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27/04/2004 | FRANCE | N°03-83296

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 avril 2004, 03-83296


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Roland, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 12 mai 2003, qui, dans la procédure suivie contre Marcel Y... du chef

de dénonciation calomnieuse, après avoir constaté l'extinction de l'action publique ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Roland, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 12 mai 2003, qui, dans la procédure suivie contre Marcel Y... du chef de dénonciation calomnieuse, après avoir constaté l'extinction de l'action publique par la prescription, a prononcé sur l'action civile ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-10, 226-11 du Code pénal, 7 et 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'action publique prescrite concernant les faits visés dans la citation à comparaître en date du 21 janvier 2000 délivrée à Marcel Y... à la requête de Me Roland X... ;

"aux motifs que "Roland X..., avocat au barreau de Marseille, a engagé, en décembre 1994, une procédure de taxe à l'encontre de son client, Marcel Y..., procédure qui devait aboutir, le 17 janvier 1996, à une décision définitive de la cour d'appel d'Aix-en-Provence favorable à cet avocat ; que "relativement à cette procédure, Marcel Y... a adressé, entre le 16 février 1995 et le 12 septembre 1996, diverses plaintes, dirigées contre Roland X..., au bâtonnier de l'Ordre des avocats de Marseille, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille et au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour manquement au devoir de délicatesse, subornation de témoin, tentative d'escroquerie et usage de faux" ;

que "ces plaintes ont donné lieu à des échanges de courriers, le dernier, en date du 22 octobre 1996, adressé par le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Marseille à Roland X..., rédigé en ces termes : "en mains votre courrier du 17 octobre qui fait suite aux éléments de réponse que vous m'avez fait parvenir. Je vous demanderais de bien vouloir surseoir à toutes initiatives pendant deux semaines. Je vous fixerai ensuite d'une façon définitive" ; qu' "aucune poursuite pénale ou disciplinaire n'a été engagée à l'encontre de Roland X... à la suite des plaintes déposées par Marcel Y..." ; que "Roland X... a adressé, le 3 novembre 1999, au bâtonnier de l'Ordre des avocats de Marseille, une lettre dans laquelle il a écrit : "plus de trois ans s'étant écoulés depuis la formulation de sa dernière plainte, je vous serais obligé de bien vouloir me confirmer qu'aucune d'elles n'a eu de suite, ce qui me permettra de demander à Marcel Y... réparation du préjudice qu'il m'a ainsi causé" ; que "la réponse faite à ce courrier n'a pas été produite par la partie civile laquelle a fait citer Marcel Y... devant le tribunal correctionnel par acte du 21 janvier 2000" ; que "l'infraction prévue par l'article 226-10 du Code de procédure pénale est consommée lorsque la dénonciation est parvenue à l'autorité compétente pour y donner suite ; que c'est à cette date que commence à courir la prescription de l'action publique, laquelle est suspendue jusqu'à la décision mettant définitivement fin aux poursuites pénales ou disciplinaires exercées contre la personne dénoncée du fait de la dénonciation" ; qu' "en l'espèce, en l'absence de toute poursuite pénale ou disciplinaire, la prescription de l'action publique n'a pas été suspendue" ; que "Ie courrier adressé par Roland X... au bâtonnier de l'Ordre des avocats de Marseille le 3 novembre 1999 ne peut avoir aucun effet sur la prescription, déjà acquise, la dernière dénonciation étant parvenue à son destinataire, le procureur général près la cour d'appel dAix-en-Provence, le 18 septembre 1996, ainsi qu'en fait foi l'échange de courriers, produits par la partie civile, intervenu à ce propos, soit plus de trois ans auparavant" ;

"alors que l'action publique est suspendue pendant les poursuites disciplinaires ; que la cour d'appel qui constatait que la partie civile n'avait pas produit la réponse faite par le bâtonnier à son courrier par lequel elle demandait à être fixée sur le sort des différentes plaintes déposées par le prévenu, ne disposait d'aucun élément pour considérer qu'aucune poursuite disciplinaire n'était en cours à l'encontre de Roland X... ; qu'en ne recherchant pas si les procédures disciplinaires initiées par les plaintes du prévenu avaient pris fin, la cour d'appel, faute d'avoir fait usage de ses pouvoirs d'information, s'est prononcée par des motifs purement hypothétiques, sur l'absence de poursuites disciplinaire, et, partant, privé sa décision de base légale" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, 226-10 du Code pénal, 459, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a, infirmant le jugement entrepris, relaxé Marcel Y... pour les faits de dénonciation calomnieuse résultant de la plainte avec constitution de partie civile pour faux, usage de faux et escroquerie au jugement déposée par lui pour faux et escroquerie au jugement ;

