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28/01/2004 | FRANCE | N°03-80867

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 janvier 2004, 03-80867


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Brigitte, épouse Y...,

- Z... Bernard,

- A... Daniel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM

, chambre correctionnelle, en date du 23 janvier 2003, qui, pour faux, usage de faux et déclaration ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Brigitte, épouse Y...,

- Z... Bernard,

- A... Daniel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 23 janvier 2003, qui, pour faux, usage de faux et déclaration inexacte pour obtenir de l'Etat ou d'un organisme public un paiement indu, les a condamnés, la première à 1 000 euros d'amende, le second à 2 000 euros d'amende et le troisième à 1 500 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 6.3.a de la Convention européenne des droits de l'homme, 551, 565, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation invoquée par les demandeurs ;

"aux motifs que la nullité de la citation prévue par l'article 565 du Code de procédure pénale ne peut être prononcée que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'elle concerne ; que, lorsque les parties citées n'ont pu avoir aucun doute sur l'objet et la portée de l'acte par lequel elles sont traduites devant le tribunal, elles ne peuvent se prévaloir de la nullité de la citation ; qu'il en est ainsi notamment dans le cas où la citation vise un procès-verbal qui constate l'infraction, les prévenus étant alors informés des faits servant de base à la prévention et étant en mesure de préparer leur moyen de défense ; qu'en l'occurrence, chaque citation comporte le numéro de parquet 00000170 qui correspond au numéro sous lequel l'ensemble de la procédure a été enregistrée au parquet de Moulins depuis l'établissement du premier soit-transmis du 18 janvier 2000 ; que la simple lecture de chacune des auditions des prévenus par l'enquêteur du SRPJ de Clermont-Ferrand rapprochée des faits visés dans la prévention donne toutes précisions sur l'objet des deux chefs de poursuite, qu'ill s'agisse des factures falsifiées et de leur usage ou encore des renseignements inexacts et incomplets donnés dans la déclaration exigée pour l'obtention d'un paiement ou d'un avantage de la part d'une collectivité locale ou de l'Etat ;

"1 ) alors que, selon l'article 6.3.a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout prévenu a droit d'être informé de manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que ce principe, dont la méconnaissance porte par elle-même atteinte aux intérêts de la personne poursuivie, se traduit en droit interne par l'obligation, édictée par l'article 551 du Code de procédure pénale, de préciser le fait poursuivi dans la citation ; que les auditions des prévenus au cours de l'enquête préliminaire n'ont pas pour objet de détailler les faits retenus par le ministère public à leur encontre au terme de cette enquête et que, par conséquent, en écartant, par les motifs susvisés, l'exception de nullité de la citation régulièrement soulevée par les demandeurs in limine litis, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs et violé, ce faisant, les textes susvisés ;

"2 ) alors que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que les vices dont étaient entachées les citations délivrées aux demandeurs ont, in concreto, porté atteinte à leurs intérêts dès lors qu'il résulte sans ambiguïté de leurs conclusions régulièrement déposées qu'ils n'ont pas été en mesure de s'expliquer sur les faits que la cour d'appel a cru pouvoir retenir à leur encontre" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les trois prévenus sont poursuivis, aux termes des citations, d'une part, pour avoir à Moulins et Neuvy, en tout cas sur le territoire national, de décembre 1997 à décembre 1999, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, par quelque moyen que ce soit, altéré frauduleusement la vérité d'un écrit ou de tout autre support de la pensée destiné à établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce en falsifiant des factures destinées à l'obtention de subventions et fait usage desdits faux au préjudice de l'Etat, infractions prévues et réprimées par les articles 441-1, alinéa 2, 441-10 et 441-11 du Code pénal et, d'autre part, pour avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, fourni sciemment des renseignements inexacts ou incomplets dans la déclaration exigée en vue d'obtenir de l'Etat, des collectivités locales ou de l'un des services et organismes dont la liste est fixée par décret, un paiement ou avantage quelconque indu, infractions prévues et réprimées par les articles 22 II de la loi 68-690 du 31 juillet 1968 ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité des citations régulièrement soulevée en raison de leur imprécision, les juges du second degré prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que les citations, qui mentionnent les circonstances de temps et de lieu relatives aux faits poursuivis, ainsi que les textes de loi applicables, ont satisfait aux exigences de l'article 551 du Code de procédure pénale et ont mis les prévenus en mesure de présenter leurs moyens de défense, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

