AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 2166 du Code civil et l'article 142 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte authentique du 16 novembre 1987, la Banque nationale de Paris, aux droits de laquelle vient la BNP-Paribas (la banque), a consenti à la société Entreprise X...
Y... et compagnie (la société X...
Y...) une ouverture de crédit de 1 500 000 francs ; qu'en garantie de cette ouverture de crédit, M. X...
Y... et son épouse se sont constitués cautions hypothécaires de la société et ont affecté à cette garantie un immeuble ;
que l'hypothèque a été publiée le 17 décembre 1987 et renouvelée le 4 décembre 1996 ; que, le 2 février 1989, les époux X...
Y... ont vendu le bien hypothéqué à la société X...
Y... qui a été elle-même absorbée le 1er octobre 1992 par la société Gemac X...
Y... (la société Gemac) ; que cette dernière société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires par jugements des 29 mars 1996 et 30 mai 1997 ; que, le 23 avril 1996, la banque a déclaré une créance de 126 898,83 francs à titre chirographaire ; que, par ordonnance du 18 décembre 1997, le juge-commissaire a ordonné la vente de l'immeuble ; que l'état de collocation établi par le liquidateur a écarté la banque de la distribution du prix au motif que la déclaration de créance faite par la banque l'avait été à titre chirographaire ; que la banque a contesté l'état de collocation devant le tribunal de grande instance en faisant valoir qu'elle bénéficiait d'un droit de suite sur l'immeuble faute d'accomplissement des formalités de purge lors de la vente intervenue le 2 février 1989 et a demandé à être colloquée au premier rang hypothécaire sur le prix de la distribution ; que, par jugement du 24 janvier 2000, le tribunal a rejeté la demande de la banque ; que la banque a interjeté appel ;
Attendu que pour rejeter la contestation de la banque de l'état de collocation, la cour d'appel a retenu qu'en application de l'article 2167 du Code civil, la société X...
Y... et la société Gemac étaient devenues débiteurs hypothécaire de la banque, que l'article L. 621-44 du Code de commerce impose au créancier de préciser, dans sa déclaration de créance, la nature du privilège ou de la sûreté dont sa créance est assortie et que le droit de suite conféré par l'article 2166 du Code civil au titulaire d'une hypothèque ne saurait faire échec aux dispositions d'ordre public de l'article L. 621-44 du Code de commerce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors, d'un côté, que la banque était devenue créancier chirographaire de la société Gemac du fait de la fusion absorption de la société X...
Y... et, de l'autre, qu'elle exerçait son droit de suite et de préférence sur l'immeuble hypothéqué dont la société Gemac n'était devenue propriétaire que postérieurement à la constitution de l'hypothèque, ce dont il résultait qu'elle devait être colloquée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 avril 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la BNP-Paribas ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quatre.