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25/02/2004 | FRANCE | N°02-17879

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 février 2004, 02-17879


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 juin 2002), que suivant connaissements émis entre le 28 novembre et le 9 décembre 1998, la société X... a pris en charge des marchandises renfermées dans des conteneurs sur les navires "Burgas" et "Renée X..." à destination de Fort-de-France ; que la société X... n'ayant pu décharger les conteneurs dans ce port les a transbordés sur un autre navire à destination de Carthagène (Colombie) puis les a réemba

rqués sur le navire "Providence" pour les acheminer à Fort-de-France ; que l...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 juin 2002), que suivant connaissements émis entre le 28 novembre et le 9 décembre 1998, la société X... a pris en charge des marchandises renfermées dans des conteneurs sur les navires "Burgas" et "Renée X..." à destination de Fort-de-France ; que la société X... n'ayant pu décharger les conteneurs dans ce port les a transbordés sur un autre navire à destination de Carthagène (Colombie) puis les a réembarqués sur le navire "Providence" pour les acheminer à Fort-de-France ; que la société X... ayant facturé les frais de réacheminement aux destinataires, la société Les Mutuelles du Mans assurances et quatre autres assureurs (les assureurs) ont indemnisé les destinataires de leur préjudice et, ainsi subrogés dans leurs droits, ont assigné la société X... en paiement ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande des assureurs, alors, selon le moyen :

1 / qu'en cas d'interruption de voyage, les frais de transbordement et le fret dû pour achever le déplacement de la marchandise sont en toute hypothèse à la charge de la marchandise lorsque l'interruption est due à une grève, peu important notamment que le transporteur ait eu conscience d'un risque d'interruption du voyage ;

qu'en mettant à la charge du transporteur, la société X..., les frais de réacheminement, lequel avait pour origine une grève des ouvriers de l'industrie bananière ayant entraîné un engorgement du port de Fort-de-France et la cessation de son activité, au motif inopérant selon lequel la société X... aurait eu connaissance de ce conflit social plusieurs jours avant l'émission des connaissements et aurait, en conséquence, délibérément pris le risque de charger les marchandises et de les acheminer à Fort-de-France, la cour d'appel a violé l'article 27, e, de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes, et les articles 40 et 47 du décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966 ;

2 / que seule la connaissance certaine de ce que le voyage sera interrompu en raison d'une grève peut justifier de mettre les frais de transbordement et le fret dû pour achever le déplacement de la marchandise à la charge du transporteur ; qu'en décidant néanmoins que la société X... devait supporter les frais de transbordement et le fret dû pour achever le déplacement motif pris de ce qu'elle avait conscience d'un risque d'interruption du voyage en raison d'une grève, après avoir relevé, d'une part, que les premiers connaissements avaient été émis le 28 novembre 1998 et, d'autre part, que le port de Fort-de-France avait continué de fonctionner et que les navires avaient pu être déchargés jusqu'au 13 décembre 1998, ce dont il résultait qu'à la date de l'émission des premiers connaissements, il n'était nullement certain que le voyage serait interrompu, la cour d'appel a violé l'article 27, e, de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes, et les articles 40 et 47 du décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966 ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 40 et 47 du décret du 31 décembre 1966, sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes qu'en cas d'interruption de voyage, les frais de transbordement et le fret dû pour achever le déplacement de la marchandise sont à la charge de la marchandise lorsque l'interruption est due à l'un des cas d'exonération de responsabilité énumérés à l'article 27 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes, notamment s'il s'agit de grèves ou lock-out ou d'arrêts ou entraves apportés au travail pour quelque cause que ce soit, sauf si l'interruption de voyage est due en tout ou en partie à une faute du transporteur ;

