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27/04/2004 | FRANCE | N°01-13831;01-15975

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 avril 2004, 01-13831 et suivant


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° E 01-13.831 et n° K 01-15.975, qui sont connexes ;
Attendu qu'à la suite du naufrage du navire "L'Estonia", le 28 septembre 1994, dans les eaux internationales entre l'Estonie et la Suède, certains ayants droit ont assigné en réparation de leur préjudice, le 13 septembre 1996, devant le Tribunal de première Instance de Stockholm, les sociétés Estline Marine Ltd et autres, en tant qu'armateurs et responsables de la gestion du navire (ci-après les armateur

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° E 01-13.831 et n° K 01-15.975, qui sont connexes ;
Attendu qu'à la suite du naufrage du navire "L'Estonia", le 28 septembre 1994, dans les eaux internationales entre l'Estonie et la Suède, certains ayants droit ont assigné en réparation de leur préjudice, le 13 septembre 1996, devant le Tribunal de première Instance de Stockholm, les sociétés Estline Marine Ltd et autres, en tant qu'armateurs et responsables de la gestion du navire (ci-après les armateurs), lesquels ont appelé en garantie le Bureau Véritas, domicilié en France, et la société Jos L. Meyer Werft, constructeur du bateau, dont le siège est situé en Allemagne ; que, sur le fondement de l'article 198 de la loi maritime suédoise qui détermine restrictivement les catégories d'ayants droit recevables à agir, ces demandeurs ont été déclarés irrecevables par un arrêt confirmatif de la cour d'appel de Svéa du 7 janvier 2001, qui fait l'objet d'un recours devant la Cour suprême de Suède ; que, parallèlement, les 19, 27 et 30 septembre 1996, 1321 ayants droit des victimes ont assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre, pour la même cause et le même objet, l'Administration maritime suédoise, le Bureau Véritas et la société Jos L. Meyer Werft ; que ces derniers ont alors appelé en garantie les armateurs dont la société Silja finance Oy, venant aux droits du premier armateur, la société Rederi Ab Sally ; que la société Silja finance Oy, aux droits de laquelle se trouve aujourdhui la société Silja Oyj ABP (Silja), a, pour sa part, soulevé l'incompétence du tribunal en l'état d'une clause prévoyant un arbitrage à Londres contenue dans les clauses générales des contrats du Bureau Véritas ; que l'arrêt attaqué a, d'une part, rejeté l'exception d'incompétence opposée par Silja, et, d'autre part, n'a pas accueilli l'exception de connexité soulevée par les défendeurs en application des articles 22 des conventions de Bruxelles du 27 septembre 1968 et de Lugano du 16 septembre 1988 ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° K 01-15.975 de la société Silja Oij ABP, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré la société Silja mal fondée en son contredit, d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il l'avait déboutée de son exception d'incompétence et d'avoir en conséquence renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de nanterre, alors, selon le moyen :
1 / qu'en présence d'une clause compromissoire le juge doit décliner sa compétence et renvoyer les parties à l'arbitrage ; qu'en l'espèce, en retenant sa propre compétence à l'effet de statuer sur l'existence et l'applicabilité de la convention d'arbitrage invoquée par la société Silja, la cour d'appel a violé le principe selon lequel il revient à l'arbitre de statuer prioritairement sur sa propre compétence et par suite sur l'existence, la validité et l'étendue de la convention d'arbitrage, de même que l'article 1458 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en statuant sur l'existence et l'applicabilité de la convention d'arbitrage invoquée par la société Silja, par des motifs impropres à caractériser la nullité ou l'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en retenant que ce sont les conditions générales en vigueur en 1980, date de la certification du navire par le Bureau Véritas, qui doivent s'appliquer et que celui-ci justifiait qu'à cette époque, seule une clause attributive de juridiction figurait dans les conditions générales de vente et non une clause compromissoire qui n'a été introduite qu'en 1990, la cour d'appel, caractérisant ainsi l'inapplicabilité manifeste au litige de la clause d'arbitrage invoquée, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur la troisième branche du moyen unique du pourvoi principal n° E 01-13.831 du Bureau Véritas et sur le premier moyen du pourvoi incident provoqué de la société Jos L. Meyer Werft :
Vu les articles 22 des conventions de Bruxelles du 27 septembre 1968 et de Lugano du 16 septembre 1988 ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de connexité opposée par les défendeurs et refuser de se dessaisir au profit des juridictions suédoises, l'arrêt attaqué retient que l'issue du pourvoi devant la Cour suprême "est ici singulièrement hypothétique" et que, les demandeurs ayant été déclarés irrecevables par la cour d'appel de Svéa, le risque de contrariété de jugement quant aux causes du naufrage et aux responsabilités, seul critère à retenir, est en réalité inexistant puisque tant la juridiction suédoise du premier degré que celle du second degré ont scellé à ce jour le sort des actions engagées devant elles ;
Attendu que les dispositions relatives à la connexité des articles 22 des conventions susvisées, qui sont identiques et qui ont pour objet d'assurer une meilleure coordination de l'exercice de la fonction juridictionnelle à l'intérieur de l'espace européen, ne se limitent pas à des décisions sur le fond du litige, mais peuvent affecter des décisions sur la recevabilité et sur le fond, dès lors qu'elles seraient inconciliables ;
qu'en se prononçant par des motifs hypothétiques, imprécis ou inopérants, la cour d'appel, qui, sans établir le fondement juridique des instances tant en France qu'en Suède, n'a pas caractérisé l'absence de risque de contrariété des décisions en cause, alors qu'elle avait relevé que le recours devant la Cour suprême de Suède était toujours pendant et que, si la décision d'irrecevabilité était annulée, le Tribunal de première instance de Stockholm demeurait saisi, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi du Bureau Véritas ni sur le second moyen du pourvoi incident provoqué de la société Jos L. Meyer :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Bureau Véritas et la société Jos L. Meyer de leur exception de connexité, l'arrêt rendu le 7 juin 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Fait masse des dépens et les laisse à la charge de la société Silja Oyj ABP ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept avril deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 01-13831;01-15975
Date de la décision : 27/04/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° ARBITRAGE - Arbitrage international - Convention d'arbitrage - Inapplicabilité manifeste - Applications diverses.

