AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller DESGRANGE, les observations de Me FOUSSARD, la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DES CONTRIBUTIONS INDIRECTES, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 12 mars 2003, qui a annulé la procédure suivie contre Gérard X... et la société BARBARELLA du chef d'infraction à la législation sur les contributions indirectes ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 24, L. 26 et suivants, L. 38, L. 47 et L. 85 du Livre des procédures fiscales, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a annulé les investigations de l'Administration, ensemble le procès-verbal servant de base aux poursuites et relaxé, en conséquence, les prévenus des fins de la poursuite ;
"aux motifs que, lors du contrôle sur place effectué le 26 juillet 1998, les agents n'ont pas relevé d'infraction ; que Gérard X... a été entendu concernant les jours d'ouverture de l'établissement et la consommation d'alcool estimée ; qu'une nouvelle convocation lui a été adressée pour le 13 janvier 1999 ; qu'à cette date, il a à nouveau été entendu sur la consommation de spiritueux ; qu'un procès-verbal a été dressé le 22 février 1999 ; que si les dispositions de l'article L. 56-2 du Livre des procédures fiscales sont inapplicables dans le domaine des contributions indirectes, ces dispositions ne sauraient exclure l'application de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; que les agents ont bien procédé, à partir des factures qui avaient été remises, à un contrôle de cohérence avec la consommation estimée, en vue d'établir les montants d'alcool pur prétendument éludés ; que si l'Administration n'avait pas à recourir à la procédure de redressement contradictoire avant de notifier le procès-verbal de contravention, elle ne pouvait s'affranchir de l'exigence de loyauté qui s'impose à elle, en particulier de l'obligation de remise d'un avis de vérification telle que prévue par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; qu'il importe peu que les factures-congés soient des documents fiscaux, cette qualification fiscale n'excluant pas leur nature comptable ; que l'absence de remise d'un avis de vérification, telle que prévue par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, porte atteinte aux droits de la défense ;
"alors que les contrôles qu'effectuent les agents de la Direction générale des douanes et droits indirects, dans le domaine des contributions indirectes, notamment pour s'assurer que des alcools ne circulent pas sans titre de mouvement, à partir des factures-congés que leur présente l'exploitant, sont étrangers à l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, lequel est inapplicable en matière de contributions indirectes ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;
Vu l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que l'envoi ou la remise de l'avis prévu par ce texte n'est prescrit que pour la vérification de comptabilité du contribuable au regard de l'impôt sur le revenu ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, qu'aprés un contrôle effectué par les agents des douanes dans le cadre de la réglementation fiscale applicable aux débits de boissons, le 26 juillet 1998, dans les locaux de l'établissement le Paradisio exploité par la société Barbarella gérée par Gérard X..., suivi de la vérification des déclarations de ce dernier relatives à la consommation des spiritueux par rapport aux factures-congés correspondantes qu'il a été requis de communiquer, l'intéréssé s'est vu notifier un procés-verbal d'introduction irrégulière de boissons spiritueuses ;
qu'il a été cité avec la société Barbarella de ce chef, devant le tribunal correctionnel, par l'administration des douanes et droits indirects ;
Attendu que, pour faire droit à l'exception de nullité soulevée par les prévenus tirée du non respect de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel retient que Gérard X..., qui a ait l'objet d'un contrôle inopiné et d'une enquête qui s'est déroulée sur plusieurs mois, n'a jamais été destinataire de l'avis de vérification prévu par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales qui, selon ce texte, doit être remis au début des constatations matérielles ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le contrôle du 28 juillet 1998 a eu lieu conformément aux dispositions des articles L. 26 et L. 35 du Livre des procédures fiscales, que la remise des factures- congés exigée de l'intéréssé relève de l'exercice du droit de communication prévu par l'article L. 85 dudit Livre et que l'intervention des agents de l'Administration n'a pas revêtu le caractère de la vérification de comptabilité régie par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte ci-dessus visé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 12 mars 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;