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24/02/2004 | FRANCE | N°03-83773

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 février 2004, 03-83773


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre février deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par

:

- X... Guy,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionn...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre février deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Guy,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 4 juin 2003, qui, pour exercice illégal de la profession de chirurgien dentiste en récidive, l'a condamné à 8 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 513, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce qu'il ne ressort pas sans équivoque des mentions de l'arrêt attaqué que Guy X... ou son avocat aient eu la parole les derniers ;

"alors que la règle selon laquelle le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers s'impose à peine de nullité ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, dont les mentions ne font pas expressément apparaître que Guy X... ou son avocat ont eu la parole les derniers lors de l'audience du 7 mai 2003, ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer qu'il a été satisfait aux prescriptions de l'article 513, alinéa 4, du Code de procédure pénale ; qu'ainsi, l'arrêt est entaché de nullité" ;

Attendu que l'arrêt attaqué mentionne qu'après l'interrogatoire du prévenu, l'audition des avocats des parties civiles et les réquisitions du ministère public, Me Y..., avocat du prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, avant que le président déclare que l'arrêt serait prononcé à une prochaine audience ;

Attendu qu'il résulte de ces mentions que l'avocat du prévenu a eu la parole le dernier, ainsi que le prescrit l'article 513, alinéa 4, du Code de procédure pénale ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 111-3, 111-4, 112-1 du Code pénal, L. 4141-1, L. 4161-2 et L. 4161-5 du Code de la santé publique, de l'article préliminaire, des articles 184, 385, 802, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Guy X... coupable d'exercice illégal de la profession de chirurgien dentiste en état de récidive légale, l'a condamné à une peine de 8 000 euros d'amende, a prononcé la confiscation au profit de l'Etat du matériel professionnel lui appartenant et s'est prononcé sur les intérêts civils ;

"alors, d'une part, que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ; que Guy X... ne pouvait pas savoir, à partir du libellé de l'article L. 4161-2 du Code de la santé publique, qui ne comportait pas de définition de l'art dentaire et ne renvoyait pas de façon expresse à un texte comportant une définition claire et précise, quels actes engageaient sa responsabilité pénale ; qu'en le condamnant néanmoins pour exercice illégal de la profession de chirurgien dentiste, la cour d'appel a violé le principe énoncé et les articles susvisés ;

"alors, d'autre part, que toute personne a le droit d'être informée d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont elle est l'objet ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de renvoi, qui était particulièrement imprécise en ce qui concerne les textes ayant fondé les poursuites, n'a pas permis au prévenu de se défendre efficacement ; qu'en retenant néanmoins la culpabilité de Guy X..., sur le fondement de l'article L. 4141-1 du Code de la santé publique, qui n'était pas visé dans l'acte de poursuite et sans que Guy X... ou son avocat aient été mis en mesure de présenter leurs observations, la cour d'appel a violé les articles précités, ensemble le principe du contradictoire et les droits de la défense" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure que Guy X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, sans être titulaire du diplôme requis, exercé illégalement la profession de chirurgien dentiste, en prenant part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un praticien, à la pratique de l'art dentaire, par consultation, acte personnel ou tous autres procédés, notamment prothétiques, en effectuant la pose et les essais d'appareil en bouche, infraction prévue et punie par les articles L. 4161-2 et L. 4161-5 du Code de la santé publique ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, qui soutenait que, en raison de l'imprécision de ses termes quant à la définition de l'art dentaire, le texte d'incrimination retenu était incompatible avec les dispositions des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt énonce que, selon l'article L. 4141-1 du Code de la santé publique, la pratique de l'art dentaire comporte le diagnostic ou le traitement des maladies de la bouche, des dents et des maxillaires, congénitales ou acquises, réelles ou supposées ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'article L. 4161-2 du Code précité sanctionne l'exercice illégal de l'art dentaire, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des textes invoqués au moyen, lequel ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 4141-1, L. 4161-2 et L. 4161-5 du Code de la santé publique, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Guy X... coupable d'exercice illégal de la profession de chirurgien dentiste en état de récidive légale, l'a condamné à une peine de 8 000 euros d'amende, a prononcé la confiscation au profit de l'Etat du matériel professionnel lui appartenant et s'est prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu'aux termes de l'article L. 4141-2 (sic) du Code de la santé publique, la pratique de l'art dentaire comporte le diagnostic et le traitement des maladies de la bouche, des dents et des maxillaires, congénitales ou acquises, réelles ou supposées ;

l'édentation est un phénomène pathologique, que le fait pour un prothésiste de prendre lui-même des empreintes et de procéder à la pose d'une prothèse dentaire s'analyse comme un diagnostic suivi d'un geste thérapeutique sans qu'il y ait lieu de distinguer qu'il s'agit de la mise en place d'un premier appareil, de l'ajustage ou du remplacement d'une prothèse existante ; qu'ainsi et contrairement à ce que soutient le prévenu les faits qui lui sont reprochés constituent bien l'infraction qui lui est reprochée ;

