AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 octobre 2002), que par acte sous seing privé du 30 juin 1997, la société civile immobilière (SCI) Nevada a consenti à la société Chez Le X... Jules un bail portant sur des locaux à usage commercial pour une durée de deux mois du 1er juillet au 31 août 1997, ce bail étant soumis, de convention expresse entre les parties, aux dispositions de l'article L. 145-5 du Code de commerce ; que la SCI Nevada ayant signé, le 4 septembre 1997, un nouveau bail portant sur le même local avec une société Bungalow, la société Chez Le X... Jules a assigné, le 24 avril 1998, ces deux sociétés pour qu'il soit constaté que, du fait de son maintien dans les lieux, elle était titulaire depuis le 1er septembre 1997 d'un bail commercial de neuf ans, qu'il soit ordonné sous astreinte à la SCI Nevada de lui laisser l'accès libre au local litigieux et qu'il soit ordonné à la société Bungalow de quitter ledit local ;
Attendu que la société Chez Le X... Jules fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne peut prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux alors, selon le moyen :
1 / qu'il appartient au bailleur, pour éviter la substitution d'un bail réglementé au bail dérogatoire conclu avec le preneur qui s'est maintenu dans les lieux loués au terme contractuel, d'établir qu'il avait demandé au preneur de quitter les lieux ; qu'en affirmant, en l'espèce, à l'inverse, qu'il appartenait à la société Chez Le X... Jules d'établir qu'elle a été laissée en possession des locaux et encore que la société Chez Le X... Jules n'ayant pas continué son exploitation dans les locaux, postérieurement au 31 août 1997, la charge de la preuve de l'application des dispositions de l'article 3-2, alinéa 2, du décret du 30 septembre 1953 lui incombe, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;
2 / que le preneur titulaire d'un bail dérogatoire bénéficie des dispositions statutaires dès lors qu'il a été laissé en possession au terme convenu ; qu'ayant constaté en l'espèce qu'au terme contractuel du bail dérogatoire liant les parties, marquant la fin de la saison, la société Chez Le X... Jules avait laissé dans les lieux loués des installations frigorifiques et en avait conservé la clé, payant en outre l'équivalent d'un loyer, sans constater par ailleurs une quelconque démarche de la part de la société Nevada visant à aviser la locataire de ce qu'elle devait quitter les lieux, la cour d'appel se devait de constater la reconduction automatique du bail dans les conditions de l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953 ; qu'en refusant à cet égard de tirer les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions susvisées de l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953, ensemble le statut des baux commerciaux qui s'appliquait au bail nouveau ;
3 / qu'en affirmant que la société qui louait le local avant la société Chez Le X... Jules avait les mêmes gérants que celle-ci, que cette société a fait l'objet d'une procédure collective, circonstance qui pourrait expliquer le paiement de la somme de 4 000 francs, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs hypothétiques et dubitatifs, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953 ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la preuve n'était pas rapportée que la société Chez Le X... Jules eût continué à occuper matériellement les locaux litigieux, la cour d'appel a pu, abstraction faite de motifs surabondants, en déduire qu'elle ne pouvait revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Chez Le X... Jules aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Chez Le X... Jules à payer à la société civile immobilière Nevada la somme de 1 900 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille quatre.