AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'à la suite d'un incident de circulation des trains en gare de Bourges, le CHSCT de l'établissement EEX de Vierzon a désigné un expert sur le fondement de l'article L 236-9 1 du Code du travail ; que l'employeur a saisi le Président du tribunal de grande instance sur le fondement de l'article L 236-9 III 1er alinéa du même code ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SNCF fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a refusé d'annuler la délibération d'un CHSCT (le CHSCT de l'établissement EEX de Vierzon), qui a, malgré les mesures nécessaires et suffisantes immédiatement prises par l'employeur désigné un expert dans le cadre d'un incident de circulation de trains survenu en gare de Bourges ; alors, selon le moyen :
1 / que, d'une part, un CHSCT ne peut procéder, aux frais de l'employeur, à la désignation d'un expert qu'en présence d'un risque grave constaté dans l'établissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a décidé qu'il existait un risque grave d'accident de circulation de trains en gare de Bourges, alors que l'erreur commise par l'agent du poste d'aiguillage, ayant causé le nez à nez entre deux trains, ne pouvait en aucun cas entraîner une collision, puisque des procédures internes, ayant d'ailleurs parfaitement fonctionné, existent pour pallier cette sorte de défaillance humaine, a violé l'article L. 236-9 du Code du travail ;
2 / que, d'autre part, les juges, saisis par l'employeur d'une contestation relative à la désignation d'un expert par un CHSCT, doivent se prononcer sur l'utilité de l'expertise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, après avoir relevé que la SNCF avait mandaté ses propres experts, dont la compétence faisait autorité en la matière et que le CHSCT était également composé de professionnels du transport ferroviaire et des risques qu'il comporte, a cependant considéré que le recours à un expert extérieur était utile pour parvenir à une vision globale et neutre de la situation et des risques, a violé l'article L. 236-9 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté qu'un risque de collision entre deux trains avait été encouru, la cour d'appel a retenu qu'il existait un risque grave autorisant le CHSCT à désigner un expert ;
Attendu, ensuite, que sans encourir le grief du moyen, la cour d'appel a pu décider qu'une analyse indépendante du risque rendait nécessaire la désignation d'un expert n'appartenant pas à l'entreprise ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir redéfini la mission d'un expert désigné, malgré les mesures nécessaires et suffisantes immédiatement prises par l'employeur par un CHSCT (le CHSCT de l'établissement EEX de Vierzon), dans le cadre d'un incident de circulation de trains survenu dans la gare de Bourges, alors, selon le moyen, que le juge ne peut, sauf abus manifeste, s'immiscer dans la désignation d'un expert comme dans la définition de sa mission, la décision du CHSCT étant, à cet égard, souveraine ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a redéfini la mission de l'expert désigné par le CHSCT alors que la seule constatation de l'impropriété de sa mission ne pouvait, sauf abus manifeste, qu'entraîner la nullité de la désignation de l'expert, a violé l'article L. 236-9 du Code du travail ;
Mais attendu que si, sauf abus manifeste, le juge n'a pas à contrôler le choix de l'expert auquel le CHSCT a décidé de faire appel en vertu de l'article L. 236-9 du Code du travail, il appartient au juge, saisi par l'employeur d'une contestation sur la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, de statuer éventuellement sur l'étendue de la mission confiée à l'expert ;
d'où il suit que la cour d'appel, qui a relevé que l'expertise décidée ne pouvait servir de prétexte à une remise en cause de la politique générale de l'entreprise en matière d'organisation du travail, a pu décider que la mission d'expertise devait être cantonnée à l'analyse et à la prévention du risque constaté ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SNCF aux dépens ;
Vu l'article L. 236-9 du Code du travail, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quatre.