AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze février deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE et les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Steve,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 24 octobre 2003, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de blanchiment et exercice illégal de la profession de banquier, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mainlevée du contrôle judiciaire ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 137, 138, 139, 140, 141-1, 141-2, 142, 142-2, 142-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de restituer le cautionnement qui avait été imposé à Steve X... par l'ordonnance du 22 décembre 1999 ;
"aux motifs qu'il existe à l'encontre de Steve X... des indices graves ou concordants laissant présumer son implication dans des opérations financières susceptibles de constituer un blanchiment de grande ampleur ; que les obligations du contrôle judiciaire auquel l'intéressé a été assujetti répondent, à titre de mesure de sûreté et pour les besoins de l'information, aux exigences de l'article 137 du Code de procédure pénale ; que, sur le contrôle judiciaire fixé par ordonnances du 22 décembre 1999 et du 5 avril 2000, ainsi que la Cour l'a dit par arrêt du 4 juillet 2003 non frappé de pourvoi, l'ordonnance de placement en détention provisoire du 3 novembre 2000, peu important sa cause, a révoqué la mesure de contrôle judiciaire et a rendu caduques les obligations restant à exécuter ; qu'en ce qui concerne le cautionnement qui était intégralement versé au 30 novembre 2000, la première partie garantissant la représentation ne peut, aux termes de l'article 142-2 du Code de procédure pénale, être restituée en l'absence de décision de mainlevée de la mesure, que si le prévenu s'est présenté à tous les actes de la procédure, a satisfait aux obligations du contrôle judiciaire et s'est soumis, s'il y a lieu, à l'exécution du jugement ; que le placement en détention provisoire ne permet pas la restitution de la première partie du cautionnement qui ne peut intervenir qu'à l'issue de la procédure ; que la seconde partie du cautionnement est restituée, conformément à l'article 142-3 du Code précité, soit en cas de non-lieu, soit en cas de condamnation définitive, si un surplus subsiste après emploi, conformément aux dispositions de l'article 142-2, 2 , du Code précité ; qu'il
s'ensuit qu'il n'y a lieu, en l'état, à restitution du cautionnement au motif de la révocation du contrôle judiciaire par l'effet de l'ordonnance de placement en détention provisoire du 30 novembre 2000 ;
"alors que, la remise en liberté d'office d'une personne mise en examen dont le contrôle judiciaire avait été irrégulièrement révoqué, entraîne nécessairement la mainlevée de ce contrôle judiciaire et met fin au cautionnement qui lui avait été réclamé, lequel doit lui être restitué, sauf au juge à placer l'intéressé à nouveau sous contrôle judiciaire assorti de l'obligation de fournir un cautionnement ; qu'en l'espèce, Steve X... placé sous contrôle judiciaire avec obligation de fournir un cautionnement de huit millions de francs, bien qu'il ait respecté l'intégralité de ses engagements, a été placé par suite d'une erreur, en détention provisoire ; qu'ainsi, sa remise en liberté d'office décidée par le juge d'instruction, a nécessairement levé le cautionnement ; que, dès lors que le nouveau contrôle judiciaire auquel l'intéressé a été ultérieurement assujetti n'était pas assorti d'un nouveau cautionnement, la chambre de l'instruction ne pouvait refuser la restitution" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, mis en examen pour blanchiment et exercice illégal de la profession de banquier, Steve X... a été placé sous contrôle judiciaire, par ordonnance du 22 décembre 1999, avec notamment obligation de fournir un cautionnement d'un montant de 8 millions de francs, en deux versements, dont la première partie a été fixée à 7 millions de francs et la seconde à 1 million de francs ; que, le 30 novembre 2000, alors que l'intégralité de ce cautionnement avait été versé, Steve X... a été placé en détention provisoire pour s'être soustrait à l'une des nouvelles obligations du contrôle judiciaire imposées par une ordonnance du 5 avril 2000, à savoir de ne pas quitter le territoire national, puis a été remis en liberté d'office, le 5 décembre 2000, après que le juge d'instruction eût été informé que l'intéressé avait, en réalité, respecté ladite obligation ; qu'enfin, par ordonnance du 8 décembre 2000, modifiée à plusieurs reprises, Steve X... a été de nouveau placé sous contrôle judiciaire ;
