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16/03/2004 | FRANCE | N°03-82453

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mars 2004, 03-82453


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize mars deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pierre, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS,

11ème chambre, en date du 13 mars 2003, qui, dans la procédure suivie contre Axel Y... d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize mars deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pierre, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 13 mars 2003, qui, dans la procédure suivie contre Axel Y... du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29, alinéa 1, 32, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit qu'Axel Y... n'a pas commis une faute ouvrant droit à réparation au bénéfice de Pierre X... et a en conséquence débouté Pierre X... de ses demandes formées au titre de la constitution de partie civile ;

"aux motifs propres que la légitimité du but poursuivi ne peut être contesté, s'agissant de l'évocation de l'affaire très médiatisée de vente d'armes en Angola mettant en cause Charles Z... et les personnes de son entourage ; que, par ailleurs, l'animosité personnelle du journaliste n'est pas démontrée ; que la bonne foi doit s'apprécier au regard du genre littéraire de l'article en cause ; que l'information relative à la mise en examen de Pierre X..., notamment pour trafic d'influence et commerce illicite d'armes, qui n'est pas contestée, avait préalablement à la date de parution de l'article poursuivi au mois de juin 2001, déjà été largement diffusée, ainsi qu'en témoignent les articles de presse versés aux débats par le prévenu et le civilement responsable ; que l'article incriminé n'est pas un article d'investigation mais un article très sommaire, qui se présente sous forme d'une "brève", destinée à informer rapidement le lecteur d'un fait d'actualité, de manière synthétique et dans un style direct et vif ; qu'il convient d'estimer, en conséquence, que le genre et l'esprit de l'article poursuivi permettaient au journaliste de présenter comme il l'a fait, un point d'actualité déjà très médiatique, sans que l'absence d'une enquête sérieuse et d'une prudence suffisante dans l'expression ne puisse lui être, en l'espèce, reprochée ; qu'il s'ensuit que le bénéfice de la bonne foi doit être retenu à l'égard d'Axel Y... et la société Prisma Presse ;

"alors que, les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec intention de nuire et que cette prétention n'est détruite que lorsque les juges du fond s'appuient sur des faits justificatifs suffisants pour faire admettre la bonne foi ; que la bonne foi de la personne recherchée pour diffamation, suppose notamment l'absence d'animosité personnelle ; que la cour d'appel ne pouvait donc pour retenir le bénéfice de la bonne foi à l'égard du prévenu après avoir affirmé que la diffamation été constituée, se contenter de relever que l'animosité personnelle du journaliste n'était pas démontrée ; qu'il lui appartenait en effet de détruire la présomption de mauvaise foi en établissant l'absence d'animosité personnelle du journaliste ;

"alors qu'un article de presse, fût-il sous forme de "brève", ne peut s'affranchir de l'enquête sérieuse et de la prudence dans l'expression ; qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait, pour retenir le bénéfice de la bonne foi à l'égard du prévenu, affirmer que le genre et l'esprit de l'article, présenté sous forme d'une brève, destinée à informer rapidement le lecteur d'un fait d'actualité, de manière synthétique et dans le style direct et vif, permettaient au journaliste de s'affranchir de la nécessité d'une enquête sérieuse et d'une prudence suffisante dans l'expression" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Pierre X... a fait citer, devant le tribunal correctionnel, Axel Y..., directeur de la publication, à raison de la publication dans le magazine "Capital" d'un article contenant notamment les propos suivants : "Charles Z... est visé par deux informations judiciaires ouvertes le 19 avril dans le cadre du dossier des ventes d'armes à l'Angola. Les juges le soupçonnent d'avoir bénéficié des largesses du trafiquant Pierre X... pour financer le RPF..." ; que, pour dire qu'Axel Y... n'avait pas commis de faute ouvrant droit à réparation au bénéfice de Pierre X..., la cour d'appel, après avoir relevé que le qualificatif de trafiquant faisait référence au délit de commerce illicite d'armes et qu'il portait atteinte à l'honneur et à la considération, retient, pour admettre Axel Y... au bénéfice de la bonne foi, que l'article incriminé se présente sous forme de "brève", genre littéraire qui autorise le journaliste à présenter les faits dans un style direct et vif sans que l'absence d'enquête sérieuse et de prudence dans l'expression puisse lui être reprochée ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la brièveté d'un article de presse n'autorise pas le journaliste à s'affranchir de son devoir de vérifier, par une enquête préalable, l'information qu'il publie pas plus qu'elle ne le dispense de faire preuve de prudence dans l'expression de la pensée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 13 mars 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Pierre X..., de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Nocquet, Palisse conseillers de la chambre ;

Avocat général : M. Chemithe ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-82453
Date de la décision : 16/03/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Preuve contraire - Conditions.

La brièveté d'un article de presse n'autorise pas le journaliste à s'affranchir de son devoir de vérifier, par une enquête préalable, l'information qu'il publie pas plus qu'elle ne le dispense de faire preuve de prudence dans l'expression de la pensée (1).


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 29

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 mars 2003

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1995-05-23, Bulletin criminel 1995, n° 191, p. 520 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 mar. 2004, pourvoi n°03-82453, Bull. crim. criminel 2004 N° 66 p. 254
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 66 p. 254

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Chemithe.
Rapporteur ?: M. Valat.
Avocat(s) : la SCP Gatineau, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.82453
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