure suivie contre Thomas Z... du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a fixé la réparation du préjudice économique subi par les ayants droit de Philippe Y... aux sommes de : "- 496 703,25 euros pour Bénédicte X..., épouse Y..., "- 48 797 euros pour Marine Y..., "- 50 345 euros pour Clarisse Y..., et condamné Thomas Z... à payer, en deniers ou quittance, à Bénédicte X..., épouse Y..., "- à titre personnel, la somme de 489 865,95 euros, déduction faite du capital décès versé par la CPAM de l'Eure, "- en sa qualité de représentante légale de sa fille Marine Y..., la somme de 48 797 euros, "- et en sa qualité de représentante légale de sa fille Clarisse Y... la somme de 50 345 euros ;

"aux motifs que, sur l'indemnisation du préjudice économique des ayants droit de Philippe Y..., les premiers juges ont chiffré l'indemnisation du préjudice économique de Bénédicte X..., épouse Y..., et de ses filles en retenant le seul calcul proposé par la partie civile sur la base des salaires perçus par le défunt pendant les mois de l'année 2001 avant l'accident, soit un revenu annuel en projection de 728 000 francs ou 110 983 euros ;

"que la Cour ne saurait retenir cette base de calcul mais le revenu réellement perçu par le défunt sur les douze mois ayant précédé son décès, soit entre le 1er août 2000 et le 31 juillet 2001, sans tenir compte du dernier bulletin de paye établi pour la période du 1er au 11 août 2001 faisant état d'une gratification exceptionnelle de 160 000 francs dont la cause reste inexpliquée, aucune gratification ou prime de cette importance n'ayant été versée les années précédentes, ce qui est exactement observé par Thomas Z... et son assureur, et qui apparaît avoir été allouée en raison des seules circonstances particulières liées au décès de Philippe Y... et de ses relations de famille avec son employeur et non en raison d'une performance économique qui n'est ni alléguée ni établie ; que le revenu annuel net imposable de Philippe Y... à retenir s'établit ainsi : (58 343 euros (revenu annuel net 2000) : 12 x 5 mois) 24 310 euros + 39 676 euros (revenu net imposable pour les sept premiers mois de 2001) = 63 986 euros ; que les revenus annuels du couple, au moment du décès, s'élevaient donc pour Philippe Y... à la somme de 63 986 euros et pour Bénédicte X..., épouse Y..., sur la même base des 12 derniers mois, à la somme de 30 673 euros, soit un revenu global de 94 659 euros ; qu'il est admis par les parties que la part réservée à Philippe Y... pour ses besoins personnels étaient de 25 % ; que la perte patrimoniale annuelle de Bénédicte X..., épouse Y..., et de ses deux enfants consécutives au décès de Philippe Y... s'établit comme suit :

- revenu global avant décès 94 659 euros

- dépenses personnelles de Philippe Y... 23 665 euros

- frais fixes et part épouse et enfants 70 994 euros

- revenus de Bénédicte X..., épouse Y... 30 673 euros

- perte patrimoniale de l'épouse et des enfants 40 321 euros que cette perte annuelle, après décès du père, pour chacun des enfants peut être estimée à 10 %, compte tenu du niveau de revenus de la mère et cette dernière, qui demande cette répartition et l'allocation d'un capital, ayant la charge d'assurer l'entretien et l'éducation des enfants et pour les frais fixes et la mère à 80 % ;

que la perte patrimoniale annuelle de Bénédicte X..., épouse Y..., s'élève à la somme de 32 256,80 euros et celle de chacun des enfants à 4 032,10 euros ;

qu'en considération de l'âge de la victime et du barème de capitalisation dont les parties conviennent de l'application, la perte patrimoniale capitalisée de Bénédicte X..., épouse Y..., s'élève à : 32 256,80 x 12,832 (taux de rente viager à l'âge de Philippe Y...) = 413 919,25 euros ;

que le préjudice patrimonial capitalisé des deux enfants, en prenant la limite d'âge de 25 ans, s'élève à : pour Marine, née le 11 octobre 1992 et âgée de 8 ans au jour du décès, 4 032,10 x 10,085 (taux de capitalisation de rente temporaire, sexe féminin) = 40 664 euros, pour Clarisse, née le 7 mai 1994 et âgée de 7 ans au jour du décès, 4 032,10 x 10,405 (taux de capitalisation de rente temporaire, sexe féminin) = 41 954 euros ;

que, sur l'indemnisation de la perte de chance d'acquérir les parts sociales de la société SDM, les premiers juges ont exactement écarté la demande de ce chef ; qu'en effet, il n'est pas démontré l'existence d'un projet réel de cession de parts de la société SDM au profit de Philippe Y... ni même l'existence de pourparlers en vue d'une éventuelle cession, les évaluations de la valeur du fonds de commerce exploité par la société, effectuées de surcroît postérieurement au décès, n'étant pas de nature à corroborer les affirmations de Bénédicte X..., épouse Y..., selon lesquelles son mari aurait entendu se porter acquéreur des parts (en totalité ou pour partie ?) de la société SDM détenues par ses propres beaux-parents, observation étant faite que la volonté de vendre à leur gendre leurs parts sociales, par Alain X... et de son épouse, père et mère de la partie civile, ne résulte d'aucune pièce versée aux débats, Alain X... ayant tout au plus informé les membres de l'assemblée générale de la SCA Normandie lors de la séance du 5 avril 2001 de la postulation de son gendre et de sa fille au statut de chef d'entreprise en vue d'exercer, à sa place et à compter du 1er janvier 2003, la fonction de directeur général de l'hypermarché de Menneval ;

qu'enfin, même en retenant l'hypothèse invoquée du rachat de la totalité des parts de la société, ce rachat aurait nécessairement impliqué un important endettement pour le couple Y..., commun en biens, sans qu'aucune certitude d'un profit escomptable ne puisse être retenue ;

que le rejet de cette prétention sera en conséquence confirmé ;

