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04/05/2004 | FRANCE | N°03-84648

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 mai 2004, 03-84648


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, et de Me ROUVIERE, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Lise, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 30 avr

il 2003, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 18 mois d'emprisonnement avec surs...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, et de Me ROUVIERE, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Lise, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 30 avril 2003, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, 5 ans d'interdiction d'exercice de la profession de sage-femme, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 222-19 et 222-44 du Code pénal, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Lise Y... coupable de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois sur la personne de Quitterie Z... et l'a condamnée à la peine de dix-huit mois de prison avec sursis et à l'interdiction d'exercer la profession de sage-femme pendant cinq ans ;

"aux motifs que la durée de la souffrance foetale, qui ne peut être confondue avec l'accélération naturelle lors du travail ultime, a été estimé à 37 minutes ; que, comme il a déjà été noté, quand bien même il conviendrait de retirer du décompte le temps nécessaire à la péridurale où le tracé a été interrompu, il est constant que la phase critique et malheureusement suffisante pour opérer des dégâts irréversibles peut être évaluée à 30 minutes ; qu'il est en revanche incontestable que le débranchement du monitoring à un moment déterminant, alors que les signes manifestes de troubles cardiaques majeurs étaient visibles sur le tracé depuis plusieurs minutes, a empêché de suivre avec l'efficacité voulue l'évolution des opérations expliquant que le médecin n'a été appelé qu'à la dernière minute, sans urgence, au moment où l'expulsion était imminente ; qu'une alerte plus précoce et un suivi du monitoring auraient permis une intervention instrumentale, accélérant la libération de l'enfant ; que Lise Y... était présente durant toute la phase du travail préalable à l'accouchement ; qu'aucun autre accouchement n'était en cours dans le même temps ; que, pour des raisons qu'elle ne peut expliquer de façon pertinente, Lise Y..., contrairement à toute logique et à ses obligations professionnelles, n'a pas su reconnaître les signes évidents de bradycardie figurant sur le monitoring avant son débranchement, comme le remarquent justement les premiers juges ; qu'elle n'a pas surveillé les bruits du coeur foetal et s'est privée par la suite de le faire en mettant hors de fonctionnement l'appareil ; qu'elle a omis d'appeler le médecin au moment le plus crucial alors qu'elle devait avoir conscience ou

connaissance des complications graves qui se manifestaient visiblement ; qu'il est incontestable que l'ensemble des fautes commises par la sage-femme signe un manquement grave à une obligation de prudence ou de sécurité ; qu'au regard de la nature de sa mission, de son expérience et des moyens qu'elle avait à sa disposition, elle n'a pas accompli les diligences normales alors qu'il était impératif de surveiller l'évolution du travail et les réactions du foetus ; qu'elle a, par ses négligences répétées et déterminantes, notamment en débranchant le monitoring et en n'appelant pas le médecin à temps malgré l'évolution négative du travail, contribué à créer les séquelles ayant porté atteinte à l'enfant en ne prenant pas les mesures permettant de les éviter et a ainsi commis une faute caractérisée qui a exposé l'enfant à naître à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ; qu'il y a donc lieu d'entrer en voie de condamnation à son encontre ; que n'ayant jamais été condamnée précédemment, elle peut bénéficier du sursis pour la totalité de la peine que les premiers juges ont fixé, eu égard à la particulière gravité des faits à 18 mois d'emprisonnement, assortie d'une interdiction logique d'exercer la profession dans laquelle elle a commis les faits, pour une durée de cinq ans ;

"alors que, le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que le délit réprimant les coups et blessures involontaires causées à autrui ayant entraîné une interruption totale de travail pendant plus de trois mois soit étendu au cas de l'enfant à naître" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-19 et 222-44 du Code pénal, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Lise Y... coupable de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois et de l'a condamnée à la peine de dix-huit mois de prison avec sursis et à l'interdiction d'exercer la profession de sage-femme pendant cinq ans ;

