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06/04/2004 | FRANCE | N°03-84471

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 avril 2004, 03-84471


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle LESOURD, la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bruno,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 1

6 avril 2003, qui, pour délit et contravention de violences, l'a condamné à 2 mois d'emprison...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle LESOURD, la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bruno,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 16 avril 2003, qui, pour délit et contravention de violences, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, ainsi qu'à 200 euros d'amende, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-11, 222-44, 222-45, 222-47 al. 1 du Code pénal, 427 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bruno X... coupable d'avoir commis volontairement des violences sur Eric Y..., ces violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours ;

"aux motifs que s'il reconnaissait avoir donné un coup de poing à Eric Y..., Bruno X... contestait formellement lui avoir administré des coups de pied lorsque celui-ci se trouvait à terre ; que la victime soutenait fermement et avec constance que, dans un premier temps, Stéphane Z... lui avait donné un coup de poing - celui-ci n'était pas poursuivi de ce chef et le contestait - et qu'ensuite Bruno X... l'avait frappé au sol à coups de pied ; qu'il ressortait des déclarations concordantes et précises d'Eric Y... lui-même, de son fils et de son épouse, que c'était un homme costaud habillé en tee-shirt noir qui avait frappé d'un coup de poing Eric Y..., en l'espèce, Stéphane Z... (formellement reconnu lors de la confrontation et identifié comme tel par Jocelyn A... sur description des gendarmes) ; qu'ensuite Bruno X... l'avait frappé à coups de pied à terre ;

que Christophe B... précisait avoir vu Bruno X... donner deux coups de poing violents à Eric Y... qui était aussitôt tombé à terre ; que Jonathan C..., ancien stagiaire de Bruno X..., avait vu celui-ci frapper violemment le père de Kenny qui était tombé à terre, et précisait qu'Eric Y... avait été aussi frappé autrement mais qu'il ne l'avait pas vu à ce moment-là ; que M. D... avait vu Eric Y... tomber à terre, Bruno X... venant de le frapper au visage et qu'Eric Y... n'avait pas été frappé au sol devant lui ; qu'il résultait de la combinaison de ces divers témoignages et attestations qui n'étaient contradictoires qu'en apparence au regard de la situation de bousculade généralisée que Bruno X... - qui faisait seul l'objet des poursuites à l'égard d'Eric Y... - avait non seulement administré un ou des coups de poing à la victime (sans exclure pour autant celui de Stéphane Z... non poursuivi de ce chef qui l'a fait chuter, mais l'avait frappé à terre par la suite ; que les témoignages de ceux qui avaient vu se relever Eric Y... qui, malgré ses douleurs, pouvait néanmoins marcher péniblement selon ses amis, n'étaient pas contradictoires avec les coups reçus - attestés par le certificat médical susvisé et le procès-verbal des gendarmes arrivés chez Eric Y... le 8 juillet 2001 à 2 heures 15 et constatant qu'il marchait avec des béquilles et que son genou était très enflé, l'incident du muret évoqué par l'un des témoins cité n'étant pas non plus nécessairement contradictoire avec les faits précédents, Eric Y... étant alors fragilisé dans sa marche ;

"alors, d'une part, que Julien E..., invité d'Eric Y..., a attesté avoir été présent lors de la bagarre, avoir vu Bruno X... "mettre un coup de poing" à Eric Y... puis à son fils Kenny, mais a surtout témoigné, par écrit et à la barre, de ce que, après avoir reçu le coup de poing de Bruno X..., Eric Y... marchait très bien lorsque le groupe est reparti et que c'est sur le pas de la porte de sa maison, alors qu'il voulait retourner au lieu de la bagarre et qu'il en a été "retenu de force" par Grégory F..., qu'il avait heurté le muret et était tombé en criant et qu'ensuite son genou avait commencé à enfler ; que cette déclaration dont la véracité n'est contestée par personne ne permettait pas de retenir Bruno X... dans les liens de la prévention pour avoir porté volontairement des coups et causé des blessures ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours ; qu'en se mettant en contradiction avec ce témoignage précis, la cour d'appel a privé la déclaration de culpabilité de base légale ;

"alors, d'autre part, que le témoin Julien E... ayant attesté que, après la bagarre, Eric Y... marchait très bien pour regagner sa maison et qu'il s'était blessé sur le muret, la Cour ne pouvait, pour retenir la culpabilité de Bruno X..., se contenter d'énoncer que cet incident n'était "pas non plus nécessairement contradictoire avec les faits précédents, Eric Y... étant alors fragilisé dans sa marche" ; qu'en effet la fracture n'était nullement la conséquence de cette prétendue fragilisation mais du fait qu'ayant voulu retourner sur les lieux de la bagarre et en ayant été retenu de force par un membre de sa famille, il avait alors heurté le muret en tombant ; que n'ayant pas démontré que la fracture était la conséquence directe et exclusive des coups prétendument donnés par Bruno X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité ;

"alors, de troisième part, que les gendarmes n'étant intervenus qu'à 2 heures 15 du matin et après la chute sur le muret, le fait qu'ils aient constaté qu'alors Eric Y... marchait avec des béquilles et que son genou était très enflé, n'est pas de nature à permettre d'affirmer que la fracture du tibia ultérieurement diagnostiqué serait la conséquence des coups prétendument portés par Bruno X... à Eric Y... avant qu'il ne retourne chez lui ; que cette énonciation est inopérante pour justifier la déclaration de culpabilité ;