Que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8, 41, 75, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique invoquée par les demandeurs ;

"aux motifs, repris, des premiers juges que le soit-transmis du procureur de la République à un officier de police judiciaire aux fins d'enquête, c'est-à-dire en vue de constater l'existence d'une infraction, de réunion les preuves de l'infraction et d'en rechercher les auteurs constitue un acte interruptif de prescription de l'action publique ; le soit-transmis du 13 février 2000 est un acte ayant interrompu la prescription ;

"alors que, pour interrompre la prescription, les réquisitions du ministère public adressées aux officiers de police judiciaire doivent comporter un minimum de précision quant aux faits poursuivis et quant à leur éventuelle qualification, faute de quoi le champ d'investigation des policiers est laissé à leur arbitraire, ce qui ne se concilie pas avec le nécessaire contrôle de leur action par l'autorité judiciaire et que la Cour de Cassation étant en mesure de s'assurer, par l'examen de la procédure, que le soit-transmis susvisé, annexé à un article de presse, portait uniquement mention "pour enquête", la cour d'appel devait impérativement constater que cet acte n'avait pas été de nature à interrompre la prescription de l'action publique" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription soulevée par les prévenus, les juges du second degré prononcent par les motifs adoptés des premiers juges repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les instructions adressées par le procureur de la République à un officier de police judiciaire à l'effet d'enquêter sur des faits révélés par un article de presse, sont des actes interruptifs de la prescription de l'action publique, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 441-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré les demandeurs coupables de faux en écriture de commerce et usage ;

"1 ) alors que le faux n'est punissable qu'autant que la pièce prétendument falsifiée constitue un titre ; que, de principe, les factures, soumises par nature à discussion et à vérification, ne constituent pas des titres et que, dès lors, en entrant en voie de condamnation à l'encontre des demandeurs des chefs de faux en écriture de commerce et usage, cependant que la prévention visant exclusivement la falsification de factures, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 441-1 du Code pénal ;

"2 ) alors que des factures émises, comme en l'espèce, selon les constatations de l'arrêt, par des associations à but non lucratif, ne peuvent être assimilées à des écritures de commerce ;

"3 ) alors que des factures non dotées d'un numéro d'ordre et non signées, ce qui est le cas des factures prétendument constitutives de faux (arrêt, page 9, 5, ne sauraient, faut d'avoir pour objet ou pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, servir de base à une condamnation pour faux en écriture de commerce et usage ;

"4 ) alors qu'il n'existe d'usage de faux punissable qu'autant que les pièces prétendument contrefaites ou altérées sont susceptibles d'occasionner à autrui un préjudice actuel et possible et que des factures non dotées d'un numéro d'ordre et non signées, annexées à des demandes de subventions soumises à une Administration chargée de s'assurer de leur régularité, n'étaient pas de nature, sauf défaut de vigilance inadmissible de cette Administration, de causer un quelconque préjudice à l'Etat" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-1, 121-7 et 441 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard Z... et Bernard A... coupables de faux ;

"aux motifs que Brigitte Y... a reconnu avoir rédigé les fausses factures à en-tête du CIMDR à destination de la FDFR ;

qu'elle a déclaré que les libellés des factures étaient faux, ne correspondaient pas à des prestations réelles entre le CIDMR et la FDFR ; qu'elle a précisé que ces factures étaient rédigées sur instructions de Daniel A... et de Bernard Z... en spécifiant que Daniel A... lui donnait des instructions verbales en lui laissant le soin de se débrouiller pour rédiger le libellé des factures tandis que Bernard Z... donnait les directives plus précises et faisait même parfois des brouillons pour l'établissement de ces fausses factures ;

