AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, après avis de la Chambre commerciale, en application de l'article 1015-1 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 mars 2001), que la société France Riviera, propriétaire de locaux à usage commercial, a consenti trois baux sur ces locaux à la société Plein Ciel Nice ; que cette dernière ayant laissé s'accumuler un arriéré locatif, la société Marks and Spencer France (société Marks and Spencer), venue aux droits de la société France Riviera, lui a fait délivrer un commandement de payer le 29 avril 1998, puis l'a assignée en réglement de cet arriéré, ainsi que la société Plein Ciel diffusion, société mère du groupe auquel appartient la société Plein Ciel Nice ;
Attendu que la société Marks and Spencer fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande dirigée contre la société Plein Ciel diffusion, alors, selon le moyen :
1 / que, la présence des mêmes personnes aux organes de direction de la société-mère et de la filiale, l'utilisation d'un logo ou d'une marque commune, la décision prise unilatéralement par la société-mère d'arrêter l'activité de sa filiale, jointe à l'intervention de la première dans la vie et la fin d'un contrat conclu par la seconde, caractérisent l'immixtion de la société-mère dans la gestion de sa filiale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que le président du directoire de la société Plein Ciel diffusion participait aux conseils d'administration de la société Plein Ciel Nice, que les sociétés avaient un logo commun et que le président de la société-mère avait seul décidé la cessation d'activité de la filiale et avait, en conséquence, notifié à la société Marks et Spencer la libération des lieux loués, sans en déduire que la société-mère s'était immiscée dans la gestion de sa filiale, a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1832 du Code civil ;
2 / que, si l'unique interlocuteur du bailleur dans l'exécution du bail conclu avec la filiale est un représentant de la société-mère, l'immixtion de celle-ci dans la vie de la filiale est caractérisée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a estimé que la société Plein Ciel diffusion ne s'était pas immiscée dans la vie de sa filiale, sans rechercher si M. X..., membre du directoire de la société Plein Ciel diffusion, n'avait pas été l'unique interlocuteur de la société Marks et Spencer dans les négociations ayant précédé la résiliation du bail concédé à la société Plein Ciel Nice, ce qui caractérisait de plus fort l'immixtion de la société-mère dans la vie de sa filiale, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1832 du Code civil ;
3 / que, l'immixtion d'une société-mère dans la gestion de sa filiale justifie sa condamnation solidaire à régler les dettes de cette dernière ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a relevé les éléments propres à caractériser l'immixtion de la société Plein Ciel diffusion dans la gestion de la société Plein Ciel Nice, notamment dans l'exécution et la résiliation, consécutive à la décision de cessation d'activité de la filiale, du bail conclu avec la société Marks et Spencer, sans en déduire le préjudice subi par celle-ci, a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1832 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant pu retenir que, ni la participation de la société Plein Ciel diffusion au capital de sa filiale, ni l'usage d'un même logo par les deux sociétés, ni la participation de M. Y..., président du directoire de la société Plein Ciel diffusion aux conseils d'administration des différentes sociétés, ni les déclarations faites par celui-ci à la presse sur la pratique de son groupe, ne caractérisaient l'acte de gestion par immixtion et que le seul acte accompli par la société Plein Ciel diffusion, consistant à avoir décidé la cessation d'activité de la société Plein Ciel Nice et la libération consécutive des locaux loués par cette dernière, ne relevaient pas davantage d'un acte d'immixtion dans le contrat de location d'autant que cet acte n'était pas de nature à porter préjudice à la société bailleresse puisqu'il tendait à libérer des locaux pour lesquels les loyers n'étaient plus payés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre la société Marks and Spencer dans le détail de son argumentation, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Marks and Spencer France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Marks and Spencer France à payer à M. Z..., ès qualités, la somme de 1 900 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille quatre.