Attendu qu'après avoir relevé que les marchandises ont été transbordées et débarquées dans le port le plus proche de Fort-de-France en raison du blocage des accès de ce port consécutif à la grève des ouvriers des exploitations bananières et que ce blocage a commencé plusieurs jours avant l'émission des connaissements, l'arrêt retient que la société X..., professionnelle du transport maritime était parfaitement informée de la situation, qu'elle ne saurait ignorer que la poursuite du mouvement, dont elle ne pouvait connaître la durée, étant de nature à entraîner la congestion du port, les marchandises ne pouvaient plus en être évacuées et qu'elle a pris le risque de charger les marchandises et de les acheminer à Fort-de-France ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations d'où il résulte que la société X... a commis une faute qui est la cause de l'interruption du voyage, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société X... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les clauses apparaissant sur un connaissement sont en principe opposables au destinataire des marchandises et à l'assureur subrogé dans les droits de celui-ci ; qu'en considérant que la clause des connaissements, selon laquelle, en cas d'interruption de voyage pour quelque cause que ce soit, le cocontractant ayant droit à la marchandise doit payer toutes les dépenses supplémentaires occasionnées par cette interruption, n'était pas opposable aux destinataires, et par voie de conséquence aux assureurs subrogés dans leurs droits, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles 15 et 17 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit, que la clause des connaissements selon laquelle, en cas d'interruption du voyage pour quelle que cause que ce soit, le cocontractant, ayant droit à la marchandise, doit payer toutes les dépenses supplémentaires occasionnées par cette interruption, dérogeait à la règle légale, que l'acceptation de cette clause ne pouvait résulter de la seule circonstance que les ayants-droit à la marchandise en avaient reçu livraison et que la clause était donc inopposable aux assureurs subrogés dans les droits des destinataires ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société X... et condamne celle-ci à payer à la société Mutuelles du Mans, à la société GAN Incendie assurances, à la société Le Continent, à la société Generali France assurances, venant aux droits du GIE Generali transports, et à la société UAP Caraïbes la somme globale de 1 800 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-17879
Date de la décision : 25/02/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Interruption du voyage - Transbordement des marchandises - Frais - Charge - Détermination.

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Responsabilité - Interruption du voyage - Faute du transporteur - Portée.

1° Il résulte de la combinaison des articles 40 et 47 du décret du 31 décembre 1966 et de l'article 27 de la loi du 18 juin 1966, sur les contrats d'affrètement et de transports maritimes, qu'en cas d'interruption de voyage, les frais de transbordement et le fret dû pour achever le déplacement de la marchandises sont à la charge de la marchandise lorsque l'interruption est due notamment à des grèves ou lock-out ou à des arrêts ou entraves apportés au travail pour quelle que cause que ce soit sauf si l'interruption de voyage est due en tout ou partie à une faute du transporteur. Justifie dès lors sa décision de retenir la faute du transporteur comme étant la cause de l'interruption du voyage une cour d'appel qui relève que, lors de l'émission du connaissement, le transporteur, professionnel du transport maritime, informé de l'existence d'une grève de nature à affecter l'accès au port de destination et le déchargement des marchandises, a pris le risque de charger les marchandises et de les acheminer à ce port.

2° TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Connaissement - Indications - Clause de responsabilité - Opposabilité - Acceptation par le destinataire - Silence - Effet.

2° La clause du connaissement selon laquelle, en cas d'interruption du voyage pour quelle que cause que ce soit, le cocontractant, ayant droit à la marchandise, doit payer toutes les dépenses supplémentaires occasionnées par cette interruption dérogeant à la règle légale, son acceptation ne peut résulter de la seule circonstance que les ayants droit à la marchandise en ont reçu livraison.


Références :

Décret 66-1078 du 31 décembre 1966 art. 40, art. 47
Loi 66-420 du 18 juin 1966 art. 27

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 06 juin 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 fév. 2004, pourvoi n°02-17879, Bull. civ. 2004 IV N° 41 p. 39
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 IV N° 41 p. 39

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tricot.
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Vigneron.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Richard, la SCP Boré, Xavier et Boré.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.17879
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