"alors, d'une part, que l'édentation n'est pas un phénomène pathologique mais uniquement le symptôme d'une éventuelle pathologie ; dès lors que la pathologie a été diagnostiquée et traitée par le chirurgien dentiste, la pose, l'ajustement et la réparation des prothèses qui ne supposent aucun diagnostic, sont des opérations mécaniques servant à reboucher la cavité ; qu'ainsi, faute d'avoir relevé un quelconque élément qui soit de nature à caractériser un exercice effectif de l'art dentaire à l'encontre de Guy X..., la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et l'a ainsi privé de toute base légale ;

"alors, d'autre part, que le juge ne peut ajouter des faits à ceux de la prévention, à moins que le prévenu ait accepté expressément d'être jugé sur ces faits nouveaux ; qu'en l'espèce, Guy X... n'a été poursuivi pour exercice illégal de l'art dentaire que pour avoir effectué la pose et les essais d'appareils en bouche ;

qu'en le déclarant coupable d'avoir pris des empreintes, sans qu'il ait accepté de comparaître volontairement sur ces faits, qui n'étaient pourtant pas compris dans la prévention, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs" ;

Attendu que, pour déclarer Guy X... coupable d'exercice illégal de l'art dentaire, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il a procédé à des actes relevant de cet art, tels que prise d'empreintes, pose et ajustement en bouche d'appareils dentaires ; que les juges ajoutent que la pose d'une prothèse dentaire est la conséquence d'un diagnostic ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'a pas modifié la prévention, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 4161-5 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a prononcé la confiscation au profit de l'Etat de tout le matériel professionnel appartenant à Guy X... ;

"alors qu'en vertu de l'article L. 4161-5 du Code de la santé publique seule la confiscation du matériel ayant permis l'exercice illégal de la profession de chirurgien dentiste peut être prononcée ; qu'en prononçant la confiscation de tout le matériel professionnel appartenant à Guy X..., qui exerçait la profession de prothésiste dentaire, sans distinguer entre le matériel qu'il utilisait dans le cadre exclusif de sa profession et celui dont il se serait servi pour exercer illégalement la profession de chirurgien dentiste, la cour d'appel a violé le texte précité et entaché sa décision d'un excès de pouvoir" ;

Attendu que, conformément aux prévisions de l'article L. 4161-5 du Code de la santé publique, la confiscation ordonnée porte nécessairement sur le matériel ayant permis l'exercice illégal de l'art dentaire, qui est distinct de celui servant à la fabrication des éléments de prothèse ;

Que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Guy X... à payer, au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale, la somme de 1 500 euros à la Confédération nationale des syndicats dentaires, celle de 1 500 euros au syndicat des chirurgiens dentistes de la Haute-Savoie et celle de 1 500 euros au Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens dentistes de la Haute-Savoie ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83773
Date de la décision : 24/02/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Dentiste - Exercice illégal de la profession - Convention européenne des droits de l'homme - Articles 6 et 7 - Compatibilité.

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 7 - Condamnation pour des faits ne constituant pas une infraction d'après le droit national ou international au moment où ils ont été commis - Interdiction - Dentiste - Exercice illégal de la profession - Compatibilité.

1° Les dispositions de l'article L. 4161-2 du Code de la santé publique incriminant l'exercice illégal de l'art dentaire, qui, selon l'article L. 4141-1 dudit Code, comporte le diagnostic ou le traitement des maladies congénitales ou acquises, réelles ou supposées, de la bouche, des dents et des maxillaires, sont compatibles avec les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme d'où il résulte que toute infraction doit être définie en termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire (1).

2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Dentiste - Exercice illégal de la profession - Prothésiste - Actes prothétiques.

2° Exerce illégalement l'art dentaire le prothésiste, non titulaire du diplôme de chirurgien-dentiste, qui prend des empreintes et pose des appareils de prothèse, cet acte étant la conséquence d'un diagnostic (2).


Références :

1° :
1° :
2° :
Code de la santé publique L4161-2
Code de la santé publique L4161-2, L4141-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6, 7

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 04 juin 2003

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1994-05-03, Bulletin criminel 1994, n° 164 (1), p. 375 (cassation), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1998-01-13, Bulletin criminel 1998, n° 17 (2), p. 40 (rejet). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1986-11-04, Bulletin criminel 1986, n° 318, p. 807 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 2002-09-17, Bulletin criminel 2002, n° 167 (1), p. 616 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 fév. 2004, pourvoi n°03-83773, Bull. crim. criminel 2004 N° 51 p. 199
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 51 p. 199

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Rapporteur ?: M. Blondet
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83773
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