"alors, de quatrième part, que, contrairement aux affirmations de l'arrêt attaqué, Eric Y... n'a nullement mis en cause spontanément Bruno X... comme étant la personne qui l'avait frappée à coups de pied alors qu'il était au sol ; que, entendu sur ce point, l'intéressé a déclaré (pièce n° 8) "aussitôt le même individu m'a donné un violent coup de poing au visage ;

je suis tombé au sol où j'ai presque perdu connaissance ; alors que j'étais au sol, le nommé Bruno X..., me semble-t-il, m'a donné plusieurs coups de pied sur le corps et au niveau des jambes", ajoutant que cela lui avait été précisé "par son fils Kenny" ; que, dès lors, la Cour ne pouvait, sans se mettre en contradiction avec les pièces du dossier, affirmer que la victime soutenait fermement et avec constance que Bruno X... l'avait frappé au sol à coups de pied ; que cette contradiction prive la déclaration de culpabilité de base légale ;

"alors, de cinquième part, que, dans ses conclusions, Bruno X... faisait valoir que les déclarations de Patricia Y..., épouse d'Eric Y..., devaient être examinées avec circonspection, cette personne se trouvant, lors des faits, à 150 mètres environ du lieu de la bagarre, qu'elle ne faisait que répéter maladroitement les déclarations de son fils et qu'Eric Y... lui-même ne faisait que répéter les déclarations de son fils Kenny "qui lui avait bien précisé que c'était Bruno X... qui l'avait frappé" ;

que la Cour ne pouvait, sans s'expliquer sur ces conclusions tirées des déclarations mêmes de la victime, de sa femme et de son fils, affirmer que "les déclarations d'Eric Y..., de son fils et de son épouse étaient concordantes et précises" dès lors qu'Eric Y... et son épouse ne rapportaient pas ce qu'ils avaient vu de façon indépendante, mais rapportaient les seules accusations de leur fils ; que ce défaut de réponse à conclusions prive la déclaration de culpabilité de base légale ;

"alors, enfin, que les déclarations contradictoires des témoins relativement à la culpabilité d'un prévenu laissent planer sur la culpabilité dudit prévenu, un doute qui doit lui profiter, celui-ci ne pouvant être tenu avec certitude comme l'auteur du délit pour lequel il est poursuivi s'il n'y a aucun fait objectif matériel établissant le lien direct entre les faits poursuivis et le préjudice ; qu'en l'espèce, seul Eric Y..., sa femme Patricia et leur fils Kenny, dont l'impartialité peut être suspectée, accusaient avec insistance Bruno X... d'avoir porté des coups à Eric Y... alors qu'il était à terre, qu'aucun des autres témoins de la bagarre ne confirme ces déclarations ; qu'il résulte, en effet, du procès-verbal d'audition - de Dimitri D... (pièce n° 18) qu'il a vu Eric Y... tomber par terre, que Bruno X... venait de le frapper au visage, qu'il avait entendu la tête d'Eric Y... cogner le sol, le témoin ajoutant qu'il l'avait secouru car il était bien sonné et, sur interpellation, "qu'il n'a pas été frappé au sol devant moi", - de Christophe B... (pièce n° 14), qu'il a bien vu Bruno X... donner deux coups de poing violents à Eric Y... qui était aussitôt tombé à terre et qu'il avait retenu le fils Y... qui voulait s'en prendre à Bruno X... pour défendre son père ; - de l'attestation, remise à Bruno X..., par Jocelyn A... qu'il avait vu Eric Y... au cours de la soirée "bien debout et bien en forme", que c'était le seul qui était agressif envers Bruno X... qu'il insultait, qu'il ne se plaignait ni de son genou ni d'autre part, que lui-même lui avait dit de se calmer et qu'il l'avait insulté à son tour, qu'il l'avait vu rentrer chez lui "bien sur ses deux jambes sans boiter du tout et toujours aussi excité" ; qu'en présence de ces témoignages, la Cour ne pouvait se borner à affirmer que ces témoignages et attestations n'étaient "contradictoires qu'en apparence au regard d'une situation de bousculade généralisée" ; que ces témoignages qui excluent sans ambiguïté la culpabilité de Bruno X... laissaient en tout cas planer sur sa culpabilité un doute qui aurait dû lui profiter, les témoignages contraires ne pouvant, en aucun cas, permettre de le retenir dans les liens de la prévention ; qu'en affirmant, sans autrement sans expliquer, que les

témoignages n'étaient contradictoires qu'en apparence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-44, 222-45, 222-47, al. 1, du Code pénal, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, ensemble violation du principe du contradictoire ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré Bruno X... coupable d'avoir commis volontairement des violences sur Eric Y..., ces violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, a évoqué et condamné le prévenu à réparer le préjudice d'Eric Y... et de la Poste ;

"aux motifs qu'il résultait du rapport d'expertise qu'atteint de contusions de la face, de la mâchoire, du bras et du coude gauche, d'une égratignure du coude droit et d'une fracture de l'extrémité supérieure du tibia gauche, il avait subi une incapacité temporaire totale de travail du 8 juillet au 31 octobre 2001 puis du 27 mai au 18 juin 2002 ;

"alors que la censure qui sera prononcée sur le fondement du premier moyen de cassation aura pour conséquence d'annuler l'arrêt attaqué sur les condamnations civiles mises à la charge de Bruno X..." ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments les infractions dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-84471
Date de la décision : 06/04/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, 16 avril 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 avr. 2004, pourvoi n°03-84471


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.84471
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