AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'envisageant une réorganisation de l'unité de fabrication de Reims, la société BSN Glass Pack a soumis ce projet au comité d'établissement, réuni à cette fin les 16 juin, 10 juillet et 21 septembre 1998 ; qu'ultérieurement, en janvier 1999, l'employeur a présenté un autre projet de restructuration de l'entreprise et un plan social qui prévoyait sur cinq années la suppression de 93 emplois, sans licenciement ; que ce projet a été débattu devant le comité d'établissement, les 27 janvier, 9 et 17 mars, 13 et 22 avril et 12 mai 1999 ; qu'en mars 2000, le comité d'établissement, et deux syndicats ont saisi le tribunal de grande instance d'une demande tendant à faire juger qu'un plan social devait être présenté dès le mois de juin 1998 et à obtenir l'annulation de la procédure de licenciement engagée l'année suivante ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal du comité d'établissement et des syndicats :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Reims, 13 mai 2002) d'avoir dit que l'employeur n'était pas tenu de mettre en oeuvre la procédure d'information-consultation du comité d'établissement avant le mois de janvier 1999 alors, selon le moyen :
1 / qu'en affirmant que les dispositions de l'article L. 321-1 du Code du travail ne sont applicables que dans la mesure où la modification d'un élément essentiel du contrat de travail affecte la nature même des fonctions au détriment des salariés, et en écartant leur application aux faits de l'espèce dès lors que des modifications de contrats de travail se faisaient en faveur des salariés concernés, la cour d'appel a ajouté aux dispositions de l'article L. 321-1 du Code du travail une condition qu'elles ne comportent pas et, partant, les a violées ;
2 / que, dans leurs conclusions, les organisations représentatives du personnel et syndicales intéressées faisaient valoir que le plan BSN 2003 présenté au comité d'établissement au mois de janvier 1999 englobait la réorganisation du service "fusion" pourtant déjà engagée, de sorte que l'information-consultation du comité d'entreprise au titre du livre III du Code du travail n'était intervenue qu'à posteriori, de ce chef ; que faute d'avoir pris en considération ce chef des conclusions des organisations intéressées, la cour d'appel n'a pas, en tout cas, légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 321-4-1 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que les modifications décidées en juin 1998, pour les besoins de la réorganisation du service "fusion", ne pouvaient alors conduire l'employeur à envisager la rupture d'au moins dix contrats de travail dans une période de trente jours, sa décision échappe aux critiques du moyen ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal du comité d'établissement et des syndicats :
Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir refusé d'annuler l'ensemble de la procédure de licenciement entreprise en janvier 1999 alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le comité d'établissement avait été saisi du projet de réorganisation "BSN 2003" et exceptionnellement réuni pour information, consultation et avis les 27 janvier, 9 et 17 mars 1999 ; qu'ainsi, après avoir annulé la réunion du comité d'établissement du 27 janvier 1999, la cour d'appel, qui n'en a pas tiré toutes les conséquences sur la procédure subséquente, a violé l'article L. 432-1 du Code du travail ;
2 / qu'il résulte des constatations des juges du fond que la convocation qui indique l'ordre du jour était signée par le président du comité d'établissement ; que, de ce chef, les organisations intéressées faisaient valoir que la non-signature conjointe des ordres du jour tendait à démontrer le caractère non-conjoint de ceux-ci, de sorte qu'il incombait à l'employeur de démontrer qu'il avait bien respecté le dispositif légal d'élaboration des ordres du jour des réunions du comité d'établissement ;
que, dès lors, en affirmant qu'il n'était pas démontré par les appelants que l'ordre du jour des réunions n'avait pas été arrêté conjointement par le chef d'établissement et le secrétaire du comité en conformité avec les dispositions de l'article L. 434-3 du Code du travail, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;
3 / qu'en affirmant que la nécessité d'une signature par le président et le secrétaire du comité d'établissement de l'ordre du jour avait été abordée lors de la réunion exceptionnelle du comité d'établissement le 22 avril 1999, dont résulte précisément la contestation de l'ordre du jour établi par le chef d'établissement sans prise en considération de l'ordre du jour déposé par le secrétaire de l'institution ;
que de ce chef, les juges du fond ont violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'une irrégularité affectant la procédure d'information-consultation permet seulement d'obtenir la suspension de la procédure, si elle n'est pas terminée, ou, à défaut, la réparation du préjudice subi à ce titre, à moins qu'une irrégularité affectant la saisine du comité ait été soulevée avant le terme de la procédure de consultation, à un moment où elle pouvait encore être suspendue et reprise et que l'employeur ait néanmoins notifié des licenciements ;
Et attendu que le comité d'établissement et les syndicats ayant saisi le tribunal après l'achèvement de la procédure d'information-consultation d'une demande qui tendait uniquement à l'annulation de la procédure de licenciement, les irrégularités affectant l'ordre du jour d'une réunion du comité ne pouvaient avoir pour effet d'entraîner la nullité de l'ensemble de la procédure de licenciement ;
Que le moyen est inopérant ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société BSN Glass Pack :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
Déclare non-admis le pourvoi incident
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille quatre.