"aux motifs que, "Marcel Y... a déposé, le 15 mars 1996, entre les mains du doyen des juges d'instruction d'Aix-en-Provence, une plainte avec constitution de partie civile pour faux, usage de faux et escroquerie au jugement, plainte déposée contre X mais visant nommément Roland X... ; qu' "au vu de cette plainte, une information a été ouverte, le 29 mars 1996, des chefs d'escroquerie, faux et usage de faux" ; que, "par ordonnance en date du 7 septembre 1998, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre pour insuffisance de charges" ; que, "par arrêt définitif du 14 janvier 1999, la chambre d'accusation d'Aix-en-Provence a confirmé l'ordonnance de non lieu" ; que "le délit de dénonciation calomnieuse prévu par l'article 226-10 du Code pénal suppose, pour être constitué, la dénonciation faite à l'autorité compétente pour y donner suite de faits susceptibles d'entraîner des poursuites pénales ou disciplinaires dont la fausseté est établie" ;

qu' "aux termes de cet article, la fausseté des faits dénoncés résulte nécessairement d'une décision définitive de non-lieu" ; que "saisis d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, les juges ne peuvent, en pareille hypothèse, que rechercher si, au moment de la dénonciation, le prévenu connaissait ou non la fausseté des faits dénoncés" ; que "le dépôt, entre les mains du doyen des juges d'instruction d'Aix-en-Provence, des chefs de faux, usage de faux et escroquerie au jugement, d'une plainte avec constitution de partie civile, expressément dirigée contre Roland X..., lequel a bénéficié d'une décision définitive de non-lieu, constitue l'élément matériel du délit de dénonciation calomnieuse" ; qu' "il appartient seulement à la Cour de rechercher si l'élément intentionnel de ce délit est constitué" ; que "cet élément intentionnel réside dans la connaissance qu'avait le dénonciateur, le jour de la dénonciation, de la fausseté des faits dénoncés, la légèreté ou la témérité n'impliquant pas nécessairement, par elles-mêmes, la mauvaise foi et le dessein de nuire étant, à lui seul, insuffisant pour la caractériser" ; que "dans sa plainte avec constitution de partie civile Marcel Y... a exposé qu'il avait été condamné, par ordonnance du 17 janvier 1996, à payer à Roland X..., son avocat, la somme de 933 020 francs à titre d'honoraires, sur la base d'un taux horaire de 1 000 francs, au vu des documents dans lequel celui-ci avait détaillé ses diligences" ; qu' "il est indiqué : "qu'ayant ainsi été condamné, il s'est aperçu, à l'examen détaillé des relevés de diligence et de temps passé, qu'il avait été victime d'une escroquerie de la part de Me Roland X... qui, pour obtenir sa condamnation, n'a pas hésité à fournir des relevés entachés de faux sur la base desquels il a été statué" ; qu' "ainsi, aux termes de la plainte, Roland X... aurait faussement mentionné dans le relevé de ses déplacements et vacations des instructions qui auraient eu lieu un samedi et auraient duré 6 heures, des audiences qui se seraient tenues le samedi ou le dimanche, des rendez-vous d'une durée de 6 à 8 heures, des diligences sur une même journée excédant 24 heures" ; que "dans son arrêt du 14 janvier 1999, la chambre d'accusation d'Aix-en-Provence a motivé sa décision en ces termes : "il résulte des pièces de la procédure que l'information n'a pas permis d'établir que ces indications étaient mensongères ; "en effet, Me Roland X... a expliqué que certains libellés du décompte, par exemple "instruction le...", "audience du ...", regroupaient sous cette rubrique le temps passé à travailler sur le dossier ou à préparer les mémoires en vue d'une instruction, d'un rendez-vous ou d'une audience ; "de la sorte, les libellés qui mentionnent des instructions ou des audiences les samedis ou dimanches ne sont pas mensongers en eux-mêmes, dès lors qu'il n'est pas contesté que Me Roland X... ait pu être amené à travailler les samedis et dimanche ;

