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28/04/2004 | FRANCE | N°01-84554

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 avril 2004, 01-84554


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Edwige,

contre les arrêts de la chambre de l'instruct

ion de la cour d'appel de NIMES :

- le premier, en date du 28 mai 2001, qui, dans l'in...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Edwige,

contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NIMES :

- le premier, en date du 28 mai 2001, qui, dans l'information suivie contre elle pour meurtre, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;

- le second, en date du 15 janvier 2004, qui l'a renvoyée devant la cour d'assises du VAUCLUSE sous l'accusation de meurtre et de modification des lieux d'un crime en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 28 mai 2001 :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 152, 153, 154, 170, 171, 173, 593 et 802 du Code de procédure pénale, et 132 du décret du 20 mai 1903 portant règlement sur le service de gendarmerie, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué du 28 mai 2001 a rejeté les moyens de nullité soulevés par Edwige X... relatifs à ses auditions dans le cadre d'une garde à vue, et sous serment, par des officiers de police judiciaire agissant dans le cadre d'une commission rogatoire ;

"aux motifs qu'aucune disposition du Code de procédure pénale n'interdit le placement en garde à vue d'une partie civile, dès lors qu'existent à son encontre, des indices faisant présumer qu'elle a commis l'infraction pour laquelle elle s'est constituée partie civile ; que son audition ainsi recueillie dans le cadre de la garde à vue est étrangère au champ d'application de l'article 152, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; qu'il ne saurait pas davantage être reproché aux enquêteurs d'avoir, par application des articles 153 et 154 du Code de procédure pénale, fait prêter serment à Edwige X..., mesure qui ne porte nullement atteinte à ses intérêts, et alors même que tous ses droits lui ont été immédiatement notifiés ;

"alors que, d'une part, les officiers de police judiciaire agissant dans l'exécution d'une commission rogatoire, ne peuvent procéder à l'audition des parties civiles ; qu'il s'ensuit que la personne qui s'est constituée partie civile dans le cadre d'une procédure d'instruction, ne peut être entendue en qualité de personne éventuellement impliquée dans les faits poursuivis que par le juge d'instruction, de sorte que les officiers de police judiciaire ne peuvent procéder à son audition dans le cadre d'une garde à vue ; que la chambre de l'instruction, en décidant le contraire, a violé les articles 152 du Code de procédure pénale et 132 du décret du 20 mai 1903 ;

"alors que, d'autre part, seuls les témoins doivent prêter serment ; que le fait d'imposer, à une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a participé aux faits poursuivis, la prestation de serment, qui implique le devoir de dire la vérité et qui enlève à la personne soupçonnée la possibilité de se défendre librement ou de se taire, constitue une atteinte aux droits de la défense et ce, même si la personne gardée à vue s'est vue notifier ses droits attachés à la garde à vue ; qu'en affirmant que le fait d'avoir fait prêter serment à Edwige X... ne portait pas atteinte à ses intérêts, au motif inopérant que ses droits lui avaient été immédiatement notifiés, la chambre de l'instruction a violé les articles 153 et 154 du Code de procédure pénale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans la nuit du 16 au 17 juillet 2000, Edwige X... a indiqué aux services de secours que son mari venait d'être atteint, dans leur chambre à coucher, par un coup de feu tiré par des agresseurs inconnus, alors qu'elle dormait à ses côtés, ses deux fils étant présents dans la maison ; qu'une information pour meurtre a été ouverte le 28 juillet 2000, Edwige X... se constituant partie civile, le 9 août suivant, en son nom personnel et en qualité d'administratrice légale de ses fils mineurs ; que les constatations matérielles faites par les policiers et les résultats des expertises médico-légale, balistique et acoustique, sont apparus totalement incompatibles avec les explications données par Edwige X... et ses fils ; que les déclarations de cette dernière sur l'état de ses relations avec son mari et sur son ignorance des avantages financiers que lui procurait le décès de celui-ci ont été démenties par les éléments recueillis par les policiers ; qu'en l'état des soupçons pesant sur Edwige X..., le juge d'instruction a demandé aux policiers de la placer en garde à vue et de l'entendre sur commission rogatoire ;

Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation présenté par Edwige X..., pris de l'irrégularité de son placement en garde à vue et de son audition sur commission rogatoire, serment prêté, en violation des articles 152, alinéa 2, 153 et 154 du Code de procédure pénale, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Que, d'une part, ne constituent pas une cause de nullité le placement en garde à vue et l'audition par les policiers, sur commission rogatoire, d'une personne, dès lors qu'il existe à son encontre des indices faisant présumer qu'elle a commis l'infraction, objet de l'information, ou qu'elle y a participé, quand bien même se serait-elle constituée partie civile dans cette procédure ;

Que, d'autre part, il résultait des dispositions combinées des articles 105, 113-1, 153 et 154 du Code de procédure pénale, dans leur rédaction applicable aux faits, qu'une personne placée en garde à vue sur commission rogatoire du juge d'instruction pouvait être entendue par l'officier de police judiciaire après avoir prêté le serment prévu par la loi, dès lors qu'il n'existait pas à son encontre des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le juge d'instruction était saisi ou qu'elle n'était pas nommément visée par un réquisitoire introductif ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

II- Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 15 janvier 2004 :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 221-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que, par l'arrêt attaqué du 15 janvier 2004, la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance rendue le 30 juillet 2003 par le juge d'instruction, prononçant la mise en accusation d'Edwige X... du chef d'homicide volontaire, et l'a renvoyée de ce chef devant une cour d'assises ;

"aux motifs qu'aucun élément n'a permis d'accréditer la thèse, soutenue par Edwige X..., de l'intrusion à son domicile, de tiers ; que les déclarations de l'intéressée sur le déroulement des faits sont incompatibles avec les conclusions des experts ; que l'instruction a mis en évidence une vie conjugale "houleuse" voire marquée du sceau de la violence ; que certains propos d'Edwige X... sont peu compatibles avec le seul statut de veuve ; que Yohann Y..., plusieurs mois après les faits, a formellement mis en cause sa mère comme étant l'auteur des faits, et n'a pas fourni d'explication sensée sur sa rétractation ;

"alors que le crime d'homicide volontaire suppose l'intention d'homicide, c'est-à-dire la volonté de donner la mort ;

qu'une telle volonté n'est caractérisée ni par l'absence d'éléments de preuve de l'intrusion d'un tiers, ni par la prétendue incompatibilité des déclarations d'Edwige X... avec les conclusions des experts, ni par l'existence d'une vie conjugale "houleuse", ni par les propos tenus par l'intéressée lors de son appel téléphonique ou en présence d'un enquêteur, ni enfin par les déclarations de Yohann Y..., précisant qu'après la détonation il s'était précipité dans la chambre de ses parents et avait vu sa mère près de la fenêtre, un fusil de chasse posé sur le lit (cf. arrêt p. 22, 5) ; qu'en prononçant la mise en accusation d'Edwige X... du chef d'homicide volontaire, sans caractériser l'intention homicide, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;

Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre Edwige X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de meurtre ;

Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits, objet principal de l'accusation, retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;

Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, MM. Sassoust, Lemoine conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-84554
Date de la décision : 28/04/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

GARDE A VUE - Instruction - Commission rogatoire - Exécution - Audition - Audition d'une personne s'étant constituée partie civile dans la procédure - Possibilité.

INSTRUCTION - Commission rogatoire - Exécution - Garde à vue - Audition - Audition d'une personne s'étant constituée partie civile dans la procédure - Possibilité

Ne constituent pas une cause de nullité le placement en garde à vue et l'audition, par les policiers sur commission rogatoire, d'une personne, dès lors qu'il existe à son encontre des indices faisant présumer qu'elle a commis l'infraction, objet de l'information, ou qu'elle y a participé, quand bien même se serait-elle constituée partie civile dans cette procédure.


Références :

Code de procédure pénale 105, 113-1, 152 alinéa 2, 153, 154

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes (chambre de l'instruction), 28 mai 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 avr. 2004, pourvoi n°01-84554, Bull. crim. criminel 2004 N° 103 p. 396
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 103 p. 396

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: Mme Caron.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.84554
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