AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 20 novembre 2001), que les époux X..., maîtres de l'ouvrage, ont, en 1985-1986, fait construire un pavillon d'habitation par l'entreprise Y... Frères, dénomination sous laquelle Jacques et Pierre Y..., assurés suivant police responsabilité décennale par la Mutuelle assurance artisanale de France, exerçaient en commun, dans une société créée de fait, une activité de maçonnerie-plâtrerie-carrelage ; que la réception sans réserve a été fixée au 10 octobre 1986 ; que des désordres étant apparus, les maîtres de l'ouvrage ont, par acte du 9 mai 1996, introduit une procédure en référé-expertise contre "MM. Y... Frère " puis engagé en 1997 une instance en réparation sur le fondement de l'article 1792 du Code civil contre MM. Jacques et Pierre Y... ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de déclarer leur action irrecevable comme prescrite, alors, selon le moyen :
1 ) que l'effet interruptif d'une diligence, lorsqu'elle consiste en un acte de procédure, est sans lien avec la validité de cet acte ; qu'en excluant que l'assignation en référé délivrée à "MM. Y... Frères " ait interrompu la prescription courant au profit des locateurs d'ouvrage Jacques et Pierre Y... au motif inopérant pris de son irrégularité, la cour d'appel a violé les articles 1792 et 2244 du Code civil ;
2 ) que chacun des associés d'une société de fait ayant agi en cette qualité à l'égard des tiers est tenu à l'égard de ceux-ci des actes accomplis ; que Jacques Y... étant, dans ces conditions, tenu à l'égard des époux X... des actes accomplis au nom de la société Y... Frères , son intervention volontaire dans l'instance de référé tenue sur l'assignation délivrée à cette société avait nécessairement interrompu la prescription à son égard ; qu'en décidant le contraire au motif erroné pris de la nécessité d'une assignation distincte des deux associés de la société de fait Y... Frères , la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 1872-1 et 2244 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu, par motifs adoptés, qu'il résulte de l'article 2244 du Code civil que l'acte interruptif de prescription doit viser celui que l'on veut empêcher de prescrire et qu'aux termes de l'article 2247 du même code, l'interruption est regardée comme non avenue si l'assignation est nulle par défaut de forme et constaté, par motifs propres, que l'assignation en référé-expertise du 9 mai 1996 avait été délivrée à "MM. Y... Frères ", ou, dans le corps de l'acte, à "la société Y... Frères ", et que l'ordonnance de référé du 31 mai 1996 indiquait que l'entreprise Y... Frères, n'ayant pas constitué avocat, était représentée à l'audience par M. Jacques Y..., la cour d'appel, qui a exactement retenu que la société créée en fait par MM. Jacques et Pierre Y... était dépourvue de la personnalité morale et que l'irrégularité de la procédure engagée contre une partie dépourvue de personnalité juridique est une irrégularité de fond, en a, à bon droit, déduit que la comparution volontaire de M. Jacques Y... n'avait pu couvrir cette irrégularité de sorte que la prescription n'avait pas été interrompue ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quatre.