AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'engagé le 30 mai 1988 par la société Yvan Beal en qualité de VRP exclusif, M. X... a été victime le 20 janvier 1990, d'un accident du travail à la suite duquel il a été déclaré le 23 juillet 1991, par le médecin du travail inapte à la reprise de ses fonctions antérieures ;
qu'il a bénéficié par la suite de nouveaux arrêts de travail puis a été placé en invalidité première catégorie le 31 janvier 1994 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaire, de remboursement d'une retenue sur salaire, de résiliation judiciaire du contrat et d'indemnité de clientèle ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de rappel de salaire pour la période courant de février 1991 à décembre 1996 et tendant à voir constater la rupture du contrat sur l'initiative de l'employeur, alors, selon le moyen :
1 ) que la circonstance que le salarié se trouve, à l'issue de l'arrêt de travail provoqué par un accident du travail, en arrêt de travail pour maladie non professionnelle, ne s'oppose pas à ce que le médecin du travail se prononce, dans le cadre de la visite de reprise tel que prévu à l'article R. 241-51 du Code du travail, sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait antérieurement à l'accident du travail dont il était victime ; qu'en affirmant cependant que l'article L. 122-32-5 du Code du travail ne serait pas applicable en l'espèce du fait que suite à un arrêt de travail consécutif à un accident du travail, le salarié avait transmis des arrêts de travail jusqu'en février 1997, la cour d'appel a violé l'article 122-32-5 du Code du travail ;
2 ) qu'à supposer même que l'article L. 122-32-5 du Code du travail ne soit pas applicable, M. X... faisait valoir que l'article L. 122-24-4 du Code du travail prévoyait des dispositions du même ordre pour les maladies ou les accidents non professionnels ; qu'en omettant de répondre à ce chef pertinent de conclusion, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) que les avis du médecin du travail délivrés, dans les conditions de l'article R. 241-51 du Code du travail, en vue de la reprise du travail par le salarié mettent fin à la période de suspension du contrat de travail, peu important que le salarié ait continué à bénéficier d'arrêts de travail de son médecin traitant par la suite ; qu'en affirmant cependant qu'en l'espèce, le salarié ayant continué à adresser régulièrement des arrêts de travail, la visite médicale intervenue avant la reprise ne pouvait constituer une visite médicale de reprise, le contrat étant toujours suspendu, sans dire en quoi les prescriptions de l'article R. 241-51 du Code du travail n'étaient pas réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-24-4, L. 122-32-5 et R. 241-51 du Code du travail ;
4 ) que les sommes versées au salarié par l'assurance maladie ou un organisme de prévoyance en vigueur dans l'entreprise ne peuvent être déduites des sommes dues par l'employeur en application de l'article L. 122-32-5 du Code du travail, quand bien même cela conduirait le salarié à percevoir davantage que son salaire d'activité ; qu'en écartant la demande du salarié aux motifs qu'il avait perçu les indemnités compensatrices de la perte de salaire au titre de l'assurance maladie et de l'INPR à partir du 1er février 1994, la cour d'appel a violé l'article L. 122-32-5 du Code du travail ;
5 ) qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre Il du Code du travail ; que la décision de classement d'un salarié en invalidité ne peut valoir rupture du contrat de travail, qu'en affirmant néanmoins que le contrat de travail avait pris fin de facto à partir de la mise en invalidité du salarié le 1er février 1994, la cour d'appel a violé l'article L. 122-45 du Code du travail ;
6 ) que le manquement de l'employeur à son obligation de reprendre le paiement des salaires par application de l'article L. 122-32-5 du Code du travail constitue une rupture du contrat qui doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en refusant de constater que la rupture du contrat était intervenue sur l'initiative de l'employeur quand M. X... n'avait perçu aucun salaire suite aux avis du médecin du travail délivrés, dans les conditions de l'article R. 241-51 du Code du travail, en vue de la reprise du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 122-32-5 du Code du travail ;
Mais attendu que seul l'examen pratiqué par le médecin du travail, dont doit bénéficier le salarié à l'issue des périodes de suspension lors de la reprise du travail en application des alinéas 1 à 3 de l'article R. 241-51 du Code du travail met fin à la période de suspension du contrat de travail provoqué par un accident du travail ;
Et attendu que la cour d'appel qui a constaté que le salarié avait continué à adresser des arrêts de travail à son employeur après les visites médicales de juillet 1991, a exactement décidé que le contrat de travail demeurait suspendu ; qu'elle en a à bon droit déduit que le salarié ne pouvait réclamer le paiement de ses salaires ni prétendre à la résiliation judiciaire du contrat pour non-paiement de ceux-ci ; que par ce seul motif, abstraction faite du motif erroné critiqué par la cinquième branche du moyen, elle a légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en remboursement d'une retenue sur salaire effectuée en juillet 1991 alors, selon le moyen, que la prescription de l'article L. 143-14 du Code du travail ne s'applique qu'aux éléments du salaire qui revêtent un caractère de périodicité ; qu'en l'espèce, le salarié entendait contester le droit de l'employeur de mettre ponctuellement à sa charge le coût de la marchandise volée dans son véhicule ; que la créance litigieuse ne concernait donc pas un élément du salaire et n'était pas périodique ;
qu'en jugeant cependant que sa demande était soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 143-14 du Code du travail, la cour d'appel a violé la disposition précitée du Code du travail ;
Mais attendu que selon l'article L. 143-14 du Code du travail l'action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2277 du Code civil ; que cette prescription s'applique à une demande de remboursement de somme prélevée à tort sur le salaire par l'employeur au titre d'un vol de marchandises appartenant à l'entreprise, laquelle s'analyse en une créance salariale ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 751-9 du Code du travail ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle, l'arrêt énonce qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'un examen comparatif du montant des commissions perçues en 1987 par M. Y... prédécesseur de M. X... et de celui perçu en 1989 par celui-ci montre que le montant perçu par lui était inférieur ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher qu'elle a été l'importance en nombre et en valeur de la clientèle créée, apportée ou développée et sans préciser si les modalités du commissionnement étaient identiques pour les deux salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande d'indemnité de clientèle l'arrêt rendu le 17 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Yvan Beal aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Yvan Beal à payer à M. X..., la somme de 1 100 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.