AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif déféré (Basse-Terre, 12 mars 2001), qu'aux termes de plusieurs actes, conclus entre 1993 et 1994, M. X... s'est porté caution personnelle et solidaire des engagements souscrits par la société Caraïbe Steel structure (la société) envers la Banque française commerciale Antilles Guyane (la banque), à concurrence d'un certain montant ; que la société ayant été mise en redressement, puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution en exécution de ses engagements ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action initiée par la banque contre lui et de l'avoir, en conséquence, condamné à verser à celle-ci la somme de 3 250 000 francs, alors, selon le moyen, que le jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire suspend toute action contre les cautions personnelles, personnes physiques, jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation ; que la cour d'appel a constaté que la banque avait diligenté une action contre M. X... après la mise en redressement judiciaire de la société mais avant le prononcé de la liquidation judiciaire de celle-ci ; qu'en considérant dès lors que le prononcé de la liquidation aurait fait disparaître la cause d'irrecevabilité de l'action initialement engagée par la banque, sans constater la délivrance par celle-ci d'une nouvelle procédure après la liquidation seule susceptible de couvrir le vice constaté, la cour d'appel a violé les articles 55 de la loi du 25 janvier 1985 et 126 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs adoptés, que M. X... s'est porté caution par actes des 25 août 1993, 2 février 1994, 2 juillet 1994 et 12 avril 1995, ce dont il résulte que les dispositions de l'article 55, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-48, alinéa 2, du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1994, applicables aux cautionnements souscrits à compter de la date de publication de cette loi, ne pouvaient concerner les deux premiers cautionnements, antérieurs ; que, s'agissant des engagements signés postérieurement, la cour d'appel, après avoir rappelé les dispositions de l'article 126 du nouveau Code de procédure civile, a retenu que si lors de l'assignation du 26 juin 1998, la société était en redressement judiciaire, elle avait été mise en liquidation judiciaire le 4 décembre 1998, et en a déduit exactement que la banque était recevable à poursuivre la caution sans nouvelle assignation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à la banque la somme de 3 250 000 francs en principal, alors, selon le moyen, que tout créancier qui réclame à la caution, après mise en redressement judiciaire du débiteur principal, le paiement de sa créance est tenu de justifier de la déclaration de celle-ci et donc de son existence ; qu'en rejetant le moyen de M. X... tiré de l'absence de déclaration de la créance de la banque à la liquidation judiciaire de la société, prétexte pris que son absence de vérification ne mettait pas obstacle à la demande de paiement contre la caution, la cour d'appel, qui a confondu la déclaration de la créance induisant son existence et sa vérification, a violé l'article 2011 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs tant propres qu'adoptés, que la banque avait déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la société, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, sans encourir le grief du moyen ; que celui-ci est sans fondement ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait enfin grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de condamnation de la banque pour octroi d'un crédit disproportionné, alors, selon le moyen, que la responsabilité d'une banque est engagée en cas de dispense de crédit ou de demande d'engagement de caution disproportionné par rapport aux ressources et au patrimoine de la caution ; qu'en déboutant dès lors M. X... de son action en responsabilité contre la banque pour méconnaissance du principe de proportionnalité, au seul motif pris de l'absence d'indication de la composition de son patrimoine, sans inviter M. X..., au besoin en rouvrant les débats, à s'expliquer sur la composition de son patrimoine et l'étendue de ses ressources, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que, dès lors que M. X... invoquait la responsabilité de la banque en soutenant, dans ses conclusions, que "la garantie offerte par lui était sans aucun rapport avec ses ressources et son patrimoine", il lui appartenait d'apporter la preuve de la faute alléguée, de sorte qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte cité au moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Banque française commerciale Antilles Guyane ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quatre.