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03/02/2004 | FRANCE | N°03-83873

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 février 2004, 03-83873


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois février deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de Me BALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 29 avril 2003, qui a révoqué le sursis avec mise à l'épreuve prononcé à son

encontre le 21 novembre 2000 ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le deuxième moyen de cassati...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois février deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de Me BALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 29 avril 2003, qui a révoqué le sursis avec mise à l'épreuve prononcé à son encontre le 21 novembre 2000 ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des droits de la défense ;

"en ce que la cour d'appel de Basse-Terre, statuant sur une demande de révocation du sursis avec mise à l'épreuve dont était assortie la condamnation prononcée à l'encontre de Jean-Pierre X... par jugement du tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre en date du 28 mars 2000, était composée de deux magistrats, Monsieur Levet et Madame Reoyo, qui faisaient déjà partie de la composition de la cour d'appel de Basse-Terre lorsque celle-ci avait eu à se prononcer, pour le rejeter, sur l'appel formé par Jean-Pierre X... contre le jugement susvisé ;

"alors que, si le tribunal correctionnel siégeant à juge unique était compétent pour se prononcer sur la demande de révocation du sursis avec mise à l'épreuve dont était assortie la condamnation prononcée à l'encontre de Jean-Pierre X... , c'est qu'il se prononçait pour le jugement du délit dont ce dernier a été reconnu coupable, et donc qu'il se prononçait sur le bien fondé d'une accusation en matière pénale, au sens des dispositions de l'article 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

qu'en vertu de ce texte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ;

que l'exigence d'impartialité devant s'apprécier objectivement, un magistrat qui a prononcé une peine d'emprisonnement avec sursis ne peut ensuite se prononcer sur une demande de révocation dudit sursis ;

qu'en l'espèce, deux des magistrats qui composaient la cour d'appel de Basse-Terre lorsque celle-ci avait eu à se prononcer par arrêt du 21 novembre 2000 sur l'appel formé par Jean-Pierre X... contre le jugement du tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre en date du 28 mars 2000 ayant prononcé à l'encontre de ce dernier la peine de trois mois d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant une durée de deux ans, siégeaient également au sein de la cour d'appel de Basse-Terre appelée à se prononcer sur la demande de révocation dudit sursis ; qu'en se prononçant ainsi dans une telle composition, la cour d'appel a violé l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne fait obstacle à ce que les juges qui ont prononcé une peine assortie du sursis avec mise à l'épreuve fassent partie de la composition de la juridiction appelée à statuer sur une requête du juge de l'application des peines tendant à la révocation de cette mesure ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné, en chambre du conseil, la révocation du sursis avec mise à l'épreuve assortissant la peine d'emprisonnement prononcée contre Jean-Pierre X... ;

"alors que, si le tribunal correctionnel siégeant à juge unique était compétent pour se prononcer sur la demande de révocation du sursis avec mise à l'épreuve dont était assortie la condamnation prononcée à l'encontre de Jean-Pierre X... , c'est qu'il se prononçait pour le jugement du délit dont ce dernier a été reconnu coupable, et donc qu'il se prononçait sur le bien fondé d'une accusation en matière pénale, au sens des dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

que les dispositions de l'article 744 du Code de procédure pénale qui prescrivent d'examiner le bien fondé d'une demande de révocation du sursis avec mise à l'épreuve en chambre du conseil, sont incompatibles avec les dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'où il résulte que toute juridiction appelée à se prononcer sur une demande tendant à la révocation d'un sursis, avec mise à l'épreuve doit statuer après des débats publics et par un jugement rendu publiquement" ;

Attendu qu'en statuant en chambre du conseil sur un incident contentieux relatif à l'exécution d'une sentence pénale, la cour d'appel n'a fait qu'appliquer les prescriptions de l'article 711 du Code de procédure pénale, qui n'est pas incompatible avec les dispositions conventionnelles invoquées au moyen, dès lors que, contrairement à ce que soutient le demandeur, les juges, saisis d'un tel incident, ne sont pas appelés à décider du bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens de ces dispositions ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-47 et 132-48 du Code pénal, 398, 398-1, 593, 710, 711, 742, 744 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué, confirmant le jugement entrepris rendu par le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre siégeant à juge unique, a rejeté l'exception d'incompétence dudit juge unique, et ordonné la révocation du sursis avec mise à l'épreuve dont était assortie la condamnation prononcée à l'encontre de Jean-Pierre X... par le jugement du 28 mars 2000 ;

"aux motifs que le tribunal correctionnel statuant à juge unique étant compétent, en vertu des dispositions de l'article 398-1 du Code de procédure pénale, pour connaître notamment du délit d'abandon de famille prévu et réprimé par l'article 227-3 du Code pénal (article 398-1-5 ), le même tribunal qui a prononcé une condamnation de ce chef est également compétent pour connaître en la même formation des incidents relatifs à l'exécution de cette condamnation, étant observé que les seules exceptions au principe d'une compétence fondée sur la matière sont relatives à l'état de détention provisoire du prévenu lors de sa comparution à l'audience, en cas de poursuite selon la procédure de comparution immédiate et au jugement des délits connexes à d'autres délits non prévus par l'article précité ; que dès lors, en l'espèce, le tribunal statuant à juge unique a retenu à juste titre sa compétence pour connaître de la requête du juge de l'application des peines tendant à la révocation du sursis probatoire attaché à la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre de Jean-Pierre X... pour abandon de famille ;