"Me Roland X... a expliqué en outre qu'il pouvait être amené à travailler plusieurs jours sur un dossier et, à l'issue, rédiger une fiche de saisie pour son secrétariat, sur laquelle il notait le travail et le nombre d'heures effectuées ; "ces fiches étaient alors saisies informatiquement le jour où elles étaient remises et enregistrées au secrétariat ; "aucun élément du dossier ne permet de contredire les explications de Me Roland X... ; "en outre, il y a lieu de relever que les contestations de la partie civile n'avaient pas été formulées devant le premier président de la cour d'appel ; "enfin, le simple fait pour une partie à une instance judiciaire de formuler des prétentions inexactes ou exagérées n'est pas constitutif du délit de tentative d'escroquerie au jugement, dès lors, comme cela est le cas en l'espèce, que l'action n'a pas été engagée de mauvaise foi et que les prétentions ne sont accompagnées d'aucun faux document externe ni de manoeuvres destinées à surprendre la religion du juge" ; qu' "il résulte des énonciations de cette décision définitive, que, comme le soutenait Marcel Y... dans sa plainte avec constitution de partie civile, le relevé des diligences produit par Roland X... à l'appui de sa demande d'honoraires comportait un certain nombre d'inexactitudes" ; que "dans sa plainte, Marcel Y... n'a dénoncé que ces inexactitudes dont il pouvait légitimement penser qu'elles étaient susceptibles de recevoir une qualification pénale" ; qu' "il n'est nullement démontré qu'il ait sciemment dénaturé les faits dénoncés" ; que "l'élément intentionnel du délit de dénonciation calomnieuse n'étant pas établi, il y a lieu de renvoyer le prévenu des fins de la poursuite" ;

"alors, d'une part, que la cour d'appel qui constatait, dans son arrêt du 17 janvier 1999, devenu définitif, que la chambre d'accusation saisie des poursuites initiées par la plainte avec constitution de partie civile du prévenu pour faux, usage de faux et escroquerie au jugement, avait estimé que les fiches d'honoraires de la SCP X... arguées de faux ne comportaient aucune mention erronée, ne pouvait sans se contredire et sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée, retenir que le détail des honoraires comportaient des inexactitudes ;

"alors, d'autre part, que, selon l'article 175 du décret du 27 novembre 1991, les contestations concernant le montant des honoraires et le recouvrement des honoraires ne peuvent être réglées qu'en recourant à la procédure de taxe prévue par ce décret ;

qu'à défaut d'avoir contesté devant le bâtonnier le montant des honoraires demandé lorsque le compte détaillé des honoraires lui avait été fourni, le prévenu savait que la demande d'honoraires ne comportait aucune mention fausse ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 226-10 du Code pénal ;

"alors, enfin, que, dans ses conclusions, la partie civile soutenait que, pendant la procédure de recouvrement des honoraires, le prévenu n'avait pas contesté les justificatifs des honoraires qui lui étaient soumis, qu'il avait admis la valeur des prestations fournies affirmant avoir déjà payé ces dernières ce dont il résultait nécessairement que le prévenu avait connaissance de l'absence de fausseté du détail des honoraires lorsqu'il a porté plainte ; que, faute d'avoir répondu à ce moyen présenté par la partie civile dans ses conclusions régulièrement déposées, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Roland X... a, par citation du 21 janvier 2000, poursuivi Marcel Y... devant la juridiction correctionnelle pour dénonciation calomnieuse à raison notamment de plaintes que celui-ci avait adressées au bâtonnier de l'ordre des avocats, au procureur de la République de Marseille et au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence entre le 16 février 1995 et le 12 septembre 1996 ;

Attendu que, pour constater, de ce chef, l'extinction de l'action publique par la prescription, la cour d'appel, après avoir énoncé qu'aucune suite n'a été donnée à ces plaintes, retient que la dernière d'entre elle est parvenue à son destinataire le 18 septembre 1996 ;

Attendu qu'en l'état de tels motifs, et dès lors que le point de départ du délai de prescription du délit de dénonciation calomnieuse se place au jour où la dénonciation est parvenue à l'autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, les juges ont justifié leur décision ;

D'où il suit que les moyens, le second étant devenu inopérant, ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83296
Date de la décision : 27/04/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, 12 mai 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 avr. 2004, pourvoi n°03-83296


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83296
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