"et que, sur l'indemnisation de la perte de chance d'accéder au poste de directeur général, les premiers juges, sans que cela ne corresponde à la demande dont ils étaient saisis, ont cru devoir allouer à la partie civile une double indemnisation au titre de cette perte de chance en réparant, d'une part, la perte de chance à postuler à la candidature au poste de directeur général du Centre Leclerc de Menneval et, d'autre part, la perte de chance résultant de l'absence de nomination au poste de directeur général ; que la décision, à ce titre, doit être réformée s'agissant tant de l'objet de la demande que de la somme allouée ; que Bénédicte X..., épouse Y..., tant en son nom personnel qu'au nom de ses filles, prétend, devant la Cour comme en première instance, à l'indemnisation du préjudice qui résulterait de l'absence d'accession au poste de directeur général de Philippe Y... et sollicite l'allocation de sommes représentant la différence en ce qui aurait été l'indemnisation du préjudice économique calculé sur la base d'un salaire de directeur général et l'indemnisation faite sur la base du salaire perçu au jour du décès ; que, s'il peut être retenu qu'à moyen terme mais au plus tôt en janvier 2003, Philippe Y... aurait pu avoir la chance, sous réserve toutefois d'agrément, de voir sa candidature à un poste de directeur général acceptée compte tenu de son parcours professionnel, des "parrainages" obtenus et du soutien familial particulier, l'affirmation selon laquelle il aurait alors perçu un salaire annuel moyen de 977 400 francs, alors qu'il a été retenu ci-dessus que son salaire annuel avant son décès s'élevait à la somme de 63 986 euros ou 419 720 francs, soit moins de la moitié du salaire prétendument escompté, ne repose sur aucune donnée objective, le salaire pris en référence étant celui qu'aurait perçu, sur une moyenne des quatre dernières années son beau-père exerçant les fonctions de directeur général, sans que ne soit connu les modalités de calcul d'un tel salaire et ses composantes comme l'ancienneté et l'échelon indiciaire de son bénéficiaire dans son poste ; que la perte de chance professionnelle réparable ne peut être que celle liée à l'espoir perdu d'une situation financière meilleure dans un avenir proche mais indéterminée dans son quantum et ne saurait être indemnisée comme un préjudice certain mais par une juste majoration de 20 % de l'indemnisation du préjudice économique de Bénédicte X..., épouse Y..., et des enfants ;

que la réparation du préjudice économique global y compris l'indemnisation de la perte de chance des parties civiles s'établit comme suit :

- pour Bénédicte X..., épouse Y... : 413 919,25 euros + 20 % (82,784 euros) = 496 703,25 euros,

- pour Marine : 40 664 euros + 20 % (8, 133 euros) = 48 797 euros,

- pour Clarisse : 41 954 euros + 20 % (8 391 euros) = 50 345 euros, sommes au paiement desquelles Thomas Z... sera condamné, sauf à déduire de la somme revenant à Bénédicte X..., épouse Y..., personnellement la somme de 6 837,30 euros reçue à titre de capital décès de l'organisme social appelé pour la première fois en cause devant la Cour ;

"alors que, la réparation allouée doit correspondre précisément au montant du préjudice subi ; que le préjudice économique subi par les ayants droit de la victime d'un accident de la circulation doit être apprécié en tous ses éléments ; que la cour d'appel devait, en l'espèce, prendre en compte l'ensemble des frais d'obsèques exposés par les ayants droits de Philippe Y... pour évaluer leur préjudice économique ; qu'en ne retenant que la seule part de ces frais demeurée à la charge des ayants droit pour déduire ensuite du montant de leur préjudice économique la part desdits frais pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Vu les articles 1382 du Code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;

Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que, par jugement devenu définitif, le tribunal, après avoir déclaré Thomas Z... coupable d'homicide involontaire et tenu à réparation intégrale, l'a condamné à payer à Bénédicte Y... la somme de 6 160,72 euros, représentant le montant des frais d'obsèques excédant le capital-décès versé par l'organisme de sécurité sociale de la victime ; que, statuant sur l'appel d'un second jugement, l'arrêt attaqué évalue le préjudice économique de la veuve de la victime à 496 703,25 euros et condamne le prévenu au paiement de 489 865,95 euros, déduction faite de 6 837,30 euros au titre du capital-décès ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'elle aurait dû au préalable ajouter la part des frais d'obsèques remboursés par le capital-décès au montant du préjudice soumis à recours, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice économique de Bénédicte X..., épouse Y..., l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 27 juin 2003, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT que la somme due par Thomas Z..., au titre du préjudice économique de Bénédicte X..., épouse Y..., s'élève à 496 703,25 euros ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-85879
Date de la décision : 04/05/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, 27 juin 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 mai. 2004, pourvoi n°03-85879


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.85879
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