"aux motifs que la durée de la souffrance foetale, qui ne peut être confondue avec l'accélération naturelle lors du travail ultime, a été estimé à 37 minutes ; que, comme il a déjà été noté, quand bien même il conviendrait de retirer du décompte le temps nécessaire à la péridurale où le tracé a été interrompu, il est constant que la phase critique et malheureusement suffisante pour opérer des dégâts irréversibles peut être évaluée à 30 minutes ; qu'il est en revanche incontestable que le débranchement du monitoring à un moment déterminant, alors que les signes manifestes de troubles cardiaques majeurs étaient visibles sur le tracé depuis plusieurs minutes, a empêché de suivre avec l'efficacité voulue l'évolution des opérations expliquant que le médecin n'a été appelé qu'à la dernière minute, sans urgence, au moment où l'expulsion était imminente ; qu'une alerte plus précoce et un suivi du monitoring auraient permis une intervention instrumentale, accélérant la libération de l'enfant ; que Lise Y... était présente durant toute la phase du travail préalable à l'accouchement ; qu'aucun autre accouchement n'était en cours dans le même temps ; que, pour des raisons qu'elle ne peut expliquer de façon pertinente, Lise Y..., contrairement à toute logique et à ses obligations professionnelles, n'a pas su reconnaître les signes évidents de bradycardie figurant sur le monitoring avant son débranchement, comme le remarquent justement les premiers juges ; qu'elle n'a pas surveillé les bruits du coeur foetal et s'est privée par la suite de le faire en mettant hors de fonctionnement l'appareil ; qu'elle a omis d'appeler le médecin au moment le plus crucial alors qu'elle devait avoir conscience ou connaissance des complications graves qui se manifestaient visiblement ; qu'il est incontestable que l'ensemble des fautes commises par la sage-femme signe un manquement grave à une obligation de prudence ou de sécurité ; qu'au regard de la nature de sa mission, de son expérience et des moyens qu'elle avait à sa disposition, elle n'a pas accompli les diligences normales alors qu'il était impératif de surveiller l'évolution du travail et les réactions du foetus ; qu'elle a, par ses négligences répétées et déterminantes, notamment en débranchant le monitoring et en n'appelant pas le médecin à temps malgré l'évolution négative du travail, contribué à créer les séquelles ayant porté atteinte à l'enfant en ne prenant pas les mesures permettant de les éviter et a ainsi commis une faute caractérisée qui a exposé l'enfant à naître à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ; qu'il y a donc lieu d'entrer en voie de condamnation à son encontre ; que n'ayant jamais été condamnée précédemment, elle peut bénéficier du sursis pour la totalité de la peine que les premiers juges ont fixé, eu égard à la particulière gravité des faits à 18 mois d'emprisonnement, assortie d'une interdiction logique d'exercer la profession dans laquelle elle a commis les faits, pour une durée de cinq ans ;

"alors que, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque qu'elles ne pouvaient ignorer ; que Lise Y... faisait valoir que les experts judiciaires divergeaient entre eux sur la lecture des résultats du tracé du monitoring dans les dix-sept minutes ayant précédé son débranchement, l'un énonçant "une possible souffrance foetale" et les autres "des signes alarmants" ; qu'elle affirmait donc que l'interprétation des résultats du monitoring était loin d'être aisée et qu'elle pouvait donc avoir ignoré les risques que courait l'enfant à naître ; qu'en décidant néanmoins qu'en débranchant le monitoring alors que des signes évidents de troubles cardiaques étaient visibles depuis plusieurs minutes, elle avait commis une faute caractérisée qui avait exposé l'enfant à naître à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer, sans relever les éléments lui permettant d'affirmer, en présence de cette contradiction affectant les rapports d'expertise, en quoi les signes figurant sur le monitoring démontraient de façon évidente et manifeste une souffrance foetale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Chantal Z..., à l'issue d'un accouchement suivi par Lise Y..., sage-femme, a mis au monde, avec l'aide du docteur Louis A..., une enfant prénommée Quitterie ; que cette enfant, née avec une écharpe du cordon, un apgar à 3/10 et réanimée à plusieurs reprises, souffre, en raison de lésions cérébrales, d'un grave handicap physique et de déficience mentale ; que Lise Y... et Louis A... ont été poursuivis pour blessures involontaires ayant entraîné pour l'enfant une incapacité totale de travail supérieure à trois mois ; que Louis A... a été relaxé ;

Attendu que, pour déclarer Lise Y... coupable des faits reprochés, l'arrêt, après avoir relevé que l'état de santé de l'enfant a pour cause une souffrance foetale anoxique sévère, retient, au vu d'expertises qui ne se contredisent pas, que la prévenue n'a pas su reconnaître les signes évidents de bradycardie figurant sur le monitoring depuis dix-sept minutes avant le débranchement de l'appareil ; qu'ayant mis l'appareil hors de fonctionnement durant les vingt dernières minutes de l'accouchement, elle s'est privée de la possibilité de surveiller les bruits du coeur foetal ; qu'enfin, elle a omis d'appeler le médecin à temps malgré l'évolution négative du travail ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que la prévenue, qui n'a pas pris les mesures permettant d'éviter la réalisation du dommage dont souffre l'enfant Quitterie Z..., a commis une faute caractérisée qui exposait celle-ci à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer, au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Lise X..., épouse Y..., à payer aux consorts Z... la somme de 2 500 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Beaudonnet conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-84648
Date de la décision : 04/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, 30 avril 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 mai. 2004, pourvoi n°03-84648


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.84648
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