1° ARBITRAGE - Arbitrage international - Compétence de la juridiction étatique - Cas - Inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage 1° ARBITRAGE - Arbitrage international - Compétence de la juridiction étatique - Cas - Nullité de la convention d'arbitrage 1° ARBITRAGE - Arbitrage international - Arbitre - Pouvoirs - Décision sur sa propre compétence.

1° En vertu du principe selon lequel il appartient à l'arbitre de statuer sur sa propre compétence, la juridiction de l'Etat saisi d'un litige destiné à l'arbitrage doit se déclarer incompétente sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage. Une cour d'appel caractérise l'inapplicabilité manifeste au litige de la clause invoquée, et partant, la compétence de la juridiction étatique en retenant d'abord que ce sont les conditions générales en vigueur à la date de l'acte litigieux qui doivent s'appliquer et, ensuite, qu'il est établi qu'à cette date ces conditions générales comportaient une clause attributive de juridiction et non une clause compromissoire, une telle clause n'y ayant été introduite qu'ultérieurement.

2° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Connexité - Définition - Convention de Lugano du 16 septembre 1988 - Portée.

2° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Connexité - Définition - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Portée 2° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Convention de Lugano du 16 septembre 1988 - Article 22 - Connexité - Définition 2° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Article 22 - Connexité - Définition 2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Lugano du 16 septembre 1988 - Compétence internationale - Article 22 - Connexité - Définition 2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence internationale - Article 22 - Connexité - Définition.

2° Les dispositions relatives à la connexité des articles 22 des conventions de Bruxelles du 27 septembre 1968 et de Lugano du 16 septembre 1988, qui sont identiques et qui ont pour objet d'assurer une meilleure coordination de l'exercice de la fonction juridictionnelle à l'intérieur de l'espace européen, ne se limitent pas à des décisions sur le fond du litige, mais peuvent affecter des décisions sur la recevabilité et sur le fond, dès lors qu'elles seraient inconciliables. Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui, pour écarter une exception de connexité avec une juridiction étrangère, se prononce par des motifs hypothétiques, imprécis ou inopérants, sans établir le fondement juridique des instances en cause, et sans caractériser l'absence de risque de contrariété des décisions, alors qu'elle avait relevé qu'un recours devant la juridiction étrangère était toujours pendant et que cette juridiction demeurait saisie du litige.


Références :

2° :
Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 art. 22
Convention de Lugano du 16 septembre 1988 art. 22

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 juin 2001

Sur le n° 1 : Dans le même sens que : Chambre civile 1, 2004-03-30, Bulletin, I, n° 96, p. 77 (rejet), et les arrêts cités. Sur le contrôle par la Cour de cassation du lien de connexité, dans le même sens que : Chambre civile 1, 2002-01-08, Bulletin, I, n° 2, p. 1 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 avr. 2004, pourvoi n°01-13831;01-15975, Bull. civ. 2004 I N° 112 p. 91
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 I N° 112 p. 91

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey
Avocat général : Avocat général : M. Cavarroc.
Rapporteur ?: Plusieurs conseillers rapporteurs : M. Pluyette, Mme Pascal.
Avocat(s) : Avocats : Me Foussard, La SCP Delaporte, Briard et Trichet, Me Le Prado, Me Cossa.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.13831
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