"1 ) alors que, par les motifs susvisés, la cour d'appel est entrée en voie de condamnation à l'encontre de Bernard Z... et Daniel A..., non pour faux en écriture de commerce mais pour complicité de ce délit, cependant qu'ils ne se sont expliqués ni l'un ni l'autre sur cette qualification distincte de celle visée dans la prévention, relevée d'office par les juges d'appel, en méconnaissance des principes déduits par la chambre criminelle de la Cour de Cassation de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"2 ) alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait et que les motifs susvisés de l'arrêt qui impliquent que Daniel A... n'a pas participé à l'infraction, ni comme auteur ni même comme complice, faute d'avoir donné des instructions précises à Brigitte Y..., ne permettent pas de justifier la décision de condamnation intervenue" ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, 22 de la loi n° 68-690 du 31 juillet 1968, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Daniel A... et Bernard Z... et Brigitte Y... coupables de fourniture en connaissance de cause de renseignements inexacts en vue d'obtenir de l'Etat des avantages indus ;

"1 ) alors que tout jugement rendu en matière correctionnelle doit être motivé et qu'en ne précisant pas les dates et le montant des subventions obtenues, lesquelles n'étaient pas détaillées en la prévention, la cour d'appel ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer le contrôle qui est le sien ;

"2 ) alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence et que la motivation de l'arrêt d'où il résulte, tantôt que les dossiers de subventions étaient "traités par Bernard Z...", tantôt que les trois prévenus "ont présenté en connaissance de cause des demandes de subventions qu'ils savaient établies sur des bases volontairement faussées" ne permet pas de justifier légalement la décision attaquée" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, que l'association "Fédération départementale des foyers ruraux de l'Allier" (FDFR), ayant une activité d'organisation et de coordination des foyers ruraux adhérents, avait pour président bénévole Bernard Z... et pour trésorière bénévole Brigitte Y..., que l'association "Communication insertion développement en milieu rural" (CIDMR), créée pour mettre en place, dans des communes rurales, des "points accueil service" disposant de matériel informatique, avait pour président Daniel A..., pour directeur salarié Bernard Z... et pour comptable salariée Brigitte Y... et que ces associations avaient bénéficié de subventions publiques ;

Attendu que, pour déclarer les trois prévenus coupables de faux, usage de faux et de déclaration inexacte pour obtenir de l'Etat ou d'un organisme public un paiement indu, les juges énoncent que, pour obtenir plus facilement des subventions d'un montant majoré au profit du CIDMR, les prévenus ont présenté, au nom de la FDFR, des demandes de subventions, qui devaient être redistribuées au CIDMR, et qui ont été établies sur des bases volontairement fausses tant en ce qui concerne les comptes de la FDFR que ceux du CIDMR ;

Que les juges retiennent que 17 factures, justifiant comptablement des prestations de services du CIDMR au FDFR, mais ne mentionnant pas de numéro d'ordre et non signées, se sont avérées non causées et que les prévenus sont tous retenus dans les liens de la prévention du chef de faux en qualité d'auteur principal, Brigitte Y... ayant reconnu avoir établi matériellement les fausses factures sur instructions et avec l'aval de Daniel A... et Bernard Z... ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors, d'une part, que constitue un faux le fait d'établir, en vue de justifier des mouvements de fonds en comptabilité, des pièces inexactes concernant les opérations correspondantes et, d'autre part, que commet le délit de faux au même titre que celui qui a personnellement fabriqué l'écrit, celui qui coopère sciemment à sa fabrication, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié les faits soumis au débat contradictoire, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-80867
Date de la décision : 28/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, 23 janvier 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 jan. 2004, pourvoi n°03-80867


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.80867
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