"alors, d'une part, que le tribunal correctionnel peut le cas échéant n'être composé que d'un seul magistrat statuant à juge unique "pour le jugement des délits énumérés à l'article 398-1 du Code de procédure pénale, au nombre desquels figure notamment l'abandon de famille prévu et réprimé par l'article 227-3 du Code pénal ; que, toutefois, lorsqu'ils se prononcent sur une demande de révocation d'un sursis avec mise à l'épreuve, les juges correctionnels, qui doivent alors statuer en chambre du conseil, ne peuvent le faire que parce qu'ils ne sont pas appelés à décider du bien fondé d'une accusation en matière pénale au sens des dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

que, dès lors, ils ne peuvent être réputés se prononcer dans un tel cas "pour le jugement" de l'un des délits énumérés par l'article 398-1 du Code de procédure pénale ; qu'en décidant, par suite, que le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre statuant à juge unique avait à juste titre retenu sa compétence pour connaître de la requête du juge de l'application des peines tendant à la révocation du sursis probatoire attaché à la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre de Jean-Pierre X... pour abandon de famille dès lors que le tribunal correctionnel statuant à juge unique était compétent pour connaître du délit d'abandon de famille et qu'il l'était par voie de conséquence pour connaître des incidents relatifs à l'exécution de la condamnation prononcée, cependant que le contentieux de la révocation du sursis est un contentieux autonome à l'occasion duquel le juge ne se prononce pas dans le cadre du jugement d'un délit, la cour d'appel de Basse-Terre n'a pas légalement justifié sa décision ;

"et alors, d'autre part, qu' en toute hypothèse, la cour d'appel ne pouvait statuer comme elle l'a fait, sans constater que le jugement du tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre, en date du 28 mars 2000, qui avait prononcé à l'encontre de Jean-Pierre X... la peine de trois mois d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve pour une durée de deux ans, avait été rendu par un juge unique" ;

Vu les articles 398 et 744, dernier alinéa, du Code de procédure pénale ;

Attendu que, lorsqu'il est saisi par le juge de l'application des peines d'une demande de révocation du sursis avec mise à I'épreuve, le tribunal correctionnel doit statuer dans la formation collégiale prévue par l'alinéa 1 de l'article 398 précité ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Pierre X..., appelant du jugement du tribunal correctionnel ayant révoqué, sur requête du juge de l'application des peines, le sursis avec mise à l'épreuve qui assortissait une peine de trois mois d'emprisonnement pour abandon de famille, a excipé de l'incompétence de la juridiction du premier degré, au motif qu'elle n'était composée que d'un seul juge ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation, la cour d'appel retient que le tribunal correctionnel statuant à juge unique étant compétent, en vertu des dispositions de l'article 398-1 du Code de procédure pénale, pour connaître, notamment, du délit d'abandon de famille, le même tribunal est également compétent pour connaître, en la même formation, des incidents relatifs à l'exécution de cette condamnation ;

Mais attendu qu'en statuant de la sorte, les juges ont fait une fausse application des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 29 avril 2003 ;

DIT que le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pître composé comme il est dit à l'article 398, alinéa 1, du Code de procédure pénale est saisi de la requête du juge de l'application des peines tendant à la révocation du sursis avec mise à l'épreuve par le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pître ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Basse-Terre, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, M. Pometan, Mmes Nocquet, Palisse conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti, M. Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Frechede ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83873
Date de la décision : 03/02/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Composition - Tribunal correctionnel - Formation collégiale - Saisine par le juge de l'application des peines d'une demande de révocation d'un sursis avec mise à l'épreuve.

1° Le tribunal correctionnel qui, statuant à juge unique, a prononcé une peine assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve, doit, lorsqu'il est saisi d'une demande de révocation de cette mesure par le juge d'application des peines, statuer dans la formation collégiale prévue par l'alinéa 1er de l'article 398 du Code de procédure pénale.

2° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Composition - Incompatibilités - Juridiction statuant sur une requête en révocation d'un sursis avec mise à l'épreuve - Magistrat ayant prononcé la peine assortie du sursis avec mise à l'épreuve (non).

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Tribunal - Impartialité - Juridictions correctionnelles - Composition - Tribunal correctionnel - Magistrat ayant prononcé la peine de sursis avec mise à l'épreuve et statuant sur la demande de sa révocation.

2° Aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit aux juges qui ont prononcé une peine assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve de faire partie de la juridiction appelée à statuer sur une requête en révocation.

3° JUGEMENTS ET ARRETS - Incidents contentieux relatifs à l'exécution - Procédure - Débats - Chambre du conseil - Domaine d'application.

3° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Publicité - Débats - Chambre du conseil - Révocation d'un sursis avec mise à l'épreuve 3° PEINES - Sursis - Sursis avec mise à l'épreuve - Révocation - Juridiction saisie - Procédure - Débats - Chambre du Conseil.

3° En statuant en chambre du conseil sur un incident contentieux relatif à l'exécution d'une sentence pénale, une cour d'appel fait l'exacte application des dispositions de l'article 711 du Code de procédure pénale, qui ne sont pas contraires à l'article 6.1 de la Convention européenne dès lors que les juges ne sont pas appelés à décider du bien-fondé d'une accusation en matière pénale (3).


Références :

1° :
3° :
3° :
Code de procédure pénale 398, 398-1, 744, dernier alinéa
Code de procédure pénale 711
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6.1

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 29 avril 2003

CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 2000-06-20, Bulletin criminel 2000, n° 235 (1), p. 695 (cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 fév. 2004, pourvoi n°03-83873, Bull. crim. criminel 2004 N° 27 p. 115
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 27 p. 115

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède
Rapporteur ?: M. Beyer
Avocat(s) : Me Balat.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83873
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