Que, le 23 juillet 2003, l'avocat de l'intéressé, faisant valoir que celui-ci ne s'était pas soustrait aux obligations du contrôle judiciaire et que l'ordonnance du 8 décembre 2000 et celles qui l'ont modifiée par la suite n'avaient pas maintenu l'obligation de fournir un cautionnement, a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de restitution de la totalité de ce cautionnement ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, les juges énoncent que la première partie du cautionnement ne peut, aux termes de l'article 142-2 du Code de procédure pénale, être restituée, en l'absence de décision de mainlevée de la mesure, que si le prévenu s'est présenté à tous les actes de la procédure, a satisfait aux obligations du contrôle judiciaire et s'est soumis, s'il y a lieu, à l'exécution du jugement ; qu'ils ajoutent que la seconde partie du cautionnement est restituée, en application de l'article 142-3 du Code précité, soit en cas de non-lieu, soit en cas de condamnation définitive si un surplus subsiste après emploi conformément au 2 , de l'article 142 du même Code ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 137, 138, 139, 140, 141-1, 141-2, 142, 142-2, 142-3 du Code pénal, 459, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le rejet de la demande de réduction du cautionnement imposé à Steve X... par l'ordonnance du 22 décembre 1999 ;
"aux motifs que, sur la réduction demandée, la Cour statue au regard de la situation personnelle du demandeur ; que Steve X... a la double nationalité française et marocaine et il a été autorisé pour des raison familiales et professionnelles, dont il avait fait état et compte tenu du cautionnement versé, à quitter le territoire ; que les informations versées au dossier et relatives à ses déplacements révèlent ainsi, de multiples voyages à l'étranger alors, qu'en outre, sa famille réside au Maroc et en Suisse ; que l'information étant achevée, il convient d'assurer la représentation devant la juridiction de jugement de l'intéressé qui est susceptible d'y être renvoyé ; qu'en conséquence, le cautionnement qui a été fixé en son temps, en fonction des ressources réelles ou supposées de Steve X... qui s'est acquitté de son montant, est nécessaire pour assurer, tant sa représentation en justice que la réparation des dommages causés par les infractions ainsi que les restitutions et le paiement de l'amende encourue, étant observé que le montant des sommes que l'intéressé a contribué à faire entrer dans le circuit de blanchiment, est chiffré à plusieurs millions de francs et que l'amende encourue pour les seuls faits de blanchiment, s'élève à 375 000 euros ;
"alors, d'une part, que les juges doivent apprécier le montant du cautionnement compte tenu notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen au jour de la demande de modification ; qu'en l'espèce, Steve X... a demandé la réduction de son cautionnement fixé en 1999 par lettre du 22 juillet 2003 ; qu'en se bornant à constater que le cautionnement a été fixé en son temps, à savoir par l'ordonnance du 22 décembre 1999, en fonction des ressources réelles ou supposées de Steve X..., sans rechercher si en juillet 2003, soit trois ans et demi plus tard, le cautionnement était toujours proportionné aux ressources et aux charges de Steve X... au jour de la demande de réduction, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"alors, d'autre part, que Steve X..., appelant de l'ordonnance du juge d'instruction de l'ordonnance de refus de réduction du cautionnement, a régulièrement produit des mémoires dans lesquels il soutenait qu'il s'était soumis pendant plus de trois années et demie, à toutes les obligations auxquelles il avait été soumis et que sa caution, d'un montant de huit millions de francs, était totalement disproportionnée par rapport aux sommes réclamées aux autres personnes mises en examen ; qu'en refusant de s'expliquer sur ces éléments substantiels apparus en cours de procédure, qui remettaient en cause la nécessité du maintien d'un tel montant de cautionnement, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés" ;
Attendu que, pour rejeter la demande de réduction du montant du cautionnement, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que la requête présentée par l'avocat de Steve X... s'analyse en une demande de restitution partielle du cautionnement déjà versé, l'arrêt n'encourt pas la